« Un jeune patriote » : l’éveil en accéléré d’un innocent politique
« Un jeune patriote » : l’éveil en accéléré d’un innocent politique
Par Jacques Mandelbaum
Le documentaire de Du Haibin, qui suit un lycéen chinois, peine à saisir son personnage de l’intérieur.
Formé à la peinture puis au cinéma, le réalisateur chinois Du Haibin se fixe dans Un jeune patriote un but ambitieux. Filmer un jeune Chinois natif de Pingyao (Shanxi), sur une durée de quatre ans, et chroniquer à travers lui les rapports qu’entretient la jeune génération avec le patriotisme.
Zhao, né en 1990, est un lycéen qui voue au président Mao et à la Chine un culte sans borne. Né après la chute de la dictature maoïste, ignorant des espoirs d’émancipation qui ont bercé ses aînés et de la répression, Zhao est une sorte d’innocent politique, fils de Mao et du Coca-Cola, qu’on voit défiler seul dans les rues de son village en uniforme vert, drapeau rouge à la main.
Renversement des valeurs
La manière qu’a le jeune homme de justifier ses convictions ne contribue pas spécialement à améliorer son image. Quand bien même ce simplisme permettrait de se convaincre de la part cosmétique de ce nationalisme, ce premier degré obtus que le réalisateur ne cherche pas à tempérer est un premier problème du film. Le second est que sa dramaturgie repose sur l’idée du renversement des valeurs prônées par le personnage. Zhao va en effet mûrir, évoluer, s’inscrire à l’université, et la réalité du régime va progressivement lui apparaître, y compris à travers des événements concernant sa propre famille, comme la destruction de la maison de ses grands-parents.
Il n’est pas simple, toutefois, de condenser quatre ans de la vie d’un personnage en une heure quarante-cinq. D’autant moins lorsqu’il s’agit de découper dans cette matière des éléments suffisamment significatifs pour permettre de mettre au jour le revirement idéologique et moral du personnage. Obnubilé par cette tâche, pas bien aidé par le goût de Zhao à l’exposition permanente de lui-même, le réalisateur finit par manquer l’essentiel : le passage du temps sur les êtres, la capacité à saisir un personnage de l’intérieur plutôt que dans l’exposition sursignifiante des événements qui sont censés le déterminer.
Documentaire français et chinois de Du Haibin (1 h 45). Sur le Web : www.24images.fr/fr/catalogue/documentaire/article/un-jeune-patriote