Alliances, nom du parti, sortie de l’euro… Le Front national à l’heure de la « refondation »
Alliances, nom du parti, sortie de l’euro… Le Front national à l’heure de la « refondation »
Par Lucie Soullier, Elvire Camus
Le parti frontiste entame un séminaire à huis clos de deux jours, qui se tient dans un contexte interne tendu.
Marine Le Pen à l’Assemblée nationale, le 27 juin. | Charles Platiau / REUTERS
Dans un contexte interne tendu après les défaites de la présidentielle et des législatives, les instances dirigeantes du Front national se réunissent en séminaire, vendredi 21 et samedi 22 juillet, au siège du parti, à Nanterre (Hauts-de-Seine).
Une réunion de réflexion de laquelle aucune décision ne sortira, mais qui est l’occasion pour le FN d’impulser sa « refondation », à huis clos, avant la grande consultation de ses adhérents, en septembre, puis le congrès, prévu en février ou mars 2018.
L’heure du bilan
Le parti devra, au cours de ce séminaire, tirer les conclusions de ses derniers revers électoraux. Marine Le Pen l’a clamé haut et fort, le 28 juin sur RMC : « Je veux tout changer ! » Modifier « le fonctionnement, le nom » du parti, « mettre en place une structure pour accueillir » les 10,6 millions d’électeurs qui ont voté pour sa candidate au second tour de la présidentielle, « renforcer l’implantation locale », etc. En bref, « dépasser le FN » et permettre sa « refondation ».
Près d’une cinquantaine de membres du parti, bureau politique et élus, prendront part au séminaire qui a été précédé par plusieurs semaines de travaux de commissions. Le précédent « conclave » du genre, organisé deux mois après les régionales de 2015, avait abouti à un statu quo.
La sortie de l’euro
La question de l’euro est un des sujets les plus disputés au sein du parti, traduisant la grande divergence qui traverse le FN, entre les intransigeants de la souveraineté, pour qui la sortie de l’euro est un prérequis, et ceux de l’identité, qui ne veulent aucune concession, notamment sur la politique migratoire. Jérôme Rivière, porte-parole du FN durant la campagne des législatives, résume : « Le FN a deux jambes, là, il s’agit de savoir laquelle on veut mettre en premier. »
Alors que Florian Philippot a menacé de quitter le FN en cas de recul sur la sortie de l’euro, le secrétaire général du parti, Nicolas Bay, souhaite au contraire voir son parti « infléchir sa position » sur la question, estimant que le FN « n’a pas convaincu sur l’idée de la sortie de l’euro ». « On fait le constat lucide que cette monnaie unique européenne à certains égards dessert nos intérêts. La question, c’est de savoir s’il est opportun de la remettre frontalement en cause ou si on peut envisager une évolution », a-t-il affirmé vendredi 21 juillet sur France Info.
Les adhérents du Front national seront consultés « probablement au mois de septembre » sur cette question, a fait savoir Marine Le Pen.
Le nom du parti
Pour Florian Philippot, tout comme pour Marine Le Pen, la « refondation » du parti passera par un changement de nom. « Front national fait peur », écrit Florian Philippot dans un courrier interne publié dans Le Figaro en début de semaine. Sur Europe 1, vendredi, David Rachline, sénateur et maire de Fréjus (Var), a lui aussi estimé que ce nom était « encore anxiogène », contrairement à d’autres cadres historiques comme Bruno Gollnisch, qui estime que « le nom du Front national est honorable, il traduit quantité de sacrifices, de résistance à des persécutions ».
Le sujet sera évidemment discuté au cours du séminaire, mais les modifications ne devraient pas avoir lieu avant le congrès de 2018.
Les alliances
« Nous devons organiser le mouvement pour pouvoir accueillir au-delà du FN ceux qui veulent mener le combat pour la France », a affirmé Marine Le Pen, sur France 2, jeudi 21 juillet.
Après une alliance au second tour de la présidentielle avec le FN, le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, avait déclaré au début de juillet vouloir « dialoguer » aussi bien avec des responsables LR comme Laurent Wauquiez et Thierry Mariani qu’avec le vice-président du Front national, Florian Philippot. A cette main tendue, Florian Philippot avait répondu par la positive.
« Je suis aussi pour aller voir des gens dont on a du mal à savoir aujourd’hui où ils se situent », a poursuivi M. Philippot, jeudi, dans Le Parisien, en pensant « par exemple à Laurent Wauquiez », avant d’ajouter qu’« avec Henri Guaino [ex-conseiller de Nicolas Sarkozy], on devrait également pouvoir parler ».
Le « cas » Philippot
Florian Philippot, ainsi que ses proches, sont accusés en interne, au choix, d’avoir conduit la formation à la défaite, de l’avoir dénaturée ou encore d’entretenir une ambiance délétère. Dans le même temps, le député européen joue une partition perçue par certains de ses adversaires comme une série de provocations destinées à créer les conditions d’une rupture. Dernier épisode d’un feuilleton promis sans doute à durer jusqu’au congrès du parti : certains ont jugé que la publication du courrier interne signé Florian Philippot dans Le Figaro lundi 17 juillet était, en réalité, une fuite organisée.
M. Philippot, pour sa part, ne veut pas croire à une issue malheureuse le concernant. Mais l’intéressé prévient tout de même que son éventuel débarquement ne resterait pas sans conséquences : « Si c’était le souhait de certains cadres nationaux pour des raisons internes et de calendrier, ce que je ne peux pas croire un instant, ils se discréditeraient gravement aux yeux des adhérents et des électeurs en prenant la responsabilité de diviser notre mouvement », assure-t-il au Monde.