Voiture de police incendiée : jusqu’à huit ans de prison requis
Voiture de police incendiée : jusqu’à huit ans de prison requis
Par Henri Seckel
Pour Antonin Bernanos, accusé d’être l’agresseur du conducteur, le procureur a demandé cinq ans de prison, dont un avec sursis.
L’annonce des peines requises est allée crescendo, vendredi 22 septembre, dans la 16e chambre du palais de justice de Paris. D’abord, Angel Bernanos, Leandro Lopes et Bryan Morio. Contre ces trois-là, poursuivis pour « participation à un groupement en vue de la préparation de violences volontaires », à savoir la manifestation de militants antifascistes du 18 mai 2016 qui allait s’achever par l’agression de deux policiers et l’incendie de leur voiture, quai de Valmy, à Paris, le parquet a réclamé un an de prison avec sursis.
Thomas Richaud, auteur de coups de poing et de coups de pied sur le véhicule : trois ans de prison, dont deux avec sursis. Kara Brault, qui a reconnu avoir jeté un plot métallique sur le pare-brise avant : trois ans, dont un avec sursis. Ari Rustenholz, accusé d’avoir tapé deux fois à l’arrière à l’aide d’un plot métallique : quatre ans ferme. Nicolas Fensch, l’homme qui s’en est pris au policier à coups de tige en fer : cinq ans, dont deux avec sursis.
Une défense « émaillée de mensonges »
Puis est venu le cas d’Antonin Bernanos, accusé d’être l’agresseur qui, visage dissimulé, frappe le conducteur à l’intérieur de la voiture avant d’en exploser la vitre arrière à l’aide d’un plot métallique. « Il n’y a pas d’acharnement », a d’abord précisé le procureur, Olivier Dabin, au sujet de celui qui a déjà passé dix mois en détention préventive dans cette affaire, et qui, à 23 ans, comptabilise douze poursuites judiciaires, dont onze conclues sur une relaxe ou un classement sans suite.
Dans son réquisitoire, le vice-procureur s’est montré plus convaincant que la veille, en pointant la défense « émaillée de mensonges » d’Antonin Bernanos, et les revirements dans ses déclarations au fil de l’enquête. L’étudiant en sociologie avait par exemple affirmé être venu à la manifestation en baskets blanches avant de changer de version une fois apparues des photos de lui en baskets noires.
En plus de certaines similitudes vestimentaires, deux éléments « emportent la conviction » du parquet : « la preuve par l’absence », c’est-à-dire le fait qu’on voie Antonin Bernanos, visage découvert, sur les images avant et après l’agression mais jamais pendant, tandis qu’à l’inverse l’agresseur au visage dissimulé n’apparaît que lors de l’échauffourée, mais jamais avant ni après. Et « les deux bagues », une à chaque main, que l’on peut voir à la fois sur l’agresseur au visage dissimulé et sur Antonin Bernanos lorsqu’il est à visage découvert.
Failles de l’enquête
Olivier Dabin ne masque pourtant pas les limites de l’enquête : « On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a et, dans ce dossier, on n’a pas l’ADN du casseur, et on n’a pas le visage du casseur, alors Bernanos pourra toujours contester. » Le matin, il avait entamé son réquisitoire en annonçant : « Le tribunal appréciera, ou pas, l’art de la dissimulation de M. Bernanos », lequel a accueilli avec un sourire crispé la peine requise contre lui : cinq ans, dont un avec sursis. Faute de temps, la plaidoirie de son avocat a été reportée au mercredi 27 septembre.
Ses confrères ayant déjà plaidé dénoncent en bloc les failles d’une instruction express qui n’en aura pas manqué. Une avocate se demande ainsi pourquoi, « sur les seize caméras du parcours, seules les images de six ont été exploitées ». Un autre s’indigne de ce que tout le dossier soit basé sur les propos d’un témoin anonyme, policier de son état, qui « refuse de répondre à toutes les questions de la défense » lors des confrontations, car s’il parle, estime l’avocat, « soit il ment, soit il dit quelque chose qui pulvérise la construction [de l’accusation] ».
Les débats se sont tant focalisés sur les conditions de l’enquête qu’on a parfois oublié que deux policiers avaient échappé au pire, le 18 mai 2016. « J’espère qu’ils prendront conscience de leurs actes », a soufflé l’agent agressé lors d’une ultime déclaration aux prévenus. Pas sûr que Joachim Landwehr ait entendu le message : ce citoyen suisse, accusé d’avoir introduit dans la voiture le fumigène à l’origine de l’incendie, et contre qui le parquet à requis huit ans de prison ferme, est resté dans son pays pendant le procès. Le délibéré, initialement prévu vendredi 29 septembre, a été repoussé à une date inconnue.