La Chine censure la retransmission du tournoi de go de l’intelligence artificielle AlphaGo
La Chine censure la retransmission du tournoi de go de l’intelligence artificielle AlphaGo
Par Morgane Tual
Ce programme conçu par Google DeepMind affronte, depuis mardi, le meilleur joueur actuel de go. La Chine a interdit, sans raison, sa retransmission.
Ke Jie (a gauche) a perdu sa première partie contre l’intelligence artificielle AlphaGo mardi 23 mai. | STR / AFP
Le programme AlphaGo va-t-il réaliser l’exploit de battre Ke Jie, le joueur numéro 1 mondial de go, lors du tournoi organisé en Chine du mardi 23 au dimanche 27 mai ? Quelle que soit la réponse, les Chinois ne pourront pas l’apprendre en direct. Le gouvernement chinois a en effet transmis une consigne interdisant de diffuser en direct les parties, selon un document obtenu par China Digital Times, un site qui publie ce type de contenu pour dénoncer la censure, et relayé par le Guardian. Le document précise :
« Cette rencontre ne peut pas être diffusée en direct, quelle qu’en soit la forme, et sans exception, qu’il s’agisse de commentaire textuel, de photo, de vidéo (…). Aucun site (y compris les canaux spécialisés dans le sport ou la technologie) ni application ne peut envoyer de notifications push sur le déroulé ou le résultat de la rencontre. »
AlphaGo, un programme conçu par DeepMind, une entreprise britannique d’intelligence artificielle appartenant à Google, avait battu en mars 2016 l’un des meilleurs joueurs au monde, le Sud-Coréen Lee Sedol. Cette fois, il s’attaque à Ke Jie, un génie chinois de 19 ans, actuel numéro 1 mondial du jeu de go. Le tournoi se déroule en Chine, à Wuzhen, dans l’est du pays, à l’occasion du sommet « Future of Go ». Mardi, lors de la première des trois parties qui l’opposeront à AlphaGo, Ke Jie a perdu d’un demi-point face au programme d’intelligence artificielle.
Une IA chinoise talonne AlphaGo
En Chine, pays qui revendique l’invention de ce jeu ancestral, le go est extrêmement populaire et pris très au sérieux. « C’est un jeu très important en Asie », élargit
Motoki Noguchi, ancien champion de France de go et auteur de plusieurs ouvrages sur ce jeu. « Dans les grands journaux, il y a forcément une rubrique de go. Ça fait partie de la culture, c’est plus qu’un jeu, ça fait partie de la tradition ».
Aucune raison n’a été donnée pour expliquer la censure de ce tournoi. S’agit-il d’animosité à l’égard de Google, dont le moteur de recherche est toujours inaccessible pour ne pas avoir voulu se plier aux règles de la censure de Pékin ? La Chine pourrait également vouloir protéger Tencent, son propre géant du Web, qui a lui aussi développé un programme capable de jouer au go, nommé Fine Art. Celui-ci est aujourd’hui le plus performant après AlphaGo, au point de le « talonner », selon Motoki Noguchi. Qui plus est, souligne-t-il, « ça a étonné les Japonais et les Chinois que des Anglais et des Américains, qui ne sont pas très forts au go, arrivent à faire quelque chose d’aussi extraordinaire ». Au point d’agacer le gouvernement chinois ?
Aucune explication n’est pour le moment avancée, mais, à quelques mois du 19e congrès du Parti communiste chinois à l’automne, Pékin tend globalement à resserrer la vis. Ke Jie affrontera de nouveau AlphaGo jeudi et dimanche. Des rencontres qui seront en tout cas retransmises en direct sur YouTube, qui appartient à Google… Mais qui est toujours bloqué en Chine.