Benoît Hamon, à Trappes, le 7 juin. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Une ribambelle d’enfants attend Benoît Hamon devant la salle Jean-Baptiste Clément de Trappes ; ils ont 7, 9, 12 ans, pas plus. Ce jeudi 8 juin, Il a suffi qu’une poignée repère l’ancien candidat à la présidentielle au volant d’une Clio pour que tous se mettent à courir derrière le véhicule qui s’engage sur le parking.

A peine garé, le socialiste croule sous les cris de joie et les demandes de photos. « Si l’élection se faisait aux selfies, je gagnerais au premier tour. Si c’étaient les enfants qui votaient, alors là, je l’emporterais à 80 % ! », s’amuse-t-il.

Sauf que, comme il le souligne lui-même au cours de la réunion publique qu’il anime ce soir-là, il n’est pas « candidat pour être délégué de classe ». S’il fait campagne, c’est pour sa réélection dans la 11e circonscription des Yvelines, qu’il avait arrachée, en 2012, à l’UMP Jean-Michel Fourgous, le maire (désormais Les Républicains, LR) d’Elancourt.

« Hamon déloge Fourgous », annonçait en gros titre un journal local, à l’époque. Cinq ans plus tard, la page déchirée n’a pas quitté le panneau d’affichage de la permanence du socialiste mais le papier a jauni. Depuis, le PS, porté par M. Hamon à la présidentielle a pris l’eau, submergé par le rejet d’un quinquennat décrié, débordé à la fois sur sa gauche par Jean-Luc Mélenchon et sur sa droite par Emmanuel Macron.

Partie à quatre

Benoît Hamon, député des Yvelines, sort de sa permanence à Trappes, le 7 juin. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Et le fief de l’ancien ministre de l’éducation nationale ne pas fait exception. Au premier tour de la présidentielle, M. Hamon a certes fait deux fois mieux que son score national dans sa circonscription (12,77 % des voix contre 6,36 %), mais il est arrivé derrière MM.Macron, Mélenchon et Fillon.

Dans ce contexte, M. Fourgous espère bien reprendre le siège qu’il a déjà occupé de 1993 à 1997 et de 2002 à 2012. Bien implanté dans les Yvelines, ce dernier a le soutien des quatre autres municipalités de droite de la circonscription.

La simple évocation du nom « Hamon » déclenche chez lui une réaction épidermique. Rien n’est épargné au socialiste, qui a « développé le communautarisme à Trappes », a « pris des positions favorables à la burqa dès qu’il a été élu », veut « légaliser le cannabis, alors qu’il y a beaucoup d’enfants touchés par ce problème ici ».

« Il a une inculture économique dramatique, c’est un amuseur public, ce garçon ! », s’étrangle-t-il encore, « M. Hamon sait vous parler du Front populaire, c’est très bien mais il faudrait peut-être dépasser un peu tout ça et se projeter dans le réel. »

Mais le « match retour » entre MM. Hamon et Fourgous s’est transformé en partie à quatre, à laquelle se sont invités les candidats de La France insoumise et de La République en marche.

Une élection « très ouverte »

Benoît Hamon, député des Yvelines, participe à une réunion publique de campagne pour les élections législatives à Trappes, le 7 juin. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Nadia Hai, 36 ans, fondatrice du comité « Femmes en marche avec Macron », espère capitaliser sur le haut score réalisé par le leader d’En marche ! à la présidentielle dans la circonscription (26,6 % au premier tour, 79,1 % au second). Conseillère en patrimoine dans une banque, elle joue la carte de la société civile face à des concurrents « déconnectés », « élus depuis des années ». Elle espère supplanter M. Hamon qui, certes, « bénéficie d’un petit peu plus de notoriété » qu’elle, mais est « en retrait sur le terrain et peu incisif ».

Pour Mathurin Lévis, le candidat de La France insoumise, c’est bien Mme Hai « l’adversaire directe », en tant que représentante de M. Macron et de « son orientation libérale ». Le jeune homme de 25 ans compte bien siphonner, aux dépens du PS, « l’électorat populaire qui a donné sa voix à Jean-Luc Mélenchon » à la présidentielle.

Ancien responsable des Jeunes socialistes dans les Yvelines, M. Lévis a tourné le dos au parti d’Epinay, « machine à semer de la trahison ». Il se montre implacable avec M. Hamon : « Il représente ce que les gens ne veulent plus. Il est victime de son appartenance au PS, de sa participation au quinquennat et de toutes les désillusions qu’il a engendré. »

S’il juge qu’avec quatre candidats pouvant se qualifier au second tour, l’élection est « très ouverte », M. Hamon admet que ça va être « compliqué » pour lui. Les projections donnent « entre quinze et quarante députés socialistes » dans la future Assemblée, note-t-il. « Si c’est quinze, je vois mal comment je peux en faire partie », ajoute-t-il.

Le PS « va se prendre une tôlée historique »

« La circonscription bascule en fonction des majorités, analyse-t-il. Elle a été à gauche quand la gauche gagnait les législatives, elle ne l’a jamais été quand la gauche perdait. Alors a fortiori quand on se prend une énorme raclée… »

Le PS « va se prendre une tôlée historique » aux législatives, pronostique-t-il. Qu’importe, lui est quoi qu’il en soit tourné vers l’après. Le lancement de son mouvement pour une « gauche nouvelle, citoyenne, intellectuelle, sociale, écologiste et européenne » est prévu le 1er juillet, deux semaines après le second tour des législatives.

En réunion publique, il raconte avoir beaucoup appris « des coups de couteaux dans le dos » donnés par ses camarades pendant la campagne présidentielle, et de la « duplicité » au sommet de l’Etat. « J’en tire la conclusion que c’était la fin d’un cycle à gauche ». Et surtout que dans le futur, « on ne me fera pas faire de la politique avec des gens avec qui je ne partage plus l’essentiel, comme Manuel Valls ».