Documentaire sur Arte à 22 h 25

Conchita Wurst a remporté le concours de l’Eurovision pour l'Autriche, en 2014, avec la chanson Rise Like a Phoenix. | © Reuters/Yves Herman

Samedi 13 mai, aux premières notes du Te Deum de Marc-Antoine Charpentier, quelque 200 millions de téléspectateurs seront prêts à chanter, danser et commenter en famille ou sur les réseaux sociaux l’événement le plus regardé en Europe : le concours de l’Eurovision que diffuse France 2. Après la victoire, en 2016, de la chanteuse ukrainienne Jamala, c’est à Kiev que se tient cette 62e édition, sur fond d’exclusion et de boycottage de la Russie.

Humiliés après leur défaite face aux Ukrainiens, les Russes ont choisi pour les représenter cette année Ioulia Samoïlova, une chanteuse qui a comme particularités, entre autres, de s’être produite en concert en Crimée, peu après son annexion par la Russie en 2014. Devant ce choix non dénué de provocation, Kiev a aussitôt opposé une interdiction de territoire à la candidate russe.

L’Union européenne de radiodiffusion (UER) a tenté alors de temporiser en proposant aux Russes que leur représentante chante en duplex depuis Moscou. En vain. Puis l’instance organisatrice a menacé de sanctionner l’Ukraine. Sans plus de réaction. Exclue, la Russie a annoncé qu’elle ne retransmettrait pas le concours.

Pour ceux qui ne verraient dans l’Eurovision qu’un aimable show à paillettes kitsch et « gayfriendly », ce conflit rappelle, s’il en était besoin, la dimension politique que revêt cet événement créé, dans un élan fédérateur, en 1956, soit un an avant le traité de Rome. C’est d’ailleurs sur un air politique que Claire Laborey entreprend de comprendre « comment un concours de chant peut se faire le révélateur de l’Europe, de ses tensions, de ses tiraillements et de ses aspirations ».

Malgré une réglementation stricte en matière de drapeaux ou de textes qui vise à tenir en lisière la géopolitique, celle-ci n’a cessé de s’inviter plus ou moins subrepticement sur la scène de l’Eurovision. Comme le rappelle l’historien Dean Vuletic, qui évoque la chanson portugaise E Depois do Adeus (« Après l’adieu »), qui, en 1974, a servi de signal au déclenchement de la « révolution des œillets » ; les drapeaux syriens agités par les chanteurs israéliens du groupe Ping Pong en 2000, ou la vague anti-Poutine qui souffle depuis les années 2000 sur le concours, de manière plus ou moins drôle et malicieuse, à l’instar de la drag-queen ukrainienne Verka Serduchka qui, lors de l’édition 2007, sous couvert d’une langue imaginaire, laissait entendre derrière son refrain « Lasha Tumbaï » un subversif « Russia good-bye »

Vitrine d’image en mal d’image

Tremplin diplomatique – avant tout processus d’adhésion à l’Union –, vitrine d’Etat en mal d’image, l’Eurovision se révèle aussi une formidable scène de revendication sociale. La communauté LGBT l’a bien compris qui, à travers une longue tradition de chanteurs gay, drag-queens ou transsexuels comme la désormais iconique chanteuse à barbe Conchita Wurst, a fait de ce concours, selon le journaliste allemand Jan Feddersen « le plus grand show télévisuel queer européen ».

Instructif et éclairant, en particulier grâce aux analyses de l’historien Dean Vuletic, le documentaire de Claire Laborey reste malgré tout superficiel. A vouloir embrasser trop de sujets et surtout rythmer son propos d’une inutile plongée dans les coulisses de la finale de 2016, Eurovisions déçoit.

Peut-être se consolera-t-on avec Alma, qui tentera de remporter un concours dont la victoire échappe à la France depuis 1978.

Eurovisions, de Claire Laborey (Fr., 2017, 50 min).