Il critique le dérapage raciste de PewDiePie, des internautes vandalisent les notes de son jeu
Il critique le dérapage raciste de PewDiePie, des internautes vandalisent les notes de son jeu
Un des créateurs de « Firewatch » a mis en demeure PewDiePie de retirer certaines vidéos après un énième dérapage raciste. Depuis, les évaluations négatives se succèdent sur la page du jeu.
Les évalutations de « Firewatch », généralement « très positives », sont devenues plus contrastées ces derniers jour. / Capture d'écran Steam
Bénéficiant jusqu’ici d’évaluations en moyenne « très positives » sur sa page Steam, le jeu vidéo Firewatch a vu ses derniers jours les commentaires négatifs se bousculer sur la plate-forme. Au point que la moyenne de ses récentes évaluations est désormais estampillée « variable », d’une couleur orange qui sonne comme une mise en garde pour l’acheteur. Ce flux de commentaires négatifs n’est pas un hasard : il est lié au dernier dérapage raciste de PewDiePie, le youtubeur le plus populaire au monde, spécialisé dans les jeux vidéo.
Tout commence le week-end dernier, lors d’une partie de PlayerUnknown’s Battlegrounds diffusée en direct par le youtubeur, dans laquelle il lance soudain une insulte raciste (« quel putain de nègre ») à un autre joueur. Habitué de ce type de dérapages, Felix Kjellberg – le vrai nom de PewDiePie – est souvent l’objet de polémiques. Il avait notamment perdu en février un contrat avec Disney pour avoir, dans une de ses vidéos, rémunéré deux Indiens pour danser en brandissant un panneau « mort aux juifs ». Après le rassemblement suprémaciste tragique de Charlottesville, le youtubeur aux 57 millions d’abonnés avait promis dans une vidéo d’arrêter les « blagues » nazies. Même scénario après la vidéo de ce week-end, pour laquelle PewDiePie a fini par s’excuser publiquement.
« Il propage des ignominies »
Cette dernière vidéo a beaucoup fait parler d’elle, et suscité un appel à la mobilisation : celui du cofondateur du studio indépendant Campo Santo Games, à l’origine d’un des jeux les plus remarqués de 2016, Firewatch. Sean Vanaman a annoncé sur Twitter qu’il allait, en vertu du droit d’auteur, mettre en demeure PewDiePie de retirer ses vidéos affichant des passages de Firewatch et de « tout futur jeu de Campo Santo Games ».
« Je n’en peux plus de ce gamin qui a de plus en plus d’opportunités de se faire de l’argent à partir de ce que nous créons », a-t-il écrit pour expliquer sa démarche, dans une série de tweets partagée plus de 300 fois, notamment dans le milieu des professionnels du jeu vidéo. « Il est pire qu’un cryptoraciste : il propage des ignominies qui font vraiment du mal à la culture de cette industrie », a-t-il poursuivi.
Firewatch n’est pas concerné directement par le contenu diffusé par PewDiePie le week-end dernier, mais le jeu a déjà fait l’objet d’une de ses vidéos, publiée peu après la sortie du titre, en février 2016. « Campo Santo est complice ; je suis sûr que nous avons fait de l’argent à partir des 5,7 millions de vues de cette vidéo et nous devons y réfléchir », écrit Sean Vanaman. « Son stream, ce n’est pas du commentaire, c’est de la publicité pour sa marque. Notre jeu sur sa chaîne = soutien. » Et il ne compte pas en rester là : « J’appelle les autres développeurs, et j’appellerai d’autres personnes bien au-delà, de le priver des contenus qui ont fait de lui un millionnaire. » PewDiePie n’a pas répondu, mais la vidéo dans laquelle il s’essaie à Firewatch a été peu après désactivée sur sa chaîne YouTube.
Une zone grise du droit d’auteur
La posture de Sean Vanama a agacé beaucoup d’adeptes de PewDiePie, mais aussi d’autres internautes passionnés de jeux vidéo. En appeler au droit d’auteur pour nuire à PewDiePie a notamment été mal accueilli par une partie des joueurs. Il faut dire que Sean Vanama s’attaque ainsi à un équilibre fragile existant entre l’industrie du jeu vidéo, les youtubeurs et leur public.
Depuis plusieurs années, l’industrie du jeu vidéo a pris l’habitude de rémunérer directement les gros youtubeurs ou les réseaux auxquels ils appartiennent pour qu’ils fassent découvrir leurs produits à leur communauté. Ces derniers sont toutefois libres de parler spontanément d’un jeu. A l’exception de Nintendo, qui recourt aux mécanismes de défense des droits d’auteur de YouTube, le « DMCA claim », rares sont les entreprises à interdire des vidéos, trop heureuses de voir leurs titres gagner en visibilité.
Comme d’autres studios, Campo Santo indique même clairement sur son site qu’il approuve cette démarche. « Nous adorons que des gens streament et partagent leurs expériences dans le jeu. Vous êtes libres aussi de monétiser vos vidéos. » Mais rien ne les empêche, s’ils le souhaitent, de revendiquer leurs droits d’auteur et demander la suppression de celles-ci.
Un des commentaires publiés sur la page Steam de « Firewatch ». / Capture d'écran Steam
Ce changement de ton engagé par Campo Santo et exclusivement ciblé contre PewDiePie a poussé un certain nombre de joueurs à se venger sur les commentaires de Firewatch sur Steam, dénonçant un usage abusif du droit d’auteur, mais aussi une atteinte à la liberté d’expression. « Vous avez perdu mon soutien », écrit ainsi un internaute, n’hésitant pas à qualifier les créateurs du jeu de « fascistes ». « Je n’aime même pas PewDiePie, mais vous ne pouvez pas supprimer des vidéos qu’il a faites juste à cause de ce qu’il a dit sur un autre stream où il jouait à un autre jeu vidéo », critique un autre. Malgré cette déferlante, de nombreux commentaires positifs continuaient à être publiés sur la page Steam de ce jeu, par ailleurs plébiscité par la critique.