Génocide au Rwanda : Hubert Védrine dément les accusations de la revue « XXI »
Génocide au Rwanda : Hubert Védrine dément les accusations de la revue « XXI »
Par Cyril Bensimon
L’ancien secrétaire général de l’Elysée et ministre des affaires étrangères réagit aux accusations de réarmement des génocidaires des Tutsi par la France.
C’est un très lourd soupçon qui pèse sur lui. Celui d’avoir ordonné le réarmement des génocidaires au Rwanda en 1994. Trois semaines après la parution dans la revue XXI d’un article le présentant comme l’auteur d’une note incitant à la livraison d’armes aux Hutu qui venaient de commettre les massacres, Hubert Védrine « dément en bloc les allégations et les accusations fondées sur des spéculations ».
« Ces accusations répétées contre l’action de la France au Rwanda (…) ont été maintes fois démenties avec précision par les autorités gouvernementales, parlementaires et militaires françaises. La France a été le seul pays à mesurer, dès 1990, les risques de guerre civile et de massacres au Rwanda ; le seul à s’engager pour trouver un compromis politique par les accords d’Arusha en 1993 ; le seul à avoir agi pour porter secours aux populations pendant le génocide par l’opération “Turquoise”, du 22 juin au 22 juillet 1994 qui a permis de sauver des dizaines de milliers de Tutsi », affirme dans un communiqué l’ancien secrétaire général de l’Elysée et ministre des affaires étrangères.
Selon Hubert Védrine, « cette énième campagne d’accusation contre des responsables français » intervient alors qu’il est « de notoriété publique que les dirigeants du Rwanda ne décolèrent pas contre les autorités judiciaires françaises dont elles attendent un non-lieu, qui ne semble pas à l’ordre du jour, et qui dégagerait leur responsabilité dans l’instruction menée pour déterminer les responsables de l’attentat du 6 avril 1994 qui a coûté la vie aux présidents du Rwanda et du Burundi, et déclenché le génocide. »
« Du sang jusqu’au cou »
S’il dénonce des accusations « relancées sans preuve » – l’auteur de l’article, Patrick de Saint-Exupéry, ayant recueilli les confidences d’un haut fonctionnaire chargé d’examiner les archives de l’Elysée de 1990 à 1994 mais n’a pas pu obtenir le document cité –, l’actuel président de l’Institut François-Mitterrand avait pourtant reconnu en avril 2014 que des armes avaient été livrées pendant le génocide des Tutsi. « C’est la suite de l’engagement d’avant », avait dit Hubert Védrine devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée. Un embargo sur les armes à destination du Rwanda avait pourtant été adopté par l’ONU.
Ancien officier de l’armée déployé au Rwanda dans le cadre de l’opération « Turquoise », Guillaume Ancel assure avoir assisté à « la réalisation d’une de ces livraisons dans la deuxième quinzaine de juillet. » « Le commandant adjoint de “Turquoise” sur la base de Cyangugu m’a demandé de retenir l’attention de journalistes pour laisser passer un convoi d’armes vers le Zaïre », l’actuelle République démocratique du Congo (RDC), où s’étaient réfugiés des génocidaires hutu, raconte l’ancien soldat. « Il y avait une dizaine de camions chargés de containers. Le soir, lors du débriefing, on m’a expliqué que nous livrions des armes pour que les génocidaires ne se retournent pas contre nous. J’étais effaré que nous fassions cela alors que nous les avions en partie désarmés et que nous savions qu’ils avaient du sang jusqu’au cou. »
Les relations entre la France et le Rwanda demeurent empoisonnées par la mémoire du génocide. Kigali accusant Paris de refuser de reconnaître ses fautes après avoir soutenu un régime « ami » qui porte la responsabilité de la mort plus de 800 000 Tutsis et opposants hutu.