A l’université Paris II - Assas en 2012. | CAMILLE STROMBONI/CC BY-ND 2.0

Editorial du « Monde ». Le tirage au sort, c’est le déni de méritocratie républicaine. On comprend ainsi l’émotion des candidats étudiants en médecine lorsqu’ils ont découvert, jeudi 8 juin, qu’ils n’étaient pas admis en première année commune aux études de santé (Paces), à l’issue de la première phase d’Admission post-bac (APB).

Le ministère avait expliqué en amont qu’il n’y aurait pas de tirage au sort. C’était compter sans l’afflux inattendu des candidatures pour devenir médecin, sage-femme, dentiste, pharmacien ou kinésithérapeute en Ile-de-France : il y en a eu cette année 7 650, pour seulement 6 793 places en première année dans les sept facultés de la région parisienne. Résultat, 857 jeunes se sont trouvés sur le carreau, ou plus précisément en liste d’attente, par le malheur du tirage au sort.

Tant pis pour les éléments les plus brillants, qui avaient vocation à suivre cette filière difficile. Tant pis pour tous les étudiants auxquels la garantie d’accès avait été promise. Devant le tollé, le gouvernement a tenu une réunion d’urgence. Les facultés vont pousser les murs, et les étudiants trouveront tous une place le 26 juin, lors de la deuxième phase de sélection d’APB, a promis le ministère.

Ce rafistolage met en lumière une situation intenable. Le refus proclamé de toute sélection à l’entrée transforme la première année de médecine en un immense gâchis humain. Les trois quarts des 57 000 inscrits échouent en fin de première année : un bachelier a 20 % de chances de réussir le concours en un an, à peine 40 % en deux ans, tandis que certains sont invités à se réorienter dès la fin du premier semestre. Ce système, destructeur psychologiquement et financièrement coûteux, n’empêche pas les étudiants d’affluer, d’où le tirage au sort, réalisé avant une année hypersélective : l’absurdité est complète.

« Le plus bête des systèmes »

Cette situation s’explique par le manque de courage des pouvoirs publics, qui préfèrent l’injuste tirage au sort à l’adaptation du système. L’émotion se focalise sur la médecine, discipline plus visible et jugée plus noble, mais toute l’université est gagnée par cette échappatoire. Le tirage a concerné cette année 169 licences dites « sous tension », contre 78 l’an dernier.

L’exécutif sait que cette pratique est très douteuse. En catimini, dans l’entre-deux-tours de la présidentielle, la ministre de l’éducation nationale de l’époque, Najat Vallaud-Belkacem, a publié une circulaire visant à sécuriser juridiquement le tirage au sort, pourtant qualifié de « plus bête des systèmes » par Thierry Mandon, alors secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur. Cette circulaire a été attaquée devant le Conseil d’Etat, qui a refusé, le 2 juin, de suspendre le texte, pour « défaut d’urgence ». Et, lorsque l’urgence a été constatée, le nouveau gouvernement a rafistolé l’affaire.

Il ne s’agit pas de pratiquer un malthusianisme longtemps en vogue en France, d’autant que l’université va devoir gérer l’afflux du baby-boom des années 2000. L’université, qui accueille près de 300 000 jeunes en première année, pourrait voir cet effectif progresser de 15 % d’ici à 2025. Compte tenu de l’allongement des études, l’effectif total des universités, hors IUT, pourrait progresser de 238 000. Il convient de leur donner les moyens nécessaires et d’orienter les étudiants vers des filières qu’ils ont les capacités de suivre jusqu’au bout. L’instauration d’exigences minimales – des « prérequis » – est une voie plus juste et républicaine que la fausse non-sélection actuelle.