Mondiaux d’athlétisme : quelles chances pour l’équipe de France à Londres ?
Mondiaux d’athlétisme : quelles chances pour l’équipe de France à Londres ?
Par Anthony Hernandez
Loin de l’euphorie des Jeux olympiques à Rio, où elle avait remporté six médailles, l’équipe de France se présente affaiblie aux championnats du monde qui se déroulent du 4 au 13 août.
Pour la première fois depuis une éternité, Renaud Lavillenie n’arrive pas à Londres avec l’étiquette de grand favori. | Claude Paris / AP
A Rio, les athlètes français avaient brillé. En remportant six médailles, et malgré la déception de la défaite de Renaud Lavillenie, l’équipe de France avait réalisé son meilleur bilan aux Jeux olympiques depuis Londres en 1948. Décompression, nouveau départ, les lendemains olympiques déchantent souvent. Ces Mondiaux londoniens n’échappent pas à la règle : les Bleus se présentent bien pâles dans le stade olympique où se déroule la compétition à partir de vendredi 4 août et jusqu’à dimanche 13 août.
Des absents et des convalescents
La liste des blessés, et pas n’importe lesquels, est inquiétante. Le médaillé de bronze et le quatrième des JO 2016 ont déclaré forfait pour le 110 m haies. Dimitri Bascou et Pascal Martinot-Lagarde laissent Garfield Darien bien seul. Surtout que le jeune Wilhem Belocian, prometteur hurdler de 22 ans, est lui aussi absent.
Il n’y aura pas de sauteur en longueur au sein de la délégation tricolore, qui comprend cinquante-quatre athlètes. Finaliste olympique, Kafétien Gomis a échoué d’un rien à se qualifier. Et Eloyse Lesueur, qui visait le triple saut à Londres, a renoncé à la dernière minute à cause d’une douleur à un pied. La championne d’Europe Floria Gueï, blessée, ne sera pas présente à Londres au 400 m. De quoi également compromettre les chances du relais 4 × 400 m.
Médaillé de bronze olympique, Dimitri Bascou est forfait sur blessure, comme son compatriote Pascal Martinot-Lagarde. | PEDRO UGARTE / AFP
D’autres sont bel et bien présents, mais ils ont connu une préparation perturbée par les blessures. Les deux meilleurs sprinteurs sont concernés : Jimmy Vicaut, sur 100 m (finale le samedi 5 août), et Christophe Lemaitre, sur 200 m (finale le jeudi 10 août).
Le premier s’est blessé à l’ischio-jambier lors du meeting d’Oslo en juin. Habitué à participer à de grandes compétitions diminué, le septième de la finale du 100 m à Rio a déclaré fataliste : « J’ai déjà fait ça en 2012, en 2014. J’ai l’habitude, ça passe ou ça casse. C’est ça le sport de haut niveau, on verra vendredi. » Le second a connu une succession de petits pépins physiques au muscle fessier. Il arrive avec un chrono de référence de 20 s 29.
Handicapé par deux blessures aux côtes, le marcheur Yohann Diniz n’a aucune référence à son actif en 2017. Il n’a participé à aucun 50 km, pas même à un 20 km. Délicat dès lors de juger de son niveau. Il s’alignera sur la plus longue des distances à Londres.
Des athlètes moins performants
Même s’ils ne sont pas blessés, certains connaissent une saison estivale compliquée. Le coureur de 800 m Pierre-Ambroise Bosse (finale le mardi 8 août) est moins flamboyant qu’à l’accoutumée. Il n’émarge qu’au 14e rang des bilans mondiaux avec un chrono de 1 min 44 s 72.
Au lancer du disque, la vice-championne olympique en titre, Mélina Robert-Michon (finale dimanche 13 août), est loin derrière la concurrence. Avec un jet à 63,63 m, elle devra obligatoirement être proche de son record personnel pour décrocher une médaille. Sûre d’elle et de sa capacité à répondre présente le jour J, elle pourrait cependant encore surprendre. Au lancer du marteau (finale le lundi 7 août), Alexandra Tavernier, médaillée de bronze surprise en 2015 à Pékin, a également le potentiel dans un bon jour pour se hisser sur un nouveau podium.
Habitué des rebondissements et des coups de théâtre, il a obtenu sur tapis vert une médaille de bronze à Rio, Mahiedine Mekhissi aura du mal à rivaliser sur 3 000 m steeple (finale le mardi 8 août) avec l’armada kényane et l’Américain Evan Jager. A noter qu’il s’alignera aussi sur le 1 500 m.
S’il est bien évidemment un médaillable en puissance (il figure d’ailleurs dans nos pronostics), c’est la première fois depuis une éternité que Renaud Lavillenie se présente en n’étant pas le grand favori d’une grande compétition de saut à la perche. Battu quatre fois en Diamond League par Sam Kendricks, le seul à avoir sauté 6 mètres en 2017, le Français laisse l’Américain de 24 ans endosser cette responsabilité.
Les chances solides de médailles
Kévin Mayer sera le grand favori du décathlon des Mondiaux 2017. | ANDREJ ISAKOVIC / AFP
Malgré ce tableau difficile, le nouveau directeur technique national, Patrice Gergès, refuse de parler d’une équipe de France « amoindrie. » Et ne se fixe pas d’objectif de médailles, pratique pour éviter les déceptions : « L’objectif d’un DTN, c’est de réussir les Jeux, en l’occurrence ceux de Tokyo en 2020. On est au début de plein de choses et je n’ai pas d’objectif de médailles. On a pas mal d’athlètes qui ont besoin de sentir qu’on leur fait confiance. »
Il faut se tourner vers le nouveau président de la Fédération française d’athlétisme, André Giraud, pour obtenir un chiffre prudent : « Il faut comparer aux derniers Mondiaux (Pékin 2015, avec deux médailles de bronze) et à ceux de Berlin 2009 (trois médailles, sans titre), pas aux Jeux de Rio. On peut espérer deux ou trois médailles. »
Pour renouer avec une médaille d’or mondiale, la dernière date de 2013, à Moscou, avec Teddy Tamgho au triple saut, la chance la plus évidente sur le papier se trouve du côté du décathlon (vendredi 11 et samedi 12 août). Vice-champion olympique derrière l’intouchable Ashton Eaton, retraité dans la foulée, Kévin Mayer est le nouvel homme fort des épreuves combinées. A 25 ans, il pourrait remporter son premier grand titre chez les seniors.
Malgré ses résultats en dents de scie, une meilleure performance de l’année à 5,87 m, derrière le favori Sam Kendricks (6 mètres) mais aussi le Polonais Pawel Wojciechowski (5,93 m) et le Suédois Armand Duplantis (5,90 m), le perchiste Renaud Lavillenie (finale le mardi 8 août) vise au minimum une nouvelle médaille mondiale (il en compte déjà quatre). Alors qu’il a toujours échoué à obtenir l’or dans cette compétition, pourquoi ne déjouerait-il pas les pronostics en sa faveur pour une fois ?
Avec 13 s 09, son record personnel réalisé en juin, le hurdler Garfield Darien (finale le lundi 7 août) a toutes les raisons d’espérer. A son meilleur niveau, il a le potentiel d’un médaillable, même si la concurrence est féroce derrière le Jamaïcain Omar McLeod, le Russe sous drapeau neutre Sergey Shubenkov, l’Espagnol Orlando Ortega ou l’Américain Aries Merritt.