Thom Yorke, leader de Radiohead, dimanche 2 juillet à Arras. | JEROME POUILLE / LIVE NATION FRANCE FESTIVAL

La première acclamation, forte, est venue avec les arpèges d’introduction de la chanson Let Down. Même chose plus tard, en reconnaissant le début d’Exit Music (For a Film), et lors d’un premier rappel, No Surprises, puis Climbing Up the Walls, avant un grondement de contentement pour le thème final Paranoid Android, dont la troisième partie, lyrique envolée proche du rock progressif, est reprise en chœur, suivie d’une ultime poussée rageuse de guitare. Signe que, pour beaucoup de spectateurs à la Citadelle d’Arras (Pas-de-Calais), dimanche 2 juillet, dernier des trois jours du Main Square Festival, l’album OK Computer et la plupart de ses douze chansons sont probablement les plus connus de Radiohead, avec le single Creep, qui révéla la formation en 1992.

Publié en juin 1997, OK Computer est à ce jour le plus important succès commercial du groupe britannique. Ce disque fit passer Radiohead au statut de vedette internationale, alliance de l’évidence pop et de la recherche expérimentale. Pour le vingtième anniversaire de sa sortie, OK Computer a été réédité le 23 juin, sous le titre OK Computer OKNOTOK 1997-2017 (XL Recordings), avec un deuxième disque qui met au jour trois inédits, plus ou moins de cette période (I Promise, Man of War et Lift) et huit chansons publiées avec des singles à l’époque. Dans le même temps a été mis en ligne sur King Kong, portail musical de la Rai-Radio 1, KO Computer, reprises respectueuses des douze chansons de Radiohead par des représentants de la scène italienne actuelle, tels Colapesce et Iosonouncane, et quelques « anciens », dont Cristina Dona, Marlene Kuntz, Niccolo Fabi et Paolo Benvegnu.

Radiohead - Man Of War

En tournée européenne depuis le 6 juin (à Oslo, en Norvège) et ­jusqu’au 7 juillet (à Glasgow, en Ecosse), Radiohead aurait pu accompagner cette réédition par des concerts commémoratifs, jouer l’ensemble du disque, comme beaucoup de groupes le font avec leurs albums devenus des références. Pas le genre de la maison : ici, le répertoire est plutôt attaché à ne pas aller vers le plus accessible, le plus direct. Au Main Square Festival, qui accueillait le seul passage en France du groupe, comme lors de précédents concerts de cette tournée d’été, les chansons d’OK Computer ne dominent pas – seule concession à l’anniversaire, au Glastonbury Festival, en Angleterre, le 23 juin, sept thèmes ont été joués.

A Arras, presque nuit tombée, les cris perçants d’oiseaux voletants viennent se confondre avec une montée instrumentale, cascade de harpe, piano et cordes, qui annonce Daydreaming, tiré du plus récent disque de Radiohead, A Moon Shaped Pool (juin 2016). Derrière le chanteur Thom Yorke, les guitaristes et claviéristes Jonny Greenwood et Ed O’Brien, le bassiste Colin Greenwood et les batteurs Phil Selway et Clive Deamer, un écran ovale, sur lequel sont projetés essentiellement des plans en surimpression des musiciens, visages, corps, instruments formant comme un tableau abstrait, avec des flous.

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Impressionnisme et fulgurances

A certaines périodes, Radiohead a poussé au plus loin une manière d’impressionnisme, travaillant d’abord la matière sonore, presque jusqu’à l’abandon de tout essor mélodique. De déchirant ou de touchant, le chant de Thom Yorke avait pris une manière d’ennui plaintif, communicatif à l’auditeur. Un choix radical qui s’est atténué avec le disque A Moon Shaped Pool, dont le concert d’Arras a encore, ici et là, des envies de formes dénuées de chair – l’enchaînement de Bloom et Separator, tirées de The King of Limbs (2011), Videotape ou Nude, tirées d’In Rainbows (2007) – mais qui, dans le contexte de la transposition scénique, gagnent en densité.

C’est surtout quand le groupe se lâche vers les fulgurances, les stries, les entrelacs des guitares et les croisements rythmiques (la formule à deux batteries apporte une complémentarité plus proche des percussionnistes) qu’il se révèle encore une fois le plus enthousiasmant. Avec, dans le genre emporté, des interprétations de premier plan de My Iron Lung, Full Stop, There There, Bodysnatchers, un épique Climbing Up the Walls ou Weird Fishes/Arpeggi.