Le percussionniste Tony Succar, samedi 29 juillet à Tempo Latino. | Anaïs Kervella

Aussi vrai qu’Elvis Presley est encore en vie, Michael Jackson n’était pas américain, mais cubain. Il n’est pas né à Gary (Indiana), mais à La Havane. N’a jamais été le roi de la pop ou du disco, mais celui de la salsa. Les spectateurs des arènes de Vic-Fezensac (Gers) ont pu vérifier le bien-fondé de cette vérité cachée en assistant au concert de Tony Succar, samedi 29 juillet à l’occasion du festival Tempo Latino.

Entouré de quinze musiciens et chanteurs, ce jeune percussionniste américano-péruvien a interprété en mode latino-cubain les tubes du chanteur disparu en 2009 à Los Angeles. Qui l’eut cru, hormis ceux qui connaissaient déjà son album (Unity : The Latin tribute to Michael Jackson), sorti il y a trois ans ? Le répertoire du créateur de Beat it se prête étonnamment à des arrangements musicaux à base de cuivres et de rythmes tropicaux, n’en déplaise aux puristes des deux camps.

Les arènes de Vic-Fezensac, fief du festival Tempo Latino. | Anaïs Kervella

Âgé de 31 ans, Tony Succar est l’une des figures de proue de la nouvelle scène latino de Miami où il est arrivé enfant avec ses parents en provenance de Lima. L’idée d’adapter à la sauce salsa certains des hits de Michael Jackson – entreprise aussi étrange, selon lui, que de confectionner « un sandwich au sushi et à la crème glacée » - est née en 2010 après qu’un café de Miami lui eut demandé de jouer Thriller à l’occasion d’Halloween.

L’effet produit auprès du public l’incita à aller plus loin. Tony Succar lança alors une campagne de financement participatif pour monter son projet appelé Unity. Cinq ans plus tard, le musicien et producteur sortait un album chez Universal comprenant 14 morceaux de Michael Jackson et rassemblant 90 musiciens, dont certaines pointures de la scène latino comme Tito Nieves ou La India.

Où, hormis à Vic-Fezensac, aurait-on pu assister au premier concert en Europe de Tony Succar ? Sorti uniquement aux États-Unis, son album n’a pas échappé à Eric Duffau, le président et créateur de l’association Tempo Latino qui organise le festival du même nom. Celui-ci a tremblé jusqu’au dernier moment pour que les musiciens ne ratent pas leur avion et qu’aucun imprévu ne vienne s’inviter au programme. L’homme a été échaudé dans le passé par quelques expériences douloureuses. Il y a quelques années, un groupe portoricain n’avait ainsi jamais rejoint Madrid, où il devait faire escale, en raison de dettes contractées en Espagne.

Des histoires comme celle-ci, un festival comme Tempo Latino n’en manque pas en 24 ans d’existence. Créer un rendez-vous annuel dans cette petite commune du Gers (3 500 habitants) autour de la musique afro-cubaine était une idée aussi saugrenue que celle de Tony Succar de nous faire croire que Michael Jackson était un salsero rentré.

Séance de salsa improvisée sur le plan d’eau de Lupiac (Gers) où se rendent dans la journée les festivaliers de Tempo Latino. | Anaïs Kervella

Eric Duffau cherchait à l’époque à fédérer les associations de la commune autour d’un projet festif : « Il n’existait pas de festival consacré à ce style musical, se souvient-il. Je me suis dit que cela pourrait coïncider avec l’état d’esprit des gens du coin, mélange d’exubérance et de sens de l’accueil. » Marciac, situé à 35 km de là, se transformait bien en Mecque du jazz depuis 1978. Vic-Fezensac ferait de même avec la salsa, le merengue, la calypso, la rumba, le mambo, la cumbia, le cha-cha-cha…

Eric Duffau, le créateur et le président de l’association Tempo Latino. | Anaïs Kervella

Prof de technologie devenu proviseur de lycée, tromboniste amateur et petit-fils d’un ancien président du club taurin de la commune (ce qui n’est pas inutile quand il s’agit de convaincre les autorités locales d’occuper l’arène du centre-ville), Eric Duffau incarne Tempo Latino avec le parti pris assumé d’un directeur artistique. C’est en effet lui, et lui seul, qui décide de la programmation du festival, en fonction de ses goûts personnels. Ceux-ci reposent sur une ligne simple, basée sur l’exigence : « Il faut que ça joue, que ça déchire, que les musiciens ne soient pas des rigolos. On le décèle assez vite à l’écoute. »

La chanteuse trinidanienne Calypso Rose sur la scène de Tempo Latino, vendredi 28 juillet. | Anaïs Kervella

Eric Duffaut n’a qu’une recette pour cela : il achète des disques, beaucoup de disques, et n’en télécharge illégalement jamais. Son envie de partager ce qu’il aime ne le pousse pas seulement à des folies, comme celle consistant faire venir spécialement de Miami Tony Succar et ses acolytes pour un concert unique en Europe : Eric Duffau compose aussi lui-même la play list diffusée sur les enceintes des arènes avant les concerts et pendant les entractes de Tempo Latino. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

Son grand rêve, aujourd’hui, serait de faire venir à Vic-Fezensac le guitariste Carlos Santana, dont il est un fan absolu. « Ca aurait de la gueule », dit-il. En attendant de trouver un budget conséquent, Eric Duffau a déjà un argument de poids à avancer à l’entourage de la star américaine d’origine mexicaine : « Citez-moi un festival où le responsable de la programmation possède 25 albums de Santana ? »

Tempo Latino, jusqu’au dimanche 30 juillet