Mondiaux d’athlétisme : Mayer au sommet, Bolt foudroyé
Mondiaux d’athlétisme : Mayer au sommet, Bolt foudroyé
Par Yann Bouchez, Anthony Hernandez
A Londres, le décathlonien français a apporté samedi à la délégation française sa deuxième médaille d’or. Usain Bolt, foudroyé par une blessure, n’a pas su emmener le relais jamaïcain vers une médaille.
Kevin Mayer après sa victoire dans le décathlon, le 12 août à Londres. / JEWEL SAMAD / AFP
A Londres, le décathlonien français a apporté samedi à la délégation française sa deuxième médaille d’or. Usain Bolt, foudroyé par une blessure, n’a pas su emmener le relais jamaïcain vers une médaille.
La perf
C’est ce qu’on appelle savoir convertir les occasions. Kevin Mayer ne s’y est pas repris à deux fois pour profiter du départ en retraite de l’invincible Asthon Eaton, double champion du monde, double champion olympique et recordman du monde. À 25 ans, le décathlonien français remporte son premier vrai et grand titre chez les seniors, sans mépris pour son titre de champion d’Europe en salle de l’heptathlon en mars dernier.
À Londres, le vice-champion olympique de Rio a prouvé que l’on pouvait compter sur lui. Il a survolé la compétition, battant trois de ses records personnels au 110 m haies (13 s 75), au 400 m (48 s 26) et au 100 m (10 s 70). Sans une performance moyenne au saut à la perche (5,10 m), qui aurait pu tourner au fiasco puisqu’il a évité le zéro pointé à son dernier essai, il était sur les traces du record d’Europe. La barre mythique des 9 000 points était à sa portée. L’intéressé était en tout cas soulagé d’en terminer, comme il l’a confirmé au micro de France 3 après sa victoire.
« J’ai l’impression que ces deux jours étaient en même temps le paradis et l’enfer. J’ai été stressé comme pas possible depuis un mois et, honnêtement, je n’avais qu’une envie, c’était d’en finir, tellement ça était dur, tellement j’en peux plus. Je n’arrive pas du tout à réaliser que je suis champion du monde, limite je m’en fous, c’est juste que j’ai fini en fait. Parce que j’étais tellement stressé jusqu’à la fin, tellement ’relou’ avec tous mes potes et toute ma famille qu’il fallait que ça se termine un moment donné. »
Quatre jours après le sacre surprise de Pierre-Ambroise Bosse, vainqueur du 800 m, Kéké la braise, son surnom, apporte donc une deuxième médaille d’or à la délégation tricolore. Certainement sa dernière sans faire injure à la lanceuse Mélina Robert-Michon, en course pour un podium mais qui fait face à l’ultra domination de la Croate Sandra Perkovic, et au marcheur Yohann Diniz, arrivé aux Mondiaux sans référence.
Fils d’un éducateur sportif et d’une professeur d’EPS, Mayer mange, dort et vit décathlon. Entouré de son entraîneur Bertand Valcin et de son préparateur physique aux méthodes iconoclastes, Jérôme Simian, il possède une vision réfléchie et originale de son sport. Depuis les JO, il n’avait pas exemple pas réalisé le moindre décathlon, préférant travailler chaque épreuve individuellement.
L’an prochain, le grand blond à la musculature impressionnante partira à la conquête du titre européen en plein air, à Berlin. En 2014, il avait pris la deuxième place à Zürich alors qu’il avait fait l’impasse sur Amsterdam en 2016. Le palmarès de Kevin Mayer est bien parti pour être l’un des plus beaux de l’athlétisme français. Sauf à imiter Ashton Eaton et sa retraite anticipée, l’avenir lui appartient.
La (contre) perf
Usain Bolt à terre après sa blessure lors du 4 x 100 m. / JOHN SIBLEY / REUTERS
Au pays de Shakespeare, on ne pouvait imaginer plus intense dramaturgie. Quand il a pris le bâton que lui tendait Yohan Blake à la sortie du dernier virage, Usain Bolt semblait déjà trop loin pour accrocher l’or que se disputaient les Américains et les Britanniques. Mais une médaille de bronze semblait jouable, au minimum, pour conclure sur un joli tour d’honneur. Et puis, patatras !
Après 30 mètres de course à peine, la Foudre a été foudroyée net par une douleur à la cuisse. Allongé sur la piste, le Jamaïcain est resté à terre de longues secondes, alors que le public hurlait son bonheur de voir le Royaume-Uni sacré sur la dernière épreuve de la journée.
Le compteur des médailles mondiales de Bolt restera donc bloqué à 14. Il ne montera pas une dernière fois sur le podium, et la scène du champion le nez sur la piste pendant que Britanniques et Américains jubilaient, avait quelque chose de cruel, samedi soir.
Difficile d’imaginer que les adieux du meilleur sprinteur de l’histoire seraient aussi douloureux, lui qui avait déjà dû encaisser sa défaite lors du 100 m, battu par les Américains Justin Gatlin et Christian Coleman. En athlétisme pas plus qu’ailleurs, les légendes ne sont pas immortelles.
C’est (vite) vu
Au centre, Maria Lasitskene n’a pas le droit au drapeau russe. Elle est championne du monde de saut en hauteur sous bannière neutre. / DYLAN MARTINEZ / REUTERS
Grande favorite du concours de la hauteur, Maria Lasitskene n’a pas déçu. Elle s’est imposée avec un saut à 2,03 m. Mais la Russe n’a pas eu le droit à un tour d’honneur avec son drapeau et n’a pas entendu l’hymne de son pays pendant le podium. Cela n’avait pas l’air d’atténuer sa joie. Bonne joueuse, elle pose avec sa dauphine, l’Ukrainienne Yuliia Levchenko et la troisième, la Polonaise Kamila Licwinko.
Sally Pearson est championne du monde du 100 m haies. / ANDREJ ISAKOVIC / AFP
La mascotte Hero est championne du monde du 100 m haies. Pardon, c’est bien l’Australienne Sally Pearson qui a remporté la course à obstacles. En 12 s 59, un super chrono, Pearson a devancé l’Américaine Harper Nelson et l’Allemande Dutkiewicz.
Johannes Vetter est champion du monde du lancer du javelot. / FABRIZIO BENSCH / REUTERS
Contrairement aux apparences, Johannes Vetter n’est pas champion du monde du plongeon à l’horizontal, pas plus qu’il n’essaie d’attraper un poulet récalcitrant. Il est bien champion du monde du lancer du javelot. Et de belle manière avec un jet à 89,89 m. Il devance deux Tchèques Vadlejch et Frydrych.
Zone mixte
Cette fois, c’est fini. Et on ne parle pas de Bolt : on ne verra plus Mo Farah sur un stade en train de mener la vie dure à ses adversaires. Il faudra s’intéresser au marathon pour voir son évolution. Pour sa dernière course sur piste, le Britannique, chouchou du public londonien et vainqueur du 10 000 m, a été battu sur 5 000 m. Il n’a pas réalisé un nouveau doublé devant un stade qui a voulu y croire jusque dans les derniers mètres.
« Ma carrière sur piste a été une longue aventure, incroyable. J’ai pris quelques instants pour y réfléchir une fois la ligne franchie. Pour être honnête avec vous, ça nécessite tellement d’efforts ce type de course. Tactiquement ce soir, j’ai essayé de riposter à toutes les attaques. Les Ethiopiens ont sacrifié l’un d’entre eux dans une course d’équipe. Le coureur le plus en forme a gagné. »
L’empêcheur de tourner en rond est éthiopien et s’appelle Muktar Edris. Au terme d’une course d’équipe et d’un rythme incroyable imprimé, le coureur de 23 ans remporte sa première grande victoire. Il renverse une idole et se paye même le luxe d’un gentil chambrage, imitant après la ligne d’arrivée le geste de célébration inventé par Farah.
« J’étais parfaitement préparé pour cette course et je savais que j’allais battre Mo Farah. Après sa victoire sur 10 000 m, il était peut-être émoussé et sans l’énergie nécessaire dans le dernier tour. J’étais plus fort. Mo a remporté tant de grandes victoires, ce soir c’est la mienne. Je suis le nouveau champion du monde éthiopien, c’est pour ça que j’ai fait le Mobot.»
Mo Farah termine sa carrière sur piste avec une médaille d’argent du 10 000 m. / ANDREJ ISAKOVIC / AFP
Les podiums du jour
Saut en hauteur féminin : 1. Maria Lasitskene (Neutre) 2. Yuliia Levchenko (Ukraine) 3. Kamila Licwinko (Pologne)
100 m haies : 1. Sally Pearson (Australie) 2. Dawn Harper Nelson (Etats-Unis) 3. Pamela Dutkiewicz (Allemagne)
Lancer du javelot masculin : 1. Johannes Vetter (Allemagne) 2. Jakub Vadlejch (République tchèque) 3. Petr Frydrych (République tchèque)
5000 m masculin : 1. Muktar Edris (Ethiopie) 2. Mo Farah (Royaume-Uni) 3. Paul Chelimo (Etats-Unis)
Décathlon : 1. Kevin mayer (France) 2. Rico Freimuth (Allemagne) 3. Kai Kazmirek (Allemagne)
4 x 100 m féminin : 1. Etats-Unis 2. Royaume-Uni 3. Jamaïque
4 x 100 m masculin : 1. Royaume-Uni 2. Etats-Unis 3. Japon
Les prochaines finales (dimanche 13 août)
8 h 45 : 50 km marche masculin et 50 km marche féminin
13 h 20 : 20 km marche féminin
15 h 20 : 20 km marche masculin
20 h : finale du saut en hauteur masculin
20 h 10 : finale du lancer du disque féminin
20 h 35 : finale du 5000 m féminin
21 h 10 : finale du 800 m féminin
21 h 30 : finale du 1500 m masculin
21 h 55 : finale du 4 x 400 m féminin
22 h 15 : finale du 4 x 400 m masculin