Le président brésilien Michel Temer, à Brasilia, jeudi 18 mai. | Ricardo Botelho / AP

Pugnace, déterminé, un brin rageur, le président brésilien Michel Temer a affirmé, jeudi 18 mai, à 16 heures, heure de Brasilia, à « la presse » et « au Brésil », qu’il ne démissionnerait pas. « Je ne démissionnerai pas. Je répète, je ne démissionnerai pas », a-t-il martelé, comme pour mieux s’en convaincre.

Moins de vingt-quatre heures après le séisme provoqué par les révélations compromettantes de la télévision, du journal et du site d’informations de Globo, groupe de médias le plus puissant du pays, le chef d’Etat s’accroche, plaidant son innocence.

« Je n’ai acheté le silence de personne, je n’ai rien à cacher », a-t-il dit, défendant les réformes structurelles qu’il comptait mettre en place pour redresser un pays moribond : « On ne peut mettre dans la poubelle de l’histoire tant de travail. »

Quelques heures avant sa prise de parole, l’ex-président Fernando Henrique Cardoso (1995-2003), figure respectée dans le pays, appelait pourtant son successeur à renoncer à son titre au nom de la « moralité ».

« Cadavre politique »

En fonction depuis mai 2016, à la suite de l’enclenchement d’une procédure d’« impeachment » (destitution) visant la présidente de gauche, Dilma Rousseff, dont il était le vice-président, Michel Temer a été confondu par des écoutes que posséderait Globo. On l’entendrait avaliser le versement d’argent sale, par un député de son parti, le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centre), afin de faire taire Eduardo Cunha (PMDB), l’ancien président de la Chambre des députés, condamné à quinze ans de prison en mars pour corruption et blanchiment d’argent. « Tem que manter isso, viu ? » (« il faut garder ça, ok ? »), aurait-il glissé au député véreux.

Le scoop de Globo démolit également la réputation d’Aecio Neves, sénateur et chef du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB, historiquement centre gauche, devenu centre droit) récipiendaire d’une mallette de deux millions de reais (530 000 euros). Désormais qualifié de « cadavre politique », par le site de la revue Piaui, Aecio Neves, candidat malheureux à la présidentielle de 2014, a été démis de sa fonction de chef du PSDB et suspendu de ses fonctions de sénateur par la Cour suprême.

La même Cour suprême a ouvert, jeudi, une enquête contre le président de la République. Une investigation qui, selon le chef d’Etat, doit être menée avec dextérité pour laver son honneur.

Mais les preuves semblent chaque minute plus accablantes. Jeudi, le site de la Globo égrenait des images de caméra cachée de la police fédérale témoignant d’échange de valises de billets en coupures de 100 ou 50 reais dans des sous-sols de parkings…

Menacé de perdre son dernier soutien

De l’aveu même de Michel Temer, ces révélations ont fait ressurgir le « fantôme de la crise politique au Brésil dont la dimension est encore inconnue ». Une période trouble rappelant les mois qui ont suivi le déclenchement de l’impeachment de Dilma Rousseff. Le même affolement a saisi les marchés financiers, faisant chuter la Bourse et de la devise brésilienne.

La ténacité de Michel Temer effraye une partie du pays. « Plus il restera à son poste, plus grave sera la crise économique et politique du pays », s’est notamment désolé le député Alessandro Molon, du parti vert REDE, auteur de l’une des demandes d’impeachment déposée contre Michel Temer (destitution également exigée par des députés du PSDB).

Impopulaire, maintes fois éclaboussé par « Lava Jato » (Lavage express), opération judiciaire qui a mis au jour le plus grand scandale de corruption de l’histoire du pays, le président est désormais menacé de perdre son dernier soutien, celui du Congrès. Le PSDB a laissé entendre qu’il romprait l’alliance avec le PMDB, appelant à la convocation d’élections, comme le prévoit la Constitution en cas de départ anticipé d’un chef d’Etat à moins de deux ans de la fin de son mandat. Un tel scénario ferait de Michel Temer un président impotent. Et en sursis.

Ajoutant au sentiment de débâcle, le ministre de la culture, Roberto Freire, et celui de la défense, Raul Jungmann du Parti populaire socialiste (PPS, gauche), ont annoncé leur démission, froissés par le discours jusqu’au boutiste de Michel Temer.

« Michel Temer personnifie la médiocrité de la politique brésilienne », commente le politologue Mathias de Alencastro. Jeudi soir, le chef d’Etat semblait aussi incarner le crépuscule de la vieille élite de Brasilia, emportée par « Lava Jato ».