Les arbres peuvent dégrader la qualité de l’air
Les arbres peuvent dégrader la qualité de l’air
Par Volodia Petropavlovsky
En ville, par forte chaleur, les végétaux produisent de l’ozone et des particules fines.
Le parc Tiergarten à Berlin. | FLORIAN GAERTNER / AFP
Planter des arbres en ville serait-il nocif pour la santé ? Une étude allemande publiée mercredi 17 mai dans la revue Environmental Sciences and Technology révèle que les végétaux pourraient affecter la qualité de l’atmosphère en été en « aggravant considérablement la pollution de l’air pendant les vagues de chaleur ». En cause : les composés organiques volatils (COV) diffusés en permanence par les plantes et les arbres.
Les organismes végétaux diffusent des centaines de types de COV dans l’atmosphère. Plus la chaleur augmente, plus ils en produisent. Simultanément, les activités humaines émettent des polluants, comme les oxydes d’azote (NOx). Quand la concentration de ces deux types d’émission est élevée, les chercheurs remarquent que « les COV peuvent subir des réactions chimiques conduisant à la formation d’ozone et de particules fines (PM) ».
Berlin comme référence
Les composés organiques les plus réactifs sont les isoprènes, qui sont à eux seuls toxiques lorsqu’ils sont concentrés en grande quantité. Ce sont « les principaux contributeurs dans la formation de l’ozone au niveau du sol », expliquent-ils.
Si ce processus était déjà connu des scientifiques, la manière dont les pics de chaleur affectent précisément ces réactions chimiques demeure encore mal comprise. Les auteurs de l’étude, dirigée par Galina Churkina de l’université de Potsdam, ont pris Berlin comme référence. Avec ses 35 % de terrain végétalisé (forêts, territoires agricoles et parcs), elle est l’une des métropoles les plus vertes d’Europe.
Ils ont réalisé un modèle basé sur l’année 2006 au cours de laquelle une canicule s’est abattue sur la capitale allemande, avec des températures moyennes maximales supérieures à 30 °C, le record étant de 36,6 °C. Ils ont ensuite comparé ces relevés à ceux de 2014, année considérée comme normale.
Conclusion : les particules émises par la végétation urbaine augmentent de 6 % à 20 % la formation de l’ozone. Les chiffres ont grimpé jusqu’à 60 % lorsque les températures étaient les plus élevées. Les villes sont davantage touchées par ce phénomène que les zones rurales en raison de la concentration des activités polluantes et des températures plus élevées dues à l’absorption de la chaleur par le béton.
« Il ne faut pas paniquer »
« Ces résultats ne sont pas surprenants, ils rendent compte de la complexité du phénomène étudié. Selon l’espèce végétale et la composition de l’air, on peut avoir de l’ozone ou des particules fines », commente Jean-Baptiste Renard, chercheur au CNRS au Laboratoire de physique et chimie de l’environnement et de l’espace d’Orléans. Pas question de scier tous les arbres pour autant !
Les sept auteurs de l’étude soulignent au contraire la nécessité d’une « réduction radicale de la pollution d’origine humaine pour accompagner les campagnes de plantation en ville ». « Il ne faut pas paniquer : les effets sur la santé sont bien moindres que ceux des particules fines carbonées [diffusées par les véhicules et le chauffage] et cela ne se produit que lors des pics de chaleur », détaille M. Renard. En trop forte quantité, l’ozone est responsable d’encombrement des voies respiratoires, de crises d’asthme ou d’irritation des muqueuses.
« Il est indispensable de mettre des végétaux en ville, insiste M. Renard. Mais il faudrait peut-être privilégier des espèces qui relâchent moins d’aérosols. » Les équipes du CNRS mèneront une campagne dans les Landes cet été pour caractériser les processus d’émission d’aérosols émis par les forêts de pins.