Dans le Loiret, ouverture d’une enquête après la mort d’un homme abattu par des policiers
Dans le Loiret, ouverture d’une enquête après la mort d’un homme abattu par des policiers
Le Monde.fr avec AFP
Un homme, présentant des troubles psychiatriques, a été mortellement blessé par des policiers venus l’interpeller. Les voisins ont filmé la scène. Une enquête a été ouverte.
Capture d’écran de la vidéo diffusée sur YouTube montrant l’intervention de la police samedi 18 aout à Châlette-sur-Loing.
Il est 17 h 30 dans le quartier Kennedy, à Châlette-sur-Loing, dans la banlieue de Montargis (Loiret). En ce mois d’août, les habitants de ce quartier populaire, où des heurts avec la police se sont produits ces derniers mois, sont dehors – familles et enfants compris. Un voisin sort son téléphone pour immortaliser une scène qui retient l’attention : un homme au volant d’une voiture est entouré par au moins sept policiers, qui tentent de le faire sortir du véhicule.
Quelques heures plus tôt, la police avait reçu le signalement d’un homme au « comportement menaçant » en centre-ville, place Victor-Hugo. Ce dernier a « exhibé un couteau devant un passant », selon le parquet de Montargis. Remontant la piste du suspect grâce à sa plaque d’immatriculation, une équipe de trois policiers se rend au domicile de l’individu pour l’interpeller. L’homme s’est réfugié dans sa voiture. « Les policiers font d’abord usage d’un gaz lacrymogène pour le maîtriser, sans succès », relate le quotidien régional La République du Centre.
L’homme reste menaçant, et parle même de « placer des bombes dans toute la ville », selon France Bleu. Quatre autres agents arrivent en renfort, précise le parquet de Montargis. Tous encerclent le véhicule, une voiture de police se gare derrière lui pour éviter tout départ en marche arrière. Deux policiers tentent alors de frapper la fenêtre côté conducteur et le pare-brise, en faisant usage de leur matraque. Dans la vidéo, un policier exprime le souhait de faire usage d’un Taser pour immobiliser le chauffeur, mais un de ses collègues lui répond qu’ils n’en ont pas.
Le chauffeur, qui multiplie les tentatives de fuite en alternant marche avant dans le garage et marché arrière dans le véhicule de police – sans toutefois menacer directement les policiers, selon les images de la vidéo –, finit par effectuer une manœuvre et s’échappe dans la rue.
Trois policiers ouvrent alors le feu sur la voiture, à une vingtaine de reprises selon le parquet de Montargis. Une scène qui se produit en présence de voisins et d’enfants, comme le montre une seconde vidéo où des gens, qui plaisantaient jusque-là, sont gagnés par un mouvement de panique. Le chauffeur du véhicule est mortellement blessé. La voiture, criblée de balles, finit sa course non loin de là, à proximité d’un supermarché. Malgré des premiers soins prodigués par les policiers, selon la République du Centre, l’homme meurt quelques minutes plus tard des suites de ses blessures.
Troubles psychiatriques
Des éléments de profil ont depuis émergé sur l’homme abattu. Selon M. Franck Demaumont, maire Front de gauche de Chalette-sur-Loing, cité par la République du Centre, la victime, Luis Bico, 48 ans, souffrait de troubles psychiatriques depuis la mort de son père il y a une trentaine d’années. L’homme vivait chez sa mère, dans le quartier Kennedy. La famille s’était rendue au Portugal, d’où elle est originaire, et Luis Bico était revenu seul quelques jours auparavant, a détaillé M. Demaumont.
Selon la substitute du procureur de la République de Montargis, citée par l’Agence France-Presse, Laetitia Cohade, la victime n’avait jamais été condamnée, même si elle « avait des antécédents dans les fichiers de la police et de la gendarmerie ». Luis Bico « n’était pas particulièrement violent, selon les témoignages de ses proches », a précisé Mme Cohade. Il n’était pas connu des services sociaux de la commune, a fait savoir pour sa part le maire de Châlette.
Enquête ouverte, l’IGPN saisie
Quatre jours après le drame se pose désormais la question de la légitimité de ces tirs policiers. Le parquet a saisi l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), ce qui est fréquent lorsqu’une personne est tuée au cours d’une intervention de police. Une enquête a également été confiée à la sûreté départementale.
L’enquête devra déterminer si les policiers ont fait feu « dans un des cas d’application de la nouvelle loi sur les conditions d’usage des armes par la police », a expliqué mardi le parquet de Montargis. Pour la substitute du procureur de Montargis, « il est bien trop tôt pour dire si l’intervention des policiers s’est déroulée dans un cadre légal ». « L’autopsie de la victime, qui aura lieu mercredi, sera déterminante », a-t-elle déclaré.
Concernant les vidéos de l’intervention, rapidement diffusées sur les réseaux sociaux, elles « ne donnent pas le contexte de l’intervention. Elles durent deux à trois minutes, alors que les faits se sont déroulés sur plus de trente minutes », a commenté Mme Cohade. Le Monde a visionné la vidéo mais a fait le choix de ne pas la relayer en raison de la violence des images.
La loi L435-1 du 28 février 2017 du code de la sécurité intérieure a aligné le cadre de l’usage des armes par la police sur celui des militaires de la gendarmerie. Si les policiers ne pouvaient auparavant faire usage de leurs armes que dans un cas de légitime défense, ils peuvent désormais, « lorsque, immédiatement après deux sommations adressées à haute voix, ils ne peuvent contraindre à s’arrêter, autrement que par l’usage des armes, des personnes qui cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et qui sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».
La nouvelle loi prévoit également qu’ils peuvent faire feu « lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules (...) dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ». Ils doivent cependant « faire usage de leurs armes en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée ».