A Lyon, un artiste fauché en pleine création
A Lyon, un artiste fauché en pleine création
Par Roxana Azimi
Croyant que c’était du cannabis, la police a détruit une plantation de chanvre semée par Thierry Boutonnier dans le cadre de la Biennale d’architecture de Lyon.
L’artiste Thierry Boutonnier devant ses plants de chanvre, avant leur destruction. | Thierry Boutonnier
Cela devait être l’acmé de la Biennale d’architecture de Lyon, organisée du 8 juin au 9 juillet 2017. Pour clore cette toute première édition, l’artiste écolo Thierry Boutonnier avait imaginé, avec l’agence Fabriques Architectures Paysages, une grande fauche participative sur une plantation de 4 000 mètres carrés de chanvre spécialement plantés pour l’occasion. C’était sans compter avec le zèle de la police municipale qui, croyant avoir découvert un champ de cannabis, a détruit la parcelle le 3 juillet.
A vue de policier, rien ne distingue la feuille de cannabis de celle du chanvre. Seul diffère leur taux de THC, autrement dit leur degré de toxicité : de 5 % à 10 % pour le premier, dont la culture est prohibée, contre 0,3 % pour le second, qui constitue un matériau de construction et d’isolation de plus en plus tendance. « C’est surprenant d’avoir procédé à un arrachage sans enquête préalable, s’étonne toutefois Pierre Janin, cogérant de Fabriques Architectures Paysages. Surtout sur un terrain privé appartenant à SPL Lyon Confluences, un aménageur qui travaille directement avec la métropole ! »
Le projet, d’un coût de 10 000 euros, avait été lancé au printemps dernier sur une friche industrielle le long du cours Charlemagne. Thierry Boutonnier et l’agence Fabriques avaient décidé d’y planter du chanvre, mais aussi du lin et de l’orge. A cette opération en extérieur s’ajoutait la création d’un espace de convivialité au sein du bâtiment de La Sucrière, avec des bottes de paille, des blocs de béton de chanvre et des panneaux isolants en chanvre et lin.
« C’est un terrain sensible »
Les plants de chanvre, de près. | Thierry Boutonnier
« On voulait montrer qu’en France, il existe des filières de matériaux biosourcés, résume Pierre Janin. Avec cette plantation sur une friche urbaine, on montrait aussi qu’il peut y avoir des modes d’occupation des sols qui ne soient pas que potagers. » Insensible à la « nouvelle qualité esthétique » de la zone, la police municipale refuse de s’exprimer aujourd’hui sur ce qu’elle appelle une « non-affaire ».
Si le lin et l’orge n’ont pas résisté à la canicule, les plants de chanvre avaient pourtant fière allure jusqu’à leur arrachage intempestif. « La police nous a reproché de ne pas avoir mis de panneau indiquant qu’il s’agissait d’une œuvre d’art, mais c’était volontaire ! Comme on craignait d’éventuelles dégradations, on voulait rester discrets », observe Pierre Janin.
« Finalement, le malentendu que nous redoutions du côté du public est venu des autorités », ajoute de son accent chantant Thierry Boutonnier, qui n’a pas porté plainte. « Le quartier de Confluences est un lieu de promotion immobilière, mais aussi une zone de trafic et de prostitution. C’est un terrain sensible, où les flics sont à cran », raisonne même l’artiste, fauché en pleine création. Un brin penauds, les policiers se sont tout de même rendus le 8 juillet à la fête champêtre donnée par la Biennale qui, à défaut d’une fauche, a proposé une séance d’irrigation avec DJ à la clé.
Vue des plants de chanvre sur la friche le long du cours Charlemagne. | tb6380