Non, l’algorithme d’Amazon ne pousse pas les internautes à fabriquer des bombes
Non, l’algorithme d’Amazon ne pousse pas les internautes à fabriquer des bombes
La chaîne britannique Channel 4 a remarqué que le système de recommandation d’Amazon associe plusieurs produits qui, combinés, peuvent servir à fabriquer des explosifs. Une interprétation quelque peu hâtive.
Amazon propose automatiquement aux internautes qui s’intéressent à un produit d’autres marchandises qui pourraient les intéresser. | Reed Saxon / AP
« Est-ce qu’une des plus grandes entreprises du Web doit permettre à ses algorithmes de pousser les utilisateurs à acheter des combinaisons de produits mettant potentiellement des vies en danger ? » Lundi 18 septembre, la chaîne de télévision britannique Channel 4 diffusait une enquête alarmante sur les recommandations automatiques d’Amazon. Mais en regardant de plus près ses conclusions, force est de constater que les inquiétudes de la chaîne semblent exagérées.
D’après les observations de Channel 4, un internaute cherchant sur Amazon un certain « composant chimique courant utilisé dans l’alimentation » se verra proposer automatiquement, comme « produits fréquemment achetés ensemble », d’autres marchandises qui, combinées à la première, permettent de fabriquer une bombe. « L’algorithme guide les utilisateurs vers la combinaison chimique nécessaire pour produire des explosifs et des engins incendiaires », écrit le média. Channel 4 s’inquiète également de voir d’autres produits associés comme « des billes de métal souvent utilisées comme shrapnels dans les engins explosifs, des systèmes d’allumage et des détonateurs ».
L’enquête de la chaîne britannique a largement été reprise par la presse et commentée sur les réseaux sociaux. Au point qu’Amazon a fini par réagir dans un communiqué, soulignant que les produits vendus sur le site « étaient conformes à la loi britannique » et qu’il allait « réexaminer » son site « pour s’assurer que tous ces produits soient présentés de façon appropriée ». Le tout dans un contexte particulier au Royaume-Uni, où le gouvernement s’est récemment alarmé de la facilité avec laquelle on trouve, selon lui, des guides de fabrication d’explosifs en ligne. Et a demandé aux géants du Web de rendre ces contenus plus difficilement accessibles.
Feux d’artifice
L’affaire a donc fait grand bruit. Seulement voilà : là où Channel 4 voit dans ces associations algorithmiques une sorte d’incitation à la fabrication de bombes, d’autres remarqueront plutôt qu’elles concernent surtout la fabrication… de feux d’artifice.
Les composants combinés automatiquement par Amazon sont, en effet, très prisés des artificiers amateurs et peuvent aussi servir à d’autres activités inoffensives comme la fabrication de mini-fusées, par exemple. Qu’il s’agisse des trois composants initialement repérés par Channel 4, des systèmes d’allumage, des détonateurs et même des billes de métal, utilisées pour moudre la poudre. Il est donc fort probable que ce soient les achats de ces artificiers amateurs qui aient inspiré ces suggestions de combinaison de produits à l’algorithme d’Amazon.
« Channel 4 a donc découvert que les passionnés de feu d’artifice et les professeurs de chimie font leurs courses sur Amazon », écrit avec ironie le blogueur et développeur Maciej Cegłowski dans un billet publié jeudi en réponse à l’emballement autour de la découverte de Channel 4.
Il y avait, en effet, de quoi douter dès le premier constat de Channel 4. Pour proposer cette combinaison de produits, l’algorithme a dû se baser sur un grand nombre d’achats comprenant ces mêmes produits. Si l’on suit le raisonnement de Channel 4, qui se concentre sur l’usage néfaste de ces composants, cela voudrait donc dire qu’un nombre significatif de personnes chercherait à fabriquer des bombes – une information qui serait alors bien plus inquiétante qu’un potentiel dysfonctionnement de l’algorithme d’Amazon.
Qui plus est, comme l’ont souligné plusieurs internautes, il paraît peu probable que des terroristes fassent ce type d’achat sur Amazon, encore moins pour se procurer plusieurs produits associés à la fabrication d’explosifs. Sans compter que, comme l’explique Maciej Cegłowski, cette combinaison de produits n’est pas la plus prisée des terroristes.