A Carpentras, les sympathisants FN espèrent « un retour rapide » de Marion Maréchal-Le Pen
A Carpentras, les sympathisants FN espèrent « un retour rapide » de Marion Maréchal-Le Pen
Par Cécile Bouanchaud
Quelques jours après la nette défaite de sa tante au second tour de la présidentielle, la députée d’extrême droite du Vaucluse quitte temporairement la vie politique.
Marion Marechal-Le Pen, lors de sa première campagne des législatives, dans la roisième circonscription du Vaucluse, à Carpentras, le 8 juillet 2012. | GERARD JULIEN / AFP
Les habitants de Carpentras ont accueilli la décision de Marion Maréchal-Le Pen de se mettre en retrait de la vie politique comme ils avaient appris son parachutage en 2012 dans leur circonscription : avec étonnement. Mercredi 9 mai, le téléphone a sonné plus qu’à l’accoutumée à la permanence Front national de Carpentras, où de vieilles affiches de campagne de Jean-Marie Le Pen ont la part belle. « Des sympathisants nous ont appelés pour faire part de leur tristesse après l’annonce de notre députée », fait savoir Thierry d’Aigremont, secrétaire départemental du FN dans le Vaucluse, qui reconnaît à demi-mot que certains de ces appels étaient teintés de « déception ».
La veille au soir, la députée du Vaucluse a officialisé sa volonté d’abandonner l’Assemblée nationale, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le bureau politique du FN. Un séisme pour un parti qui se relève à peine de sa défaite au second tour de la présidentielle, au terme d’une campagne décevante. En se retirant temporairement de la vie politique, Marion Maréchal-Le Pen laisse orpheline toute une partie du FN qui comptait sur elle pour porter une aile droite en interne et oblige Marine Le Pen à assumer seule le combat législatif.
Charisme
Sous un ciel d’où ne filtre aucun rayon de soleil, seuls les retraités et quelques touristes semblent avoir pris le risque de s’aventurer dans le centre-ville de Carpentras, mercredi. Sur la place Pierre de Champeville, l’annonce du départ de la « benjamine » s’immisce dans les conversations – largement majoritaires – sur la météo capricieuse de cette journée de début mai. Bien installé sur son banc, Bastien feint une mine triste que cache mal son air gouailleur : « Ça me fait tellement de peine. Elle était si jolie et si gentille. Je n’arrête pas de pleurer, vous lui direz », plaisante l’octogénaire, chemisette blanche et sandale ouverte.
La place Pierre de Champeville à Carpentras, mercredi 10 mai 2017, après l’annonce du retrait de la vie politique Marion Maréchal-Le Pen | Cécile Bouanchaud
Un propos qui résume d’une seule voix ceux des retraités interrogés. Demandez leur ce qu’ils pensent de Marion Maréchal-Le Pen, une litanie de compliments s’impose face au bilan politique. A les écouter, la députée ne serait qu’une femme « belle », « jeune », « souriante », « dynamique » et « douce ». Parachutée à 22 ans par son grand-père dans la circonscription de Carpentras, la jeune femme serait parvenue en cinq ans à imposer sa ligne identitaire et libérale à grands coups de sourires. « Elle a été parachutée, mais elle a bien su s’intégrer, avec son charisme, elle a réussi à séduire beaucoup d’habitants, même ceux qui ne votent pas FN », résume Stéphane, 62 ans, commerçant dans le prêt-à-porter, et vivant à Carpentras depuis vingt-cinq ans.
« Partir pour mieux revenir »
Passé ce discours sur l’apparente affabilité de Marion Maréchal-Le Pen, les Carpentrassiens n’hésitent pas à parler du fond, à savoir le programme de l’élue de 27 ans, qu’ils sont nombreux à cautionner. « J’aime ses idées conservatrices », résume Annie, 64 ans, qui « galère comme une malade » avec ses « 230 euros par mois », alors que « certains prennent tous les bons plans ».
« Elle n’a pas renié les idées de son grand-père et elle est très catholique. C’est ça qui me plaît », assume Stéphane, attablé à la terrasse du Code bar, situé à l’orée de la place de 25 août. Comprendre : Marion Maréchal-Le Pen assume sa ligne plus ferme en matière d’immigration, elle est opposée au remboursement de l’avortement et elle soutient la Manif pour tous.
Autant de points de dissensions avec sa tante qui lui ont permis d’incarner l’aile droite du FN. « Pour le parti, c’est une grande perte », résume Daniel, 64 ans, pieds-noirs vivant depuis près de cinquante ans à Carpentras, qui ne croit « pas trop à l’excuse » de Marion Maréchal-Le Pen de vouloir s’occuper de sa fille en bas âge. Confiants, les sympathisants frontistes espèrent un retour prochain de la jeune femme en politique. « D’ici trois ans », pronostique Chantal, la compagne de Daniel, originaire de cette ville de 30 000 habitants.
« Elle n’abandonnera pas la politique. Elle se prépare pour mieux revenir et dépasser sa tante. Elle peut le faire. »
« D’autres porteront ses idées »
D’ici là, le Front national devra faire sans Marion Maréchal-Le Pen, notamment aux élections législatives des 11 et 18 juin, où la jeune femme était en bonne position pour conserver son mandat de député. Si les sympathisants FN assurent sans détour qu’ils voteront Front national « quel que soit le candidat », certains considèrent que ce départ intervient « au pire moment ». « Elle donne le sentiment de quitter le navire, alors que c’était le moment idéal pour reprendre le dessus sur sa tante, qui a été nulle pendant le débat », analyse Chantal, qui confie être restée coite en apprenant le retrait de Marion Maréchal-Le Pen de la vie politique.
Près de la gare de Carpentras, le 10 mai, au lendemain de l’annonce de Marion Maréchal-Le Pen de se retirer de la vie politique. | Cécile Bouanchaud
« Il n’y a jamais de bon moment pour partir », tranche le secrétaire départemental Thierry d’Aigremont, estimant la situation plus critique si Marion Maréchal-Le Pen avait fait le choix de partir pendant la campagne ou trois mois après son nouveau mandat de députée.
« Il y a toujours une inquiétude pour l’avenir quand le chef s’en va. Mais elle laisse une fédération dynamique et structurée. Ses idées seront portées par d’autres. »
En premier lieu par Hervé de Lépinau, son suppléant dans la 3e circonscription du Vaucluse, que Marion Maréchal-Le Pen a suggéré pour prendre sa relève. Un potentiel candidat nettement moins connu et médiatique que l’actuelle députée frontiste. Et comme le rappelle un Carpentrassien : « Ici tout le monde ne vote pas FN, la ville est à gauche, et Macron est arrivé en tête au second tour. »
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