Jeux olympiques 2024 : « On visite à la japonaise »
Jeux olympiques 2024 : « On visite à la japonaise »
Par Yann Bouchez
A Paris, une délégation du Comité international olympique s’est rendue lundi sur les sites qui pourraient accueillir les Jeux de 2024. Des visites express, à quatre mois de l’élection de la ville hôte.
Les membres de la délégation du CIO et de Paris 2024, sur le pont Alexandre-III, lundi 15 mai à Paris. | Franck Fife / AP
Et si les thuriféraires de la candidature parisienne avaient raison ? Ils ne sont pas encore attribués, ils ne commenceront que dans sept ans, mais les Jeux 2024 sont déjà écologiques. La preuve : les bus de la délégation du Comité international olympique (CIO), comme ceux transportant les journalistes, ont constamment ignoré les feux rouges, lundi 15 mai à Paris. Voilà une manière un brin cavalière de prendre soin de l’empreinte carbone, en évitant les redémarrages intempestifs. On plaisante, mais les bus roulaient tout de même au gaz.
En visite à Paris du 13 au 16 mai, les membres de la commission d’évaluation du CIO accompagnés, entre autres, de la maire de la ville, Anne Hidalgo, et de Tony Estanguet, coprésident de la candidature française, se sont déplacés sur plusieurs potentiels sites olympiques. Opération séduction, en attendant la désignation, entre Los Angeles et Paris, de la ville hôte le 13 septembre prochain à Lima. Les journalistes ont été tenus à l’écart des officiels du CIO, même si leur programme était quasiment identique. Au menu pour la presse, des visites rapides pour voir une dizaine de sites, juste le temps de prendre quelques photos et notes, voire de poser quelques questions aux sportifs qui jouent les guides. « On visite à la japonaise », résuma un confrère. Plus touristes que journalistes.
7 h 35
Une grosse centaine de personnes attend déjà place d’Iéna, à quelques foulées du Trocadéro. Première surprise : si l’on en croit sa carte d’accréditation, Thomas Bach est présent, incognito. Fausse alerte puisqu’il ne s’agit que d’un confrère de l’AFP, parfait homonyme du président allemand du CIO.
Scoop ou presque: Thomas Bach est présent pour la visite des sites #Paris2024 https://t.co/dWFKa4aGJC
— y_bouchez (@yann bouchez)
8 h 05
Dans le bus, direction le futur village olympique des athlètes qui n’existe pas encore, mais devrait voir le jour à Saint-Denis. Thierry Rey, champion olympique de judo en 1980 et désormais conseiller spécial du comité Paris 2024, joue les VRP. Il vante la qualité des transports parisiens, supposé point faible de la candidature de Los Angeles. « Avec la voie réservée à la famille olympique, les sites seront les uns à côté des autres », explique-t-il, cependant que les motos des policiers libèrent un couloir du périphérique pour que les bus ne soient pas bloqués par la circulation.
8 h 26
Arrivée à la Cité du cinéma de Luc Besson. Le lieu, impressionnant, devrait être transformé en restaurant du village olympique en cas de victoire parisienne. Sur 51 hectares, il s’agira d’« offrir le meilleur village olympique de l’histoire », assure en toute simplicité l’ancien champion du monde de 400 mètres haies Stéphane Diagana dans un anglais appliqué. Comme le terme « compacité », le mot « héritage » est utilisé un nombre incalculable de fois. Notamment pour souligner qu’une fois les Jeux terminés, cet « écoquartier » devrait abriter 3 100 logements.
9 h 50
Premier engagement fort de la journée, alléchant. « Pour la première fois dans l’histoire des Jeux olympiques, il y aura du bon café à boire pendant la compétition », assure Thierry Rey. Arabica ou robusta, le CIO devra trancher. A moins qu’il n’opte pour une double attribution – le grand débat du moment qui permettrait de ne faire aucun perdant entre Paris et Los Angeles.
10 h 18
Au Stade de France, le nageur Alain Bernard connaît bien son sujet et rappelle qu’en Seine-Saint-Denis, « un enfant sur deux ne sait pas nager ». Les Jeux, qui prévoient la construction d’une piscine olympique à Saint-Denis, sont pour lui l’occasion d’y remédier.
10 h 32
Veste crème, pantalon bleu, Mike Lee assiste à la journée de visite en simple spectateur, discret. L’homme à la tête de Vero communications est l’un des grands manitous de la communication sportive. En 2005, il avait permis à Londres de battre Paris dans la course olympique aux Jeux 2012. Il a ensuite travaillé pour aider le Qatar à obtenir la Coupe du monde de football en 2022, ou Rio les JO 2016. Le voilà qui œuvre désormais pour Paris.
10 h 47
Tony Estanguet (à gauche) et Patrick Baumann, lundi 15 mai, au Stade de France. | Michel Euler / AP
Les membres de la commission d’évaluation du CIO arrivent au Stade de France. Pour la première fois de la journée, nous les voyons, de loin. Sans surprise, Frankie Fredericks n’est pas là. Le Namibien, initialement président de la commission d’évaluation du CIO, a déclaré forfait au début de mars après les révélations du Monde sur un trouble virement d’argent qu’il a reçu. Il a, depuis, été remplacé par le Suisse Patrick Baumann.
Rayon absences, notons l’absence de deux des treize membres de la commission d’évaluation, dont le Japonais Tsunekazu Takeda. Il serait malade, sans plus de détails. Vice-président des Jeux de Tokyo 2020 et patron du Comité olympique japonais, M. Takeda suscite l’intérêt du parquet national financier en France, qui a ouvert une enquête préliminaire sur l’attribution des Jeux 2020. Plaisanterie d’une source proche de l’enquête : « Il n’a pas osé ramener sa fraise Takeda. »
12 h 12
Humour olympique toujours, à bord du bateau-mouche sur lequel nous venons d’embarquer. « On the right, if you follow the Seine, you will see the Orsay museum », explique Jean-François Martins, maire adjoint de Paris chargé des sports et du tourisme. Sous-titrage, pour ceux qui ne comprendraient pas la subtilité de la blague : « Follow the sun » est le slogan de Los Angeles. Pour rappel, Paris a choisi « Made for sharing », déjà utilisé par une marque de pizzas à découper, ce qui ne fut pas sans créer de polémique. En français, cela donne « Venez partager ».
Paris 2024 souhaite qu’on puisse se baigner dans la Seine d’ici aux JO. Il reste un peu de boulot. Et il faudra faire mieux que Rio 2016, qui ne s’était pas vraiment distingué par la qualité de ses eaux malgré ses promesses initiales.
16 h 10
Après un rapide passage au Parc des Princes puis au stade Jean-Bouin, qui accueillera les épreuves de rugby à 7, arrivée à Roland-Garros. Bonne nouvelle, Marion Bartoli a repris le tennis et la santé. Loin de sa maigreur inquiétante observée en 2016, l’ancienne vainqueur de Wimbledon (en 2013) tape quelques balles avec Cédric Pioline sur le court Philippe-Chatrier.
Sur la terre battue, les boxeurs Tony Yoka, Estelle Mosseley et Brahim Asloum sont ravis d’expliquer que Roland-Garros pourraient renouer avec la boxe. Les combats auraient lieu sur le court Suzanne-Lenglen aménagé. Sacré à Rio et passé professionnel, Tony Yoka ne sera pas à Tokyo en 2020 mais envisage de prendre part à l’édition 2024 si elle se déroule en France. Pas sûr que cette information à elle seule suffise à faire pencher la balance en faveur de Paris.
17 h 45
Patrick Baumann se présente à la presse pour la première fois de la journée. Il dit avoir passé une bonne journée, comme à Los Angeles. « La passion et l’enthousiasme pour les Jeux sont grands et impressionnants », assure le Suisse. Sans vouloir jouer les éternels grincheux, on le soupçonne de n’avoir, comme les journalistes présents lundi, vu que des sportifs impliqués dans la candidature lors de sa journée de visite des sites. Le safari olympique a ses limites.