Sur les bords de l’Erdre, le marathon jazzy de Médéric Collignon
Sur les bords de l’Erdre, le marathon jazzy de Médéric Collignon
Par Frédéric Potet (Nantes, envoyé spécial)
Le cornettiste s’est démultiplié aux Rendez-vous de l’Erdre, festival mêlant concerts de jazz et régates de bateaux anciens.
Concert matinal (8 h) pour Médéric Collignon sur le port de Nort-sur-Erdre. / Chloé Lelièvre
Aux Rendez-vous de l’Erdre, une confluence improbable est célébrée chaque été : celle du jazz et de la « belle » plaisance. Deux chiffres : 200, comme le nombre de bateaux anciens (yoles, dériveurs, vapeurs, voile-avirons…) rassemblés sur la rivière, entre Nort-sur-Erdre (Loire-Atlantique) et Nantes, pendant quatre jours ; 150, comme le nombre de concerts proposés gratuitement au bord de l’eau, dans le même temps.
Si les analogies entre swing et plaisance ne sautent pas aux yeux, et encore moins aux oreilles, le public vient déambuler en masse – 160 000 personnes estimées, majoritairement à Nantes – dans un espace public aménagé pour l’occasion.
Concert de Médéric Collignon et Sébastien Boisseau au Lieu Unique, à Nantes. / ACE
Au milieu de ce carrefour de notes et de gréements, un homme court un marathon : Médéric Collignon, cornettiste, saxhorniste, chanteur et « bruitiste » tout à la fois, un de ces allumés du jazz qu’il fait du bien d’entendre et voir gesticuler quand l’été prend fin et que pointe la rentrée. Le musicien était le « fil rouge » de cette 31e édition des Rendez-vous de l’Erdre (31 août- 3 septembre). Un programme de stakhanoviste lui avait été réservé, avec une dizaine de prestations diverses.
Deux improvisations en duo : la première dans le hall du Lieu unique, à Nantes, avec le contrebassiste Sébastien Boisseau ; la seconde au pied d’une tourbière de Saint-Mars-du-Désert, avec le batteur Arthur Narcy. Deux créations ou quasi : l’une avec le trio Wax’in, l’autre avec le quatuor Jus de Bocse (augmenté de l’Ensemble de trompettes de Paris).
Médéric Collignon et Arthur Narcy au pied d’une tourbière à Saint-Mars-du-Désert. / Chloé Lelièvre
Trois sets matinaux en solo (8 heures) sur les pontons au milieu des bateaux ; trois ateliers avec des enfants en bas âge sur une péniche transformée en crèche ; quelques morceaux pour une émission de radio en direct… Médéric Collignon n’a pas chômé du week-end.
Cela tombe bien. « J’aime sauter du coq à l’âne, dit-il. C’est ce qu’on me reproche d’ailleurs un peu en temps normal, en passant d’un style à l’autre. Je ne vois pas où est le problème. Les Grecs anciens avaient bien trois ou quatre boulots en même temps : philosophe, médecin, mathématicien… »
Médéric Collignon avec les membres de la formation free-jazz Wax’in. / ACE
Sur les bords de l’Erdre, le touche-à-tout de 47 ans a pu déployer la totalité de sa palette : free jazz, funk, beat-boxing, jazz fusion, techno, jazz orchestral… Avec Jus de Bocse, on l’a entendu réinterpréter des musiques de films américains (Inspecteur Harry, Bullit, Scorpio…). Dans la brume du petit matin, on l’a vu torturer le pont et le bastingage d’un bateau à coups de bâton.
Le concept du « fil rouge » des Rendez-vous de l’Erdre avait été inauguré en 2016 par le clarinettiste et saxophoniste Louis Sclavis. « On ne peut proposer ce genre de programme qu’à des musiciens qui sont en empathie avec le public », estime Armand Meignan, le directeur artistique du festival.
Sur la scène nautique du festival, Médéric Collignon, entouré du quartet Jus de Bocse et de l’Ensemble de trompettes de Paris, dans « Moovies », un hommage aux musiques de films américains. / Anaïs Kervella
Des musiciens à l’égoïsme revendiqué, estime pour sa part Médéric Collignon : « Il faut être égoïste pour être généreux avec autrui. S’occuper d’abord de soi pour mieux s’occuper des autres : les musiciens qui vous entourent ; le public ensuite, à qui sera offert quelque chose de fondamentalement honnête au final. »
La dimension sportive de sa performance du week-end – sets énergiques, nuits courtes – ne pouvait pas déplaire à un instrumentiste n’aimant rien tant que le « 100 mètres chrono » et entrer sur scène « comme un rugbyman » ou comme un boxeur « sur un ring sans corde ». L’affaire n’est pas de tout repos, cela dit. « J’aime ça, mais je ne le ferai pas tous les jours non plus », avoue l’homme au cornet.
Médéric Collignon animant un atelier à la crèche la Souris verte. / Chloé Lelièvre
Ainsi s’achève notre série de reportages sur les festivals de l’été. Merci à celles et ceux qui ont suivi ce blog.
Deux cents bateaux anciens ont descendu l’Erdre pendant le festival. / Anaïs Kervella