Hollande en Bretagne « pour chasser les mauvais vents du repli »
Hollande en Bretagne « pour chasser les mauvais vents du repli »
Par Solenn de Royer (Belle-Ile-en-mer, Quistinic (Morbihan) et Plélo (Côtes-d’Armor) - envoyée spéciale)
Le chef de l’Etat redoute une « abstention délibérée » qui favoriserait Marine Le Pen. « Il faut un vote large en faveur de Macron », confie-t-il.
François Hollande, à Belle-Ile-en-Mer, le 28 avril. | DAMIEN MEYER/AFP
Le Falcon glisse entre les nuages, commence sa descente. Assis l’un en face de l’autre, François Hollande et Jean-Yves Le Drian collent leurs visages aux hublots. « Regarde, c’est Lorient ! », lance le ministre de la défense. « Ah, c’est Lorient, là ? », répond le président, ravi. Avec son portable, il prend une photo de l’arsenal, des bateaux blancs qui se détachent sur la mer grise.
C’est là que tout a commencé, il y a plus de trente ans. Quand, en 1985, François Hollande et ses amis Jean-Yves Le Drian, Jean-Pierre Jouyet, Jean-Pierre Mignard, Jean-Michel Gaillard et Bernard Poignant ont fondé les « transcourants », qui visaient à dépasser les courants du Parti socialiste, tout en acceptant l’économie de marché et la mondialisation.
« Mauvais vents »
C’est aussi en Bretagne que M. Hollande avait lancé sa campagne de deuxième tour, en avril 2012, flanqué du même « Jean-Yves », président de la région. « Je suis venu tant de fois à Lorient préparer le socialisme du XXIe siècle », avait dit le futur président de la République, sans se douter du désastre qui se préparait pour le PS, cinq ans plus tard, au terme d’un quinquennat chahuté.
C’est là que tout a commencé et que tout finit, donc : « Je voulais terminer mon mandat en Bretagne », a expliqué le chef de l’Etat, alors qu’il doit quitter l’Elysée dans quinze jours. Un grand bol d’air au mitan d’une campagne d’entre-deux-tours étouffante, alors que l’écart entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen se resserre dans les sondages. « On a besoin d’air pur, parce qu’il y a quand même aussi des mauvais vents (…), les vents du nationalisme, du repli, de la peur », a lancé M. Hollande à son arrivée à Belle-Ile-en-Mer, rejointe au petit matin, en hélicoptère. « Il faut donc chasser les mauvais vents (…), aller vers le grand large, ne jamais se replier », a-t-il ajouté.
Il s’est ensuite lancé dans des adieux à la fois joyeux, nostalgiques et teintés d’inquiétude. De Belle-Ile, où aimait à se rendre François Mitterrand, à Plélo (Côtes-d’Armor), en passant par la visite d’une exploitation agricole à Quistinic (Morbihan), François Hollande a multiplié les mises en garde. Le chef de l’Etat redoute une « abstention délibérée » qui favoriserait Marine Le Pen. « Il faut un vote large en faveur de Macron », confie-t-il. À la mairie du Palais, le port de l’île, il a une nouvelle fois taclé le FN, dénonçant « ceux qui veulent séparer, distinguer, opposer ».
Auparavant, le chef de l’Etat avait déambulé sur le quai, jusqu’au marché, un ballet de mouettes au-dessus de la tête. L’occasion de plusieurs bains de foule : des selfies et des mains serrées avec une jubilation non dissimulée. Comme si ce président privé de campagne électorale se régénérait au contact des Français, à quelques jours de quitter le pouvoir.
Devant les ouvriers de Celtigel, une entreprise des Côtes-d’Armor, il a évoqué le club de football de Guingamp, l’occasion de disserter sur ces « petits qui arrivent à vaincre les gros », dans une allusion possible à son ancien conseiller en passe de devenir président. « On aime les petits (…) qui se battent, les petits vaillants, les petits qui font rêver, ceux qui montrent que c’est possible, qui cherchent à créer la surprise » mais « après c’est le mérite, c’est le travail, c’est la constance, c’est la vaillance » qui l’emportent, a-t-il prévenu.
Le président continuera ses déplacements de terrain jusqu’au dernier moment. Il doit également se rendre à Berlin le 8 mai, pour dîner avec Angela Merkel, qui tenait à l’inviter une dernière fois avant la fin de son mandat. M. Hollande, qui installera ses bureaux au 242 rue de Rivoli à Paris, comme l’a révélé Le Monde, devrait passer les pouvoirs à son successeur le 13 ou 14 mai.
Dans le Falcon qui le ramène à Paris, le chef de l’Etat ouvre une enveloppe qu’une dame lui a tendue à l’aéroport de Saint-Brieuc, avec un bouquet de muguet. Il lit la carte postale noircie d’une écriture fine et tremblante : « Merci, M. le président, pour tout ce que vous avez fait pour nous. Prenez soin de vous. Que ce muguet vous porte bonheur. »