« L'Océane », la nouvelle ligne à grande vitesse reliant Bordeaux à Paris. | MEHDI FEDOUACH/AFP

Les grands travaux sont une aubaine pour l’histoire. On ne compte plus les découvertes sur l’emplacement d’un futur centre commercial ou le long du tracé d’un canal ou d’une autoroute. Des diagnostics systématiques, imposés par le code du patrimoine en matière d’archéologie préventive, ont été menés sur les 302 kilomètres et 3 500 hectares du chantier de la LGV entre Tours et Bordeaux. Entre 2009 et 2013, 126 diagnostics ont été réalisés dans les six départements concernés (Indre-et-Loire, Vienne, Deux-Sèvres, Charente, Charente-Maritime et Gironde), et 49 se sont révélés dignes d’études approfondies. Un cinquantième d’un genre un peu particulier s’est ajouté à la liste : une cache d’armes de la seconde guerre mondiale.

Cinquante fouilles sur 302 kilomètres : le « score » peut paraître élevé, mais il n’a rien de si surprenant. Dans les régions traversées par la LGV, l’occupation humaine remonte aux premiers temps de la préhistoire, sans interruption. Les traces s’avèrent si nombreuses que des sites considérables avaient jusqu’ici échappé à la curiosité des archéologues locaux. L’exposition « L’archéologie à grande vitesse » présente au public cette campagne de fouilles et ses enjeux au Musée d’Aquitaine, avant de se déplacer le long de la LGV entre 2018 et 2020, au Musée de la Préhistoire du Grand-Pressigny (Indre-et-Loire), au Musée Sainte-Croix à Poitiers et au musée d’Angoulême.

Du Néolithique au Moyen Age

Les plus remarquables découvertes ne concernent pas le Paléolithique lui-même, mais les temps qui s’étendent du Néolithique au Moyen Age, en passant par l’époque gallo-romaine. Le site principal, au lieu-dit Le Vigneau, sur la commune de Pussigny (Indre-et-Loire), révèle des ensembles à vocation domestique, mais surtout funéraire et religieuse. Une première nécropole du Néolithique moyen, entre 4700 et 4300 av. J.-C., réunit 102 inhumations en fosse et la sépulture d’un chien.

Les observations suggèrent une répartition des tombes en fonction du statut social : fosses où le mort est simplement allongé sur la terre et tombes construites avec des blocs de pierre, corps dans des linceuls en peau animale, d’autres placés dans des coffres en bois – et, dans deux cas, en dalles de pierre. Ce qui fait écrire aux archéologues que « sous l’apparente homogénéité et la récurrence du rituel funéraire se cache en réalité une gestion des différents secteurs sur plusieurs générations : quartier des tombes “riches” au nord, secteur des femmes et des enfants dans le sud… »

Plus tard, entre 1365 et 1055 av. J.-C. et 915 et 810 av. J.-C., une deuxième nécropole de l’âge du bronze s’établit au même endroit, mais sans affecter les tombes néolithiques – ce qui est en soi remarquable. Dans ces 17 sépultures en pierre, se trouvaient des poteries, urnes et objets en bronze dont cinq épingles décorées. Un peu plus d’un millénaire plus tard, un sanctuaire gallo-romain se développe tout près de là, aux premiers siècles de notre ère : enceinte à portique et vestiges de sacrifices animaux, dont une fosse contenant les restes d’un jeune bovin presque complet et d’autres de caprins, ce rituel, d’après la datation radiocarbone, a été exécuté vers 230-255 ap. J.-C. 

Masse d’informations sur le quotidien

Bien d’autres structures et fosses témoignent de l’importance de ce sanctuaire. Etaient-elles encore visibles à la fin du XIe siècle lorsque le site est réoccupé ? A preuve, un réseau souterrain de galeries et silos, des maçonneries, des trous pour les poutres de soutènement – pour une période d’occupation qui n’a pas duré au-delà du XIIe siècle.

Rien de spectaculaire dans ces découvertes, mais une masse d’informations sur le quotidien de communautés agricoles dont la vie, en raison même de sa « banalité », est moins connue souvent que celles des châteaux et des cités. D’autres sites témoignent de continuités aussi longues, comme à Luxé (Charente), où l’occupation va de la fin de l’âge du bronze au début du Moyen Age : 380 sépultures, coffrages et sarcophages en pierre, cercueils en bois, remplois de matériaux et de blocs sculptés antiques et abondance d’objets.

L’exposition « L’archéologie à Grande Vitesse » présente les découvertes lors du chantier de la LGV. | MUSÉE D'AQUITAINE

Musée d’Aquitaine, 20, cours Pasteur, 33000 Bordeaux. Du 27 juin au 4 mars 2018, du mardi au dimanche de 11 heures à 18 heures. Fermé les lundis. Ouvert les 14 juillet et 15 août. Tarif : 5 € (réduit 3 €).

Ce supplément a été réalisé en partenariat avec Bordeaux-Métropole