La Chine accélère la réforme des entreprises d’Etat
La Chine accélère la réforme des entreprises d’Etat
Par Simon Leplâtre (Shanghaï, correspondance)
D’ici à la fin de l’année, toutes les entreprises publiques chinoises devront avoir changé de statut pour devenir des sociétés par actions.
Au niveau national, les entreprises d’Etat jouent un rôle « contracyclique » : quand l’économie ralentit, elles sont encouragées à investir pour relancer la croissance. | JOHANNES EISELE / AFP
Surendettées, subventionnées, peu efficaces, les entreprises d’Etat sont une menace pour l’économie chinoise. Les autorités chinoises ont décidé d’accélérer leur restructuration, en les transformant soit en sociétés à responsabilité limitée, soit en sociétés par actions, d’ici à la fin de l’année. Ce changement d’organisation doit ouvrir la voie à l’entrée d’acteurs privés au capital des entreprises d’Etat, censé améliorer leur gestion.
Il s’agit en fait de la fin d’un processus : 90 % des entreprises d’Etat ont déjà ce statut, mais le Conseil des affaires d’Etat veut donner un coup d’accélérateur à la réforme administrative pour terminer ces restructurations avant le 31 décembre, a-t-il annoncé dans un communiqué mercredi 25 juillet.
Le principal changement pour ces entreprises est la création d’un conseil d’administration sur le modèle des entreprises privées, pour prendre les décisions importantes relatives aux embauches par exemple, détaille le Conseil des affaires d’Etat, (sorte de gouvernement chargé d’appliquer la politique décidée par les dirigeants).
Entreprises stratégiques ou « zombies »
Toujours selon le Conseil, une centaine d’entreprises doivent encore mettre en place ces réformes. On compte environ 150 000 entreprises d’Etat en Chine, mais les deux tiers sont en fait contrôlées par des gouvernements locaux, de provinces ou de villes. Le dernier tiers est géré directement par l’Etat central, mais il s’agit des entreprises les plus stratégiques : énergie, télécoms, banques… Souvent, ce sont aussi les mieux gérées.
C’est du côté des provinces, en revanche, qu’on trouve les cas les plus problématiques d’entreprises publiques. Le nord-est de la Chine (Dongbei) est célèbre pour ses entreprises « zombies », qui perdent de l’argent mais sont maintenues en vie par des crédits octroyés par les gouvernements locaux. Autrefois le cœur industriel chinois, le Nord-Est est devenu la ceinture de rouille chinoise, accueillant des secteurs minés par les surcapacités, comme le charbon, l’acier, ou l’aluminium.
Dans les provinces en difficulté, les entreprises d’Etat jouent un rôle social important : plutôt que de licencier quand les commandes baissent, elles sont poussées par les autorités locales à garder les employés, pour éviter l’agitation sociale. Au niveau national, elles jouent aussi un rôle « contracyclique » : quand l’économie ralentit, elles sont encouragées à investir, pour relancer la croissance.
Le prix à payer pour ce rôle stabilisateur est un endettement de plus en plus dangereux. Alors que la dette totale chinoise s’élève à 280 % du PIB, selon Moody’s, les entreprises d’Etat sont à elles seules endettées à hauteur de 115 % du PIB, contre 45 % pour les entreprises privées. Les autorités sont conscientes des risques associés à un tel endettement, et sont bien décidées à le réduire.
Dans quelques semaines, Tencent et Alibaba, champions de la nouvelle économie, devraient entrer au capital de l’un des principaux opérateurs téléphoniques, China Unicom, en difficulté. | Kim Kyung Hoon / REUTERS
« Propriété partagée » des entreprises d’Etat
Mais la réforme des entreprises d’Etat est un serpent de mer en Chine : le sujet est discuté depuis 1993. La fin des années 1990 a d’ailleurs connu une vague de restructurations douloureuses pour le secteur public, avec des dizaines de millions de licenciements.
A son arrivée au pouvoir en 2013, Xi Jinping avait fait de la réforme de ses entreprises d’Etat une priorité. Il promettait de donner aux forces du marché un « rôle décisif » dans la distribution des ressources. Mais il s’empressait d’ajouter que le Parti communiste chinois devrait continuer à jouer un rôle-clé dans la direction de ces entreprises.
C’est le problème : si le Parti continue de contrôler les entreprises d’Etat, les investisseurs privés ne voient pas l’intérêt d’entrer à leur capital. Pour l’instant, le plan lancé en 2015 visant à promouvoir la « propriété partagée » des entreprises d’Etat avec des entreprises privées tarde à se concrétiser. En avril, quarante-huit accords avaient été conclus, pour 1,6 milliard de dollars.
Pour Yin Xingmin, professeur d’économie industrielle à l’université de Fudan, à Shanghai, c’est la bonne solution : « La privatisation, au moins partielle, est le seul moyen de pousser ces entreprises à changer. L’Etat devra moins s’impliquer dans l’économie, sans quoi on aura toujours de surcapacités industrielles. Mais cela prendra du temps : dix ans, vingt ans peut-être. »
Le plan devrait avoir son premier succès emblématique dans les semaines à venir avec China Unicom, l’un des principaux opérateurs téléphoniques chinois. Les géants du Web, Tencent et Alibaba, champions de la nouvelle économie, devraient entrer au capital de l’opérateur en difficulté, a annoncé Unicom à la mi-juillet. L’opérateur prévoit de lever 10 milliards de dollars (8,55 milliards d’euros) auprès de ces investisseurs.