Aux 500 miles d’Indianapolis, « la sécurité, c’est une illusion »
Aux 500 miles d’Indianapolis, « la sécurité, c’est une illusion »
Par Catherine Pacary
L’accident spectaculaire du pilote français Sébastien Bourdais rappelle que le danger reste le fonds de commerce des courses d’IndyCar.
L’accident du Français Sebastien Bourdais, le 20 mai à Indianapolis. | Greg Huey / AP
Tout peut arriver : c’est la marque de fabrique du championnat américain d’IndyCar, l’équivalent américain de la formule 1, dont l’épreuve reine, les 500 miles d’Indianapolis, se court dimanche 28 mai. Tout peut arriver, y compris qu’un pilote français devienne pour la première fois champion IndyCar, comme en 2016 avec le sacre de Simon Pagenaud, survenu dans une relative indifférence hexagonale.
Et que l’Espagnol Fernando Alonso, double champion du monde de formule 1, décide de faire l’impasse sur le Grand Prix de Monaco, qui se disputera également dimanche, pour tenter sa chance à Indianapolis. Ou encore que Sébastien Bourdais, un autre Français, sorte vivant d’un spectaculaire accident survenu le samedi 20 mai lors des essais à Indianapolis, relançant le débat sur la sécurité.
« C’est presque comme piloter un avion de chasse »
Un sujet récurrent qui nécessite un préambule. Le championnat Indycar se compose de trois types de courses : sur circuit, comme les Grand Prix de F1, sur route, comme à Monaco, et sur une piste ovale, comme à Indianapolis. Ces dernières sont les plus impressionnantes : 33 monoplaces type F1 lancées à une moyenne de plus de 370 km/h sur une piste ovale de 2,5 miles (4,23 km), entre deux murs, pendant 500 miles (804 km).
Les voitures roulent en escadrille, parfois à quelques centimètres les unes des autres. Là est le danger. « Les turbulences sont énormes à proximité des autres voitures. C’est presque comme piloter un avion de chasse, explique Simon Pagenaud. Le cœur bat très vite, il faut analyser finement le comportement de la voiture. »
Les 500 Miles d’Indianapolis constituent le rendez-vous phare du championnat IndyCar, un peu comme les 24 Heures du Mans pour le championnat du monde d’endurance, sauf que là, le plaisir dure deux semaines, entre le Grand Prix du 13 mai et l’« Indy 500 » du 28, émaillées d’essais, qualifications, démonstrations, concerts et qualifications.
C’est au cours d’une de ces séances que Sébastien Bourdais a percuté un muret à 372 km/h. Sous le choc, la voiture s’est disloquée, a pris feu, puis les flammes se sont estompées, le pilote a bougé une main, les secours l’ont extrait de son baquet. Sébastien Bourdais s’en est sorti avec de multiples fractures au bassin et à la hanche droite. Opéré dans la nuit, il devra « marcher avec des béquilles pendant six à huit semaines avant d’entamer sa rééducation », selon le communiqué médical.
« D’énormes progrès ont été faits en matière de sécurité ces dernières années en IndyCar », confiait le pilote français le 4 mai. Dale Coyne, propriétaire de l’écurie pour laquelle court Bourdais, a précisé, le 21 mai, que le pilote avait subi un choc générant 118G de force gravitationnelle, avant de confirmer : « Il n’y a pas si longtemps, un tel choc aurait été fatal. La voiture a rempli son rôle. »
Un équipement de pointe
La monoplace qui se disloque ? C’est normal, elle est faite pour ça. Les roues sont reliées au cockpit par plusieurs attaches en Zylon. Capables d’absorber les chocs, elles peuvent se détacher lors d’accident violent, limitant ainsi l’énergie de l’impact. L’aileron arrière de la monoplace comporte un système analogue. Ce n’est pas tout à fait la 2 CV de Bourvil tamponnée par Louis de Funès dans Le Corniaud, mais il y a un peu de cela.
Au niveau des circuits, le fondateur de l’IndyCar, Tony George, a révolutionné la sécurité des ovales en 2002, en annonçant l’installation progressive – les derniers pour la saison 2017 – de doubles murets conçus un peu comme une cloison isolante, avec à l’intérieur des coussins qui amortissent l’impact.
Les pilotes bénéficient également d’un équipement de pointe : une sous-combinaison en Nomex, une combinaison ignifugée, avec gants, casque et chaussons. Le Nomex, fibre synthétique, ne se consume pas ni ne fond au contact de la chaleur, mais gonfle pour constituer une barrière efficace contre le feu. Elle tapisse aussi l’intérieur du casque et agit comme un mini-airbag.La visière est renforcée par une plaque de fibre de carbone et de Zylon. A l’arrière du casque, un dispositif anti-coup du lapin est posé sur les épaules du pilote.
Les pilotes eux-mêmes suivent un entraînement physique intense. Comme le rappelle Simon Pagenaud, il n’y a pas de direction assistée en Indy : « C’est pour cela que nous sommes taillés en “V” quand les pilotes de F1 sont plutôt taillés en jockey », dit-il.
Malgré tout, « la sécurité, lancé à 400 km/h entre des murs, c’est une illusion », rappelait Sébastien Bourdais, début mai. Même si tout est fait pour minimiser les risques, l’IndyCar reste plus dangereux que la F1. Le 24 août 2015, le Britannique Justin Wilson est mort à 37 ans, après avoir été touché à la tête par des débris lors des 500 miles de Pocono. L’IndyCar est connu pour ses accidents spectaculaires, qui constituent un peu son fonds de commerce. Les vidéos compilant les accidents les plus spectaculaires rencontrent un succès certain.