Jeu vidéo : l’E3 2017 chouchoute les « joueurs ordinaires »
Jeu vidéo : l’E3 2017 chouchoute les « joueurs ordinaires »
LE MONDE ECONOMIE
Le salon du jeu vidéo Electronic Entertainment Exposition (E3) était ouvert au public pour la première fois depuis plusieurs années. Une petite révolution.
Le salon du jeu vidéo s’ouvre au grand public, une évolution qui répond à l’explosion des réseaux sociaux et de l’e-sport. | DAVID MCNEW / AFP
Le rendez-vous annuel de la manette a commencé sa mue. Depuis son ouverture, mardi 13 juin, le salon du jeu vidéo Electronic Entertainment Expo (E3) de Los Angeles s’est transformé pour la première fois en événement mixte, 15 000 « fans » se mêlant aux 50 000 professionnels habituels dans les allées, bondées.
Il y a encore dix ans, l’E3 était un salon feutré dans lequel les géants du secteur dévoilaient leurs futurs jeux vidéo dans des suites d’hôtels privatisés. Aujourd’hui, le plus célèbre rendez-vous annuel du secteur s’est en partie transformé en salon grand public, provoquant au passage des bouchons monstres et des temps d’attente pouvant aller jusqu’à quatre heures pour jouer à certains jeux phares.
« Ces 15 000 consommateurs sont directement en contact avec les exposants. Ils représentent les joueurs les plus enthousiastes. C’est exactement le genre de public avec lequel vous avez envie de communiquer et que vous voulez faire rêver », décryptait auprès de Venture Beat, en amont du salon, le président de l’Entertainment Software Association (ESA), le syndicat professionnel organisateur du salon, Mike Gallagher.
Ce changement de format répond aussi à l’explosion des réseaux sociaux. Grâce à eux, les grands acteurs peuvent désormais faire reposer leur communication sur des joueurs prêts à payer 200 euros et à faire la queue pendant des heures pour accéder aux futures nouveautés, et partager spontanément leur enthousiasme sur Twitter, Facebook ou Instagram.
L’attente pour jouer à « Battlefront 2 » sur le stand de Sony. | William Audureau / Le Monde
La place stratégique de l’e-sport
Au cœur de cette nouvelle stratégie : les compétitions, à l’image des tournois mis en place sur Call of Duty : WWII, ARMS et Splatoon 2. « Nous avons conçu les choses spécifiquement pour que ces consommateurs profitent de l’E3, détaille M. Gallagher. Notre pièce maîtresse, c’est l’E3 Coliseum, où nous avons fait venir certaines têtes d’affiche pour attirer leur attention, mais aussi deux pavillons e-sport disponibles pour qu’ils puissent en voir d’autres ou participent eux-mêmes aux jeux qu’ils aiment. »
L’e-sport revêt une dimension commercialement stratégique. « On ne fait pas de l’e-sport pour faire joli, mais pour améliorer le bénéfice opérationnel et transformer les joueurs en relais de communication. Cela permet aussi de maximiser les ventes sur la durée, expliquait en 2016 Benoît Clerc, le responsable jeux vidéo de Bigben, lors d’un salon professionnel à Angoulême. L’e-sport est l’un des outils pour maximiser la durée des ventes. »
Moins de nouveautés
Cette métamorphose de l’E3 a eu une incidence directe sur les jeux mis en avant lors de cette édition. Selon les chiffres de l’ESA, 2 300 produits étaient exposés, mais seulement 75 titres n’avaient jamais été montrés auparavant. Le salon de Los Angeles tend de plus en plus à se concentrer sur des jeux déjà annoncés, voire déjà sortis, afin d’entretenir leur durée de vie commerciale. Nintendo a ainsi consacré la majeure partie de sa prise de parole et de son espace d’exposition à des titres dont la date de sortie ne dépasse pas la fin de l’année, quand il n’était pas inhabituel à l’E3 de voir des jeux présentés deux à trois ans avant leur sortie. « Certains de nos confrères annoncent des programmes qui vont au-delà de l’année calendaire. Nous nous sommes toujours tenus à présenter les jeux qui sortent rapidement », explique Philippe Lavoué, directeur de Nintendo France.
Le groupe japonais a d’ailleurs été l’un des premiers à renoncer au format classique des conférences, pour opter pour une succession de vidéos diffusées en direct sur Internet. Un mode de communication adapté à l’importance acquise par les plates-formes de diffusion comme YouTube et Twitch. En tout, dix millions de spectateurs en ligne étaient attendus à cet E3, selon des chiffres de l’ESA.
Encore des exceptions
File d’attente près du stand de Nintendo. | William Audureau / Le Monde
Cette tendance à la communication directe est telle que même les forums, qui existent depuis la nuit des temps sur Internet, sont désormais pour la première fois intégrés dans les plans de communication. Mardi et mercredi, deux personnalités majeures de l’industrie, le président d’Ubisoft, Yves Guillemot, et le producteur exécutif chez Nintendo, Yoshiaki Koizumi, se sont ainsi prêtés au jeu du ask me anything (demandez-moi n’importe quoi), une séance de questions-réponses avec les utilisateurs du forum géant Reddit.
En dépit de ce raccourcissement des cycles de communication et de la suppression des intermédiaires, l’E3 parvient à continuer de dessiner l’horizon du secteur à long terme. Durant cette édition pauvre en surprises, la principale annonce fut de loin celle de Beyond Good & Evil 2, un jeu d’aventures en projet depuis… 2007 et dont aucune date de sortie n’est prévue.