Hongkong, véhicule financier de la Chinafrique
Hongkong, véhicule financier de la Chinafrique
Par Sébastien Le Belzic (chroniqueur Le Monde Afrique, Hongkong)
Notre chroniqueur décrypte comment l’ancienne colonie britannique est devenue le lieu de transit privilégié des investissements entre la Chine et le continent.
Hongkong a célébré le 1er juillet le vingtième anniversaire de sa rétrocession à la Chine. L’ancienne colonie britannique a toujours été une porte d’entrée pour les Africains désireux de faire des affaires en Chine et un carrefour des investissements vers le continent.
Si Hongkong traverse une période politique difficile, elle reste sur le plan économique une place offshore unique au monde : 60 % des investissements directs chinois à l’étranger se font via Hongkong. On estime ainsi qu’une grande majorité des investissements directs à l’étranger (IDE) de Hongkong vers l’Afrique cache en fait l’investissement des entreprises de Chine continentale. Les IDE sont des mouvements de capitaux nécessitant une structuration particulière et un savoir-faire dans lequel excelle Hongkong.
« La capitale financière de la Chine »
La ville est la huitième place mondiale pour les investissements à destination de l’étranger, juste devant Paris, et la troisième place en Asie derrière Pékin et Tokyo. En 2016, Hongkong a investi 62 milliards de dollars à l’étranger (54,5 milliards d’euros). Une somme très importante comparée au volume des investissements reçus dans le même temps par le continent africain, 59 milliards de dollars.
« Hongkong reste la capitale financière de la Chine, résume un investisseur européen. Il n’y a qu’ici que vous pouvez structurer des investissements chinois libellés en dollars, émettre des obligations en dollars, lever des fonds et investir en Afrique. »
Il faut cependant bien distinguer ces IDE des prêts dont les montants sont souvent bien supérieurs et servent à financer les grands travaux d’infrastructures en Afrique. Ces derniers peuvent être libellés en yuans chinois et concernent, par exemple, la construction des grandes lignes de chemin de fer.
Pour ces IDE, Hongkong fait aussi bien que des places offshore aux noms plus sulfureux comme les îles Vierges britanniques et les îles Caïman. « Pour le gouvernement chinois, investir via une place offshore n’est pas en soi illégal. Il ne s’agit pas simplement d’échapper à l’impôt, mais de pouvoir contourner le contrôle des changes très strict en Chine continentale. C’est la raison pour laquelle la majorité des investissements directs chinois en Afrique qui reçoivent un feu vert du ministère du commerce indiquent comme première destination Hongkong », explique Carlos Casanova, chef économiste de la Coface à Hongkong.
C’est ensuite depuis cette place offshore que les investissements sont structurés, soit via les filiales à Hongkong des entreprises chinoises, soit via des banques. Ces flux financiers de la Chine vers l’Afrique représenteraient ainsi 15 % de plus que les chiffres officiels, selon une étude du cabinet de consulting McKinsey.
Un centre nébuleux de la Chinafrique
L’étude révèle également que 90 % de ces entreprises sont privées et opèrent dans de nombreux secteurs, avec près d’un tiers dans la fabrication, un quart dans les services et un cinquième dans le commerce, la construction et l’immobilier. Dans les infrastructures, les entreprises chinoises revendiquent près la moitié du marché de la construction en Afrique !
Autre avantage de Hongkong, elle est en tant que telle l’une des participantes du programme de la nouvelle Route de la soie et pourrait accueillir le siège régional de la nouvelle Banque asiatique pour les investissements (BAII).
Mais Hongkong est aussi un centre nébuleux de la Chinafrique. Pour preuve, l’arrestation en 2015 de Sam Pa, l’intermédiaire sulfureux de la Chine en Angola à la tête du 88 Queensway Group à Hongkong, permettant au groupe de profiter du secret bancaire et d’opérer loin des yeux trop curieux du gouvernement chinois. Sam Pa est aujourd’hui en prison à Pékin.
Hongkong est aussi le carrefour des trafics comme celui de l’ivoire ou des pangolins. La plupart des cargaisons clandestines transitent par Hongkong, où les réglementations sont parfois moins strictes qu’en Chine continentale et les taxes inexistantes.
« Hongkong garde un énorme potentiel, mais elle n’a pas de politique claire définie par les autorités pour promouvoir ses relations avec l’Afrique comme peut le faire Singapour par exemple. L’agence Invest Hongkong n’a aucun représentant en Afrique », explique Jean-Philippe Atse, directeur d’Akwa Capital à Hongkong et conseiller du commerce extérieur pour la Côte d’Ivoire. Alors que plus de 20 000 Africains résident de façon permanente à Hongkong.
Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le site Chinafrica.info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.