Kévin Reza, lors du prologue de Paris-Nice en 2016. | KENZO TRIBOUILLARD / AFP

En un peu plus d’une saison dans le peloton cycliste, l’Italien Gianni Moscon s’était déjà fait une réputation de futur champion des courses flandriennes. En voilà une deuxième : les colères du coureur du Trentin prendraient parfois des teintes racistes. Vendredi 28 avril, Gianni Moscon a, lors d’une dispute durant le Tour de Romandie avec le Français Kévin Reza, tenu des propos racistes à l’égard du coureur antillais.

Devant son employeur, l’équipe britannique Sky, Gianni Moscon a reconnu « un mauvais comportement », selon les termes du communiqué. Une fois la course terminée, l’équipe Sky l’a suspendu six semaines. Cela tombe très bien pour celui qui arrivait au terme de sa première partie de saison et avait prévu une coupure.

Il sera revenu à temps pour son championnat national et pour, si la Sky le souhaite, aider Christopher Froome dans la conquête d’un quatrième Tour de France. Aucune amende ni retenue sur salaire n’est annoncée, plutôt un « cours d’éducation à la diversité ». Visiblement, cela existe.

Silence du peloton

L’équipe Sky aurait aussi pu faire comme si de rien n’était. C’est souvent la stratégie employée lorsque le racisme s’immisce dans le peloton, où le sujet semble plus tabou encore que le dopage.

La FDJ s’est empressée d’enterrer l’incident, expliquant avoir accepté les excuses de Moscon. L’Union cycliste internationale (UCI) a jusqu’ici décidé de ne rien faire et son président, Brian Cookson, est resté muet sur la question, alors qu’il menait campagne pour sa réélection pôur le Tour du Sénégal. Le règlement de l’UCI offre la possibilité de suspendre un coureur pour « atteinte à l’image » du cyclisme.

L’attitude des différents acteurs suggère que le comportement de Moscon serait resté impuni sans le message envoyé à chaud, juste après l’arrivée de l’étape, par le coéquipier suisse de Kévin Reza, Sébastien Reichenbach : « Choqué d’entendre encore des imbéciles utiliser des insultes racistes dans le peloton professionnel. Vous êtes une honte pour notre sport. »

« Je n’ai jamais eu aucun souci »

Sur les réseaux sociaux, largement utilisés par les professionnels, aucun autre coureur ne s’est exprimé sur le sujet. L’annonce d’une compétition récompensant le meilleur descendeur du Tour d’Italie, jugée dangereuse, a bien davantage fait réagir le peloton en ce week-end prolongé.

Kévin Reza, d’ordinaire très actif sur Instagram, n’a publié aucun message depuis. Mardi, il a fait savoir au Monde qu’il ne souhaitait pas s’exprimer sur le sujet. Comme en 2014, lorsqu’il s’était retrouvé au cœur d’une polémique après que son directeur sportif, Jean-René Bernaudeau, a accusé de racisme le Suisse Michael Albasini. Erreur de traduction, avait plaidé Albasini.

« Je n’ai jamais eu aucun souci en raison de ma couleur de peau, que ce soit en amateur ou chez les pros », disait Reza quelques jours plus tôt à Libération, en 2014. Nacer Bouhanni, d’origine algérienne, a toujours dit la même chose et ne répond plus aux questions sur le sujet, lui qui a pourtant dû en entendre quelques-unes lorsqu’il martyrisait le peloton amateur en Lorraine, dans sa jeunesse.

Jean-René Bernaudeau, patron de l’équipe Direct Energie, amoureux des cyclismes antillais et africain, est l’un des rares à témoigner ouvertement de propos racistes chez certaines équipes. « Après le dopage, c’est l’autre fléau de ce sport », disait-il même il y a trois ans.

Curiosités

L’Erythréen Daniel Teklehaimanot (à gauche), aux côtés d’autres stars du Tour de France lors de la présentaiton de l’épreuve en 2015. | ÉRIC FEFERBERG / AFP

Le manageur français a contribué à mettre un peu de couleur dans un peloton très blanc, d’abord en intégrant dans son équipe trois coureurs antillais (Yohann Gène, Rony Martias et Kévin Reza), puis en recrutant des coureurs érythréens, tunisiens et japonais.

L’équipe sud-africaine Dimension Data a, depuis, rendu plus habituelle la présence de coureurs d’Afrique subsaharienne au départ des grandes courses. Mais ils sont encore considérés par certains comme des curiosités, à l’instar des Colombiens, mal reçus par les Européens dans les années 1980.

Malgré l’augmentation exponentielle du nombre de professionnels africains, asiatiques ou sud-américains, les exemples connus d’incidents racistes restent peu nombreux. La gêne du peloton après les insultes de Gianni Moscon donne un début d’explication.