Equipe de France de basket : « être un leader, c’est aussi avoir la bonne attitude au quotidien »
Equipe de France de basket : « être un leader, c’est aussi avoir la bonne attitude au quotidien »
Par Clément Guillou
A l’orée de l’Euro, le sélectionneur Vincent Collet expose les défis qui attendent l’équipe de France de Boris Diaw, Nando De Colo et Evan Fournier, après la retraite de Tony Parker.
Vincent Collet aborde ce soir, à 19 heures, sa neuvième campagne internationale à la tête de l’équipe de France de basket. A Helsinki, face à la Finlande, son public fanatique de basket et ses shooteurs imprévisibles, les Bleus devront impérativement s’imposer pour s’épargner une mauvaise surprise dans un groupe dense mais tout à fait à sa portée (Finlande, Slovénie, Pologne, Grèce, Islande).
Contesté après le fiasco des Jeux olympiques de Rio mais reconduit en septembre 2016 jusqu’aux JO de Tokyo, le sélectionneur s’est confié au Monde durant la préparation (réussie) de cette équipe de France post-Tony Parker.
Vincent Collet (au centre) attend de Nando De Colo (à gauche) et Boris Diaw (à droite) qu’ils soient les nouveaux leaders de l’équipe de France, après le départ de Tony Parker. / JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Après les renoncements de Nicolas Batum et Rudy Gobert, la préparation de l’équipe de France a été marquée par plusieurs forfaits : ceux de Rodrigue Beaubois, Fabien Causeur, Timothé Luwawu et Moustapha Fall. Lequel est le plus préjudiciable ?
C’est celui du pivot Moustapha Fall car il succède à celui de Rudy Gobert. La taille, c’est important dans le basket européen [Fall, 2,18 m, était le seul joueur du groupe au-dessus de 2,10 m]. Là, il nous manque quelque chose. On doit compenser autrement.
Le fait d’avoir un pivot dissuasif est une arme importante pour une défense efficace. Ne pas l’avoir rend les choses plus compliquées. On a beaucoup pêché défensivement aux Jeux olympiques de Rio [élimination en quart de finale contre l’Espagne] mais dans les années précédentes, c’était une arme majeure, c’est elle qui nous a permis d’aller chercher des médailles. On n’a pas le choix : remonter dans la hiérarchie passe par un effort défensif très conséquent.
On ne va pas se mentir : individuellement, sur ce plan, on n’offre pas toutes les garanties. C’est pour cela que l’effort doit être collectif. On assemble des qualités offensives mais le basket se joue des deux côtés. Quand on n’empêche pas l’adversaire d’en marquer, on n’est pas sur le podium du championnat d’Europe.
Au début de la préparation pour l’Euro, vous déclariez vouloir d’abord sortir de la poule. N’est-ce pas faire preuve de beaucoup de prudence pour une sélection qui vient d’enchaîner trois médailles dans la compétition, dont une victoire en 2013 ?
On avait une poule facile il y a deux ans, là c’est l’inverse. C’est une poule très difficile, encore plus que ce que l’on pensait au départ car la Slovénie a fait une très bonne préparation avec l’arrivée de Luka Doncic (jeune meneur du Real Madrid), la présence de sa star Goran Dragic (Miami Heat) et d’Anthony Randolph (Real Madrid), qui n’a pas grand chose de slovène [il est Américain et naturalisé depuis ce mois-ci].
Mais c’est peut-être une bonne chose pour cette équipe de France. On a besoin de confrontations pour élever notre niveau. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu affronter le haut du panier européen [une victoire et une défaite contre la Lituanie, une défaite contre la Croatie] en préparation, pour être d’entrée face à la réalité.
On ne peut pas dire qu’on est là pour sortir de la poule. Mais pour le podium, le chemin paraît très compliqué, il ne faut pas se voiler la face.
Sur le papier, vous avez un assemblage de joueurs évoluant dans les plus grands clubs européens…
Justement, notre équipe doit pas être un assemblage. Il faut jouer comme une équipe de haut niveau, pas seulement avoir des joueurs de haut niveau. On doit trouver les bonnes articulations, être vraiment ensemble en particulier dans le secteur défensif. A cette condition, on peut défier les meilleurs.
Mais je leur ai dit au premier jour de la préparation qu’on n’appuierait pas sur un bouton et ça marcherait. Il faut qu’on construise notre confiance ensemble car cette équipe-là n’a pas beaucoup de vécu. Elle a besoin de savoir qu’elle est capable de faire de très belles choses.
Avez-vous des craintes sur la gestion du groupe suite au départ des cadres qu’étaient Tony Parker, Florent Piétrus et Mickaël Gelabale ?
Il faut plus de vigilance. Ça redistribue les cartes, la hiérarchie et cela doit se faire de façon intelligente. Il ne faut pas que les joueurs soient en rivalité les uns avec les autres pour être le grand cerf au milieu de la clairière. L’équipe doit être clairement hiérarchisée mais comme je le dis depuis que Tony Parker a dit qu’il arrêtait, il faut sauter sur l’occasion : on n’a pas besoin d’un leader, il nous en faut plusieurs. On a quelques joueurs très forts mais il faut qu’ils soient à tour de rôle des leaders, qu’ils assument en permanence.
Etre leader, ce n’est pas juste marquer deux, trois paniers de plus que les autres. C’est aussi avoir la bonne attitude au quotidien, dans tous les aspects, et entraîner le groupe derrière soi.
On les voit se détacher, là-dessus je suis plutôt content : Boris Diaw forcément, Nando De Colo qui depuis quelques années avait commencé à prendre du galon, Evan Fournier dont le retour se passe très bien, il est très impliqué. J’attends qu’un joueur comme Thomas Heurtel, qui remplace Tony poste pour poste, assume aussi dans ce domaine-là.
Cette équipe de France peut-elle être celle qui empêche l’Espagne de conserver son titre ?
On a été le meilleur contradicteur de l’Espagne. Mais ils sont plus forts que nous. Il faut avoir le courage de le dire : plus forts que nous. Leur domination intérieure est un souci. Leur intelligence de jeu… Ils sont armés partout. Mais les Espagnols prennent un an tous les ans. A un moment donné…
Pour le reste, la Serbie est, sur ce qu’on a vu l’année dernière, clairement la deuxième force [l’entretien a été réalisé avant le forfait de son meneur Milos Teodosic]. Sans Nikola Jokic (Denver Nuggets), ce sera dur, mais Nemanja Bjelica (Minnesota Timberwolves) revient.
Il faudra se méfier grandement de la Turquie qui sera portée par tout un peuple durant la phase finale à Istanbul. Après, il y a plein de challengers dans lesquels il faut qu’on soit : Slovénie, Croatie, l’éternelle Lituanie…
Qui pourrait être votre adversaire en huitième de finale ?
A priori, la Lituanie va être première de son groupe. Donc il faut éviter d’être quatrième pour l’affronter en huitième. Mais si l’on voit plus loin que le bout de notre nez, dans l’éventualité où nous ne sommes pas premiers de notre poule, la quatrième place est quand même la meilleure pour se frayer un chemin jusqu’au soleil. [La deuxième place de poule enverrait sans doute la France vers la Serbie en quart de finale, et la troisième vers l’Espagne.]
Le fait de disputer la phase finale en Turquie, dans le contexte actuel, ne vous pose-t-il pas un problème ?
Au-delà du contexte politique, il y a l’aspect sécuritaire auquel on pense forcément un peu, même si on sait que ce sera très protégé. Mais, on l’a vu avec l’Euro de football en France, c’est quelque chose avec lequel on va devoir vivre en permanence dans ces grandes compétitions.