« Choukran Vichy », le concert du 14-Juillet des Soudan Célestins Music pour dire merci
« Choukran Vichy », le concert du 14-Juillet des Soudan Célestins Music pour dire merci
Par Emile Costard
Série « Les nouveaux arrivants ». A l’occasion du 14-Juillet, les réfugiés soudanais et érythréens installés dans l’Allier ont voulu saluer l’accueil et le soutien qu’ils ont reçus des habitants.
Dans leur vie d’avant, quand ils vivaient au Soudan ou en Erythrée, ils étaient carrossiers, agriculteurs ou chauffeurs. Aujourd’hui, ils vivent à Vichy et hier soir, ils étaient musiciens.
Sous le kiosque en fer forgé du parc des Bourrins, Abdo-Rsol se saisit timidement du micro pour s’adresser à la foule. Cet ancien professeur assistant en sociologie à l’Université de Khartoum s’est chargé du discours. C’est lui qui présentera ses copains et compatriotes du groupe Soudan Célestins Music. Eux devront faire chalouper les corps et bouger les têtes.
Concert des Soudan Célestins Music, dans le parc des Bourrins, à Vichy, pour la soirée du 14-Juillet. | Sandra Mehl pour Le Monde
Le texte a été écrit rapidement dans l’après-midi, devant la caméra de France 3 Auvergne, sur un coin de table dans le jardin de Pablo Aiquel, un Vichyssois impliqué dans l’accueil des réfugiés qui aide le groupe à se produire. Le discours est solennel mais synthétique. Il faut faire court pour ne pas plomber l’ambiance de la fête nationale.
« Le 14-Juillet est une grande date dans l’histoire de la République et nous partageons ses symboles », insiste Abdo-Rsol en arabe, aussitôt traduit par Pablo. La devise républicaine, ils la connaissent tous. La liberté, l’égalité, ils ne pouvaient pas les trouver dans le Soudan d’Omar Al-Bachir, autocrate sanguinaire réélu en 2015 au premier tour avec 94 % des voix, alors ils ont pris tous les risques pour venir en Europe dans l’espoir d’y goûter. C’est après un périple de plusieurs années de la Corne de l’Afrique à l’Europe en bravant les eaux mortelles de la Méditerranée qu’ils ont finalement échoué, un peu par hasard, sur les bords de l’Allier. Mais c’est ici qu’ils veulent désormais démarrer une nouvelle vie. Alors le nom du concert était tout trouvé. Ce sera « Choukran Vichy » : merci Vichy.
Des copains de toute la région
Les membres du groupe s’avancent et les premiers sons s’échappent du synthétiseur de Hassan, un réfugié érythréen qui vient de trouver un emploi dans une exploitation maraîchère biologique à 15 km de Vichy. Ahmed et Yahya, les deux chanteurs soudanais qui passeront par la suite le micro à Boklyn, un Erythréen, débutent en chœur par un classique de leurs pays. La balance n’a pas été faite, le son n’est pas bon mais qu’importe, l’essentiel est d’être là, ensemble. Fraternité.
Concert des Soudan Célestins Music, dans le parc des Bourrins, à Vichy, pour la soirée du 14-Juillet. | Sandre Mehl pour Le Monde
Installé sur les pelouses face au kiosque, profitant du soleil qui tombe, le public se tient un peu à l’écart. Grâce aux Soudanais de la région qui ont fait le déplacement pour assister au concert, l’ambiance se décrispe doucement. Un petit groupe prend d’assaut le kiosque et encercle les chanteurs. Jacques, un bénévole qui prête un bout de terrain pour que les Soudan Célestins Music puissent répéter, en profite pour se faufiler discrètement vers la sono afin d’ajuster le son. Quelques Vichyssois commencent à se déhancher.
Le concert semble lancé lorsque, entre deux chansons, tout s’arrête. Entracte improvisé. Hassan au synthé décide de se rouler une cigarette. Les chanteurs se sont regroupés au fond du kiosque avec des amis et regardent sur des smartphones les vidéos du début de leur performance. Pablo Aiquel, les bras ballants, monte sur scène : « Euh les gars ? Vous faites quoi ? ! » Mais le temps leur appartient. Le vieux kiosque du parc des Bourrins, les copains venus de toute la région, un public, des photographes et des journalistes pour immortaliser l’instant, ça n’arrive pas tous les jours, alors autant profiter.
« Les nouveaux arrivants » : les Soudan Célestins Music, des réfugiés chanteurs à Vichy
Hassan allume sa cigarette, ouvre son répertoire et règle son synthé. C’est Boklyn l’Erythréen, son compatriote, qui prend le relais au micro. Le public se réveille soudain et un grand cercle se forme devant la scène. Un rayon de soleil transperce le kiosque du parc des Bourrins. Les mains de Hassan tombent sur le clavier. S’ils fermaient les yeux, peut-être même qu’ils s’y croiraient. Maintenant qu’ils sont installés, ils font de la musique pour voyager.