Et l’Etoile Voltaire fila
Et l’Etoile Voltaire fila
Par Isabelle Regnier
La transformation en cinéma de la sous-station électrique de l’avenue Parmentier, à Paris, est contesté par une association de riverains.
Vue du projet Etoile Voltaire retenu par la ville de Paris. | Plasticine / Olivier Palatre Architectes
Projet phare du concours d’architecture et d’urbanisme Réinventer Paris, promu par la municipalité, la transformation de l’ancienne sous-station électrique du 14 de l’avenue Parmentier en complexe cinématographique a du plomb dans l’aile. Dans un jugement du 15 juin, le tribunal administratif a annulé la décision de la Ville de Paris d’en attribuer la mise en œuvre au réseau de salles Etoile Cinémas.
Conjointement élaborée avec le cabinet Olivier Palatre architectes, sa proposition consistait à installer dans le bâtiment cinq salles de cinéma, un restaurant dirigé par le chef étoilé Thierry Marx et employant des jeunes en réinsertion, ainsi que les nouveaux locaux de la SRF (Société des réalisateurs de films). Le tout en conservant la belle façade vitrée du bâtiment d’origine et en y ajoutant une surélévation enveloppée d’un « écrin de nature ».
L’équipe de La Bellevilloise aurait été chargée d’animer un rez-de-chaussée que l’absence de caisses, rendue possible par un système de billetterie 100 % électronique, permettait de dédier à la convivialité et à la fête. Quant à la programmation, elle devait refléter, selon David Henochsberg, directeur du groupe Etoile Cinémas, un certain éclectisme dans l’art et essai porteur, « allant du cinéma d’auteur au cinéma populaire de qualité ». La Générale, la coopérative artistique qui occupe actuellement les lieux, s’était vu proposer une option de relogement par la Mairie de Paris, qu’elle a accepté.
A l’origine du recours, l’association de riverains Le 14 avenue Parmentier voit ce projet comme un accélérateur de gentrification du quartier. Selon Lucile Cocito, porte-parole de l’association, elle milite au contraire pour la création dans l’ancienne sous-station « d’un espace citoyen, participatif, ouvert, non commercial, où l’on puisse se réunir, entrer et sortir librement, sans être obligé de consommer ». Elle s’oppose par ailleurs à la transformation des espaces intérieurs et à la surélévation de ce bâtiment dont elle considère qu’il est « emblématique d’une architecture industrielle qui mérite d’être préservée ».
Enfin, Lucile Cocito dénonce vigoureusement une absence de concertation avec les riverains. « Dans le cadre “commission culture” du conseil de quartier, nous avons envoyé plusieurs lettres à la Ville de Paris, dans lesquelles nous demandions d’avoir un petit œil sur ce qui se faisait et de pouvoir donner notre avis. Elles sont restées sans réponse. Quand, ensuite, les gens d’Etoile Cinémas sont venus présenter leur projet, ils n’ont rien voulu entendre de ce qu’on avait à leur dire. »
Un vice de forme
La décision de justice a été motivée par un vice de forme. Le tribunal a estimé que le jury ne pouvait être considéré comme étant international et qu’à ce titre il ne remplissait pas les qualités requises par le règlement du concours, pourtant conçu par la Mairie elle-même. « Avec quatre personnalités internationales sur vingt-trois jurés, c’était de toute évidence un peu maigre », précise Me Aldo Sevino, l’avocat de l’association. Sur David Henochsberg, la nouvelle a fait l’effet d’un coup de massue. S’il déplore « un préjudice très important pour son groupe », le directeur d’Etoile Cinémas se dit toutefois confiant dans les chances de la Mairie de Paris de gagner en appel : « Nous avons retrouvé des pièces qui nous manquaient, que nous pourrons produire pour notre défense. » Il se félicite, en outre, des messages de sympathie qu’il reçoit depuis deux semaines de la part des habitants du quartier : « C’est quand même un événement heureux, la création d’un cinéma, surtout un cinéma de cette nature ! »
A la Mairie de Paris, où la surprise a été totale, on se dit très étonné de ce jugement « qui ne se fonde pas sur la bonne version du règlement de l’appel », la référence à un jury international ayant été supprimée dans le cadre d’un additif au règlement. Alors qu’il est question d’autres actions en justice, visant à contester d’autres projets issus du concours Réinventer Paris, la Mairie affiche sa sérénité : « Si le juge devait être saisi à nouveau sur la régularité des autres procédures, il ne pourrait que constater que les règles fixées par le règlement de l’appel à projets ont bien été respectées. » Rendez-vous dans un an, pour le verdict.