Le nouveau président du FN, Jean-François Jalkh, rattrapé par des déclarations négationnistes
Le nouveau président du FN, Jean-François Jalkh, rattrapé par des déclarations négationnistes
Par Maxime Vaudano, Olivier Faye
Le président par intérim, désigné après la mise en congé de Marine Le Pen, a remis en question en 2000 l’utilisation du gaz Zyklon B dans les camps d’extermination nazis.
Quelques heures après sa nomination comme président par intérim du Front national, Jean-François Jalkh a vu exhumer des propos qu’il aurait certainement préféré ne pas avoir tenus devant témoin.
Dans un entretien en avril 2000 avec l’universitaire Magali Boumaza, retrouvé mardi 25 avril par le journaliste de La Croix Laurent de Boissieu, Jean-François Jalkh émet des doutes sur la réalité des chambres à gaz – ravivant une rhétorique négationniste dont Marine Le Pen essaye de débarrasser son parti depuis son accession à la présidence, en 2011.
« Moi je dis qu’on doit pouvoir discuter même de ce problème [des chambres à gaz] », commence M. Jalkh, avant de faire la distinction entre les révisionnistes « timbrés » et « provocateurs », qui sont « des gens détestables », et les négationnistes « sérieux » comme Robert Faurisson (condamné à plusieurs reprises pour « contestation de crimes contre l’humanité »), dont il loue la « rigueur » de l’argumentation.
« Il n’y a pas du tout de volonté délibérée de nuire à qui que ce soit », poursuit-il, en se défendant d’être négationniste, avant d’expliquer qu’il a interrogé un spécialiste de la chimie sur le Zyklon B, un gaz utilisé par les nazis dans leur industrie de l’extermination : « Moi, je considère que d’un point de vue technique il est impossible, je dis bien impossible de l’utiliser dans des (…) exterminations de masse. Pourquoi ? Parce qu’il faut plusieurs jours avant de décontaminer un local (…) où l’on a utilisé du Zyklon B. »
« Je n’ai aucun souvenir de ça »
Contacté par Le Monde, le nouveau président par intérim du FN assure ne pas se souvenir de cet entretien avec Magali Boumaza. « C’est la première fois que j’entends ce genre de conneries-là, je n’ai aucun souvenir de ça. Peut-être que j’ai donné une interview mais ce ne sont pas mes sujets de prédilection, assure le député européen. Il est possible que j’ai vu ces gens-là le 14 avril 2000, mais les étudiants qui arrivent pour parler de Zyklon B, je les vois venir. Je ne suis pas un débutant au FN, j’y suis depuis 1974 : je mets quiconque au défi de dire m’avoir entendu tenir des propos sur ces sujets-là. »
Une version démentie par Magali Boumaza, qui assure détenir la preuve que Jean-François Jalkh a bien tenu ces propos, sur ses carnets de notes et dans des archives sur cassette audio. « J’étais à l’époque doctorante en sciences politiques, et je suis venue au Paquebot [siège du FN] pour l’interviewer sur son engagement au FN. L’entretien a duré trois heures, et c’est lui qui a abordé spontanément le sujet des chambres à gaz, explique la chercheuse. A aucun moment, il ne m’a demandé d’arrêter l’enregistrement ou de ne pas retranscrire ses propos. »
M. Jalkh, dont Le Monde avait relevé en 1991 la présence lors du 40e anniversaire de la mort du maréchal Pétain, n’avait jamais démenti ces déclarations, publiées en 2005 dans la revue académique Le Temps des savoirs (Odile Jacob). Aujourd’hui, il explique ne pas se souvenir à qui il a eu affaire à l’époque et se questionne sur leurs intentions : « Qui sont ces gens-là ? Des policiers ? Des étudiants de deuxième année boutonneux à la fac ? Des journalistes ? »
« C’est une information livrée par la police »
Le député européen, ancien proche de Bruno Gollnisch au sein du FN, met en avant sa proximité dans les années 1980 avec le secrétaire général du parti de l’époque, Jean-Pierre Stirbois, accusé au sein de l’extrême droite d’être un « agent sioniste », pour arguer de sa bonne foi : « On l’appelait M. Stirnbaum dans certains milieux NR [nationalistes-révolutionnaires]. »
Le remplaçant de Marine Le Pen s’offusque par ailleurs du fait que ces propos reviennent aujourd’hui sur le devant de la scène. « C’est une information livrée sans doute par la préfecture de police. Ce n’est pas un hasard si cela ressort à deux semaines du second tour. » L’article de Magali Boumaza était pourtant facilement accessible sur des moteurs de recherche comme Google Books.
Interrogé mercredi sur BFMTV sur les déclarations de M. Jalkh, le directeur de campagne de Marine Le Pen, David Rachline, a dénoncé une « affaire (…) évidemment montée de toute pièce », assurant que Jean-François Jalkh avait « déposé une plainte ».
La déclaration complète de Jean-François Jalkh
Les propos du nouveau président du Front national ont été enregistrés lors d’un entretien en avril 2000 avec l’universitaire Magali Boumaza. Ils ont été retrouvés mardi 25 avril par le journaliste de La Croix Laurent de Boissieu.
« Le problème des chambres à gaz, mais moi je dis qu’on doit pouvoir discuter même de ce problème. Vous avez des révisionnistes, parce qu’il y a deux sortes de révisionnistes, ou de négationnistes. Il y a les espèces de timbrés et tous les provocateurs en faisant des plaisanteries de corniauds sur le malheur des autres, etc., qui à mon avis sont des gens détestables. Mais, moi il se fait que j’ai été amené à lire, par exemple, des ouvrages de gens qui sont des négationnistes ou des révisionnistes. Bon, ben moi, honnêtement, moi, je ne suis pas négationniste, mais je dis moi, quelque chose qui m’a énormément surpris, dans les travaux d’un négationniste ou d’un révisionniste sérieux, ce qui justement m’a surpris c’est le sérieux et la rigueur, je dirais, de l’argumentation. Bon, même un type comme Faurisson, par exemple, qui est professeur à la faculté à Lyon, il est professeur de faculté, il est quand même prof, etc., je veux dire, j’ai lu un certain nombre de trucs soi-disant que l’on m’a recommandés parce que justement ça fait partie du débat, je crois qu’on ne peut pas avoir de position sur le sujet sans avoir lu le pour, le contre. Il dit : “Moi je vous demande, je pose un certain nombre de questions sur le plan technique, je vous demande de répondre précisément à ces questions toc, toc, toc, toc.” Il n’y a pas du tout de la haine, il n’y a pas du tout de volonté délibérée de nuire à qui que ce soit, je pose concrètement un certain nombre de questions, par exemple, sur l’utilisation chimique, je m’intéresse à un spécialiste de la chimie et je lui demande sur l’utilisation d’un gaz, par exemple, qu’on appelle le Zykon B. [sic], moi, je considère que d’un point de vue technique il est impossible, je dis bien impossible de l’utiliser dans des (…) exterminations de masse. Pourquoi ? Parce qu’il faut plusieurs jours avant de décontaminer un local qui a été… où l’on a utilisé du Zyklon B. »