Le premier ministre, Edouard Philippe, lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale, à Paris, mardi 4 juillet. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

C’est encore confus. Après la volte-face du gouvernement en début de semaine, le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé, mercredi 12 juillet, une baisse de la pression fiscale de 11 milliards d’euros en 2018. Dans une interview au quotidien Les Echos, il confirme qu’une partie de l’exonération de la taxe d’habitation et la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) entreront bien en vigueur l’an prochain. Pour le reste, le flou règne encore. Notamment sur les modalités et le calendrier des coupes annoncées dans les dépenses publiques.

C’est dire si pour l’instant, il est difficile d’évaluer l’impact qu’aura la politique du gouvernement sur le pouvoir d’achat des ménages. Les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), centre de réflexion classé à gauche, se sont néanmoins prêtés à l’exercice, dans une note publiée mercredi 12 juillet. « Les objectifs du projet d’Emmanuel Macron sont aussi nombreux que contradictoires, et leur mise en œuvre constitue un retour au réel », souligne en guise d’introduction Xavier Timbeau, directeur de l’institution.

Pour y voir plus clair, les auteurs ont tenté d’évaluer l’effet redistributif sur les niveaux de vie des principales mesures socio-fiscales, dont ils évaluent le coût net à 9 milliards d’euros : revalorisation de 50 % de la prime d’activité, bascule des cotisations sociales vers la contribution sociale généralisée (CSG), exonération de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, hausse de la fiscalité écologique, passage à 10 euros du paquet de cigarettes, ou encore remplacement de l’ISF par un impôt sur la fortune immobilière (IFI)… « Nos résultats permettent de comprendre les enjeux du quinquennat sur les aspects redistributifs mais sont à manipuler avec précaution, car ils ne prennent pas en compte les effets de second tour de ces dispositions sur l’économie, et supposent que les Français ne modifient pas leurs comportements sur la période », prévient Mathieu Plane, de l’OFCE.

60 milliards d’euros d’économies sur le quinquennat

L’étude aboutit néanmoins à trois grandes conclusions. La première est que ces mesures devraient en moyenne avoir un impact neutre : pour beaucoup de foyers, la hausse du prix du tabac et de la fiscalité écologique effacerait ainsi en partie les gains permis par les autres baisses d’impôts.

En revanche, les ménages les plus riches (ceux du « dixième décile » dans le découpage par niveau de vie des statisticiens) seraient largement gagnants. « Ils devraient concentrer 46 % des gains des mesures fiscales dédiées aux ménages », analyse M. Timbeau. Leur revenu annuel augmenterait en effet de 2,6 %, contre 1,4 % pour l’ensemble des ménages. Et ce, car ils profiteraient à plein du plafonnement forfaitaire à 30 % sur les revenus de l’épargne et de la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI), puisque nombre de placements financiers (actions, obligations, assurance-vie…) seraient sortis de cet impôt.

Autre conclusion : les ménages qui bénéficieraient le moins de ces mesures seraient ceux du neuvième décile (dont le niveau de vie est en dessous de celui des 10 % les plus riches, mais au-dessus de 80 % des autres). Leur revenu annuel augmenterait en effet de 0,1 % seulement. Motif : ils gagnent trop pour toucher l’exonération de la taxe d’habitation… mais pas assez pour profiter pleinement de la réforme de l’ISF. D’autres catégories seraient aussi perdantes. « Les retraités touchant une pension supérieure à 20 000 euros par an et par part fiscale supporteront ainsi la hausse de la CSG, mais ne bénéficieront ni de la suppression des cotisations sociales, ni de l’exonération de taxe d’habitation », note M. Plane.

Troisième conclusion : les 9 milliards d’euros que représentent ces mesures fiscales devront bien sûr être financés. Mais on ne sait pas encore précisément comment. Or, les 60 milliards d’euros d’économies annoncées sur l’ensemble du quinquennat auront aussi, par ricochet, un impact sur le pouvoir d’achat. « Selon les modalités choisies, certaines coupes dans les dépenses – par exemple dans la santé ou les aides personnalisées au logement – pourraient pénaliser les moins riches et accentuer encore les inégalités engendrées par la mise en œuvre des mesures fiscales », détaille M. Plane.

La note de l’OFCE souligne également que, dans l’ensemble, l’effort d’économies promis par le gouvernement pèserait légèrement sur la croissance (– 0,4 point de PIB sur l’ensemble du quinquennat), qui devrait s’établir à 1,6 % par an en moyenne sur les cinq années concernées. Le taux de chômage devrait néanmoins continuer de baisser, passant de 9,2 % à 7,6 % sur la période. « Le gouvernement profite d’une dynamique de reprise favorable en zone euro, qui lui redonne des marges de manœuvre bienvenues », conclut M. Timbeau.