A Montréal, un MBA hors radar
A Montréal, un MBA hors radar
Par Jessica Gourdon
Célèbre pour sa critique des formations classiques au management, Henry Mintzberg propose à l’université McGill un enseignement différent, fondé sur le partage.
Cela fait plusieurs décennies qu’Henry Mintzberg veut « en finir » avec les MBA. Ce chercheur en management s’est fait le chantre de la critique de ces formations, grâce à son livre Des managers, des vrais ! Pas des MBA (Editions d’Organisation), paru en 2004, et qui s’est vendu à 90 000 exemplaires dans le monde. Matières enseignées en silos, focalisation trop importante sur les chiffres et la prise de décision, utilisation sans modération d’études de cas déconnectées de la réalité… tous les travers de ces masters of business y sont décryptés.
L’International Masters Program for Managers (l’IMPM), qu’il a lancé en 1996 à l’université McGill, à Montréal, est en quelque sorte son manifeste pour un autre enseignement du management. Le programme, qui s’adresse à des cadres entre 35 et 50 ans et qui s’assimile à un executive MBA, est organisé autour d’un principe : le partage d’expériences entre participants. « Beaucoup de MBA ont un enseignement très analytique. Mais le management n’est pas une science, c’est un art. On ne l’apprend qu’en le pratiquant », résume Henry Mintzberg, qui enseigne encore, malgré ses 77 ans.
Dans le cursus, pas d’études de cas, de cours de marketing ou de stratégie. « Nous, les professeurs, parlons de nos recherches, et les participants nous parlent de leurs expériences. C’est là où les deux se croisent qu’on apprend des choses formidables », résume l’universitaire. Un élément du programme, baptisé « Friendly consulting », consiste à faire plancher les participants sur une problématique rencontrée par un élève dans son travail actuel, comme si celui-ci avait à sa disposition une équipe de consultants.
« Apprendre à mieux se connaître »
Les cinq modules constitutifs du programme se déroulent successivement dans des universités situées au Royaume-Uni, au Canada, en Inde, en Chine et au Brésil. « En se confrontant à d’autres manières de faire, chacun revient avec une meilleure connaissance de son propre pays et de ses pratiques », explique Henry Mintzberg.
Pendant la formation, les élèves sont incités à tenir un journal de bord et à partager leur démarche introspective, et partent faire une randonnée dans la région des lacs en Angleterre. « C’est un programme où on apprend à mieux se connaître pour sortir le meilleur de soi-même, résume Carole Onouviet, directrice du développement durable dans une société pétrolière au Gabon, qui fait partie de la dernière promotion. J’étais prise dans plusieurs MBA, mais j’ai choisi celui-ci parce que sa philosophie m’a plu. Elle me semblait plus humaine, plus responsable, tournée vers les hommes dans leurs environnements. »
Autre originalité : chaque participant passe une semaine dans l’entreprise d’un autre élève, l’observe et lui fait un retour sur ses pratiques. Carole Onouviet a réalisé ce « stage » au Canada, chez un sous-traitant de l’industrie pétrolière. « C’était fantastique, très enrichissant, et cela m’a aussi ouvert les yeux sur la manière dont je fonctionnais », se rappelle-t-elle. Bientôt, elle accueillera sa camarade de promotion au Gabon.