« Demain et tous les autres jours » : Noémie Lvovsky flirte avec la folie
« Demain et tous les autres jours » : Noémie Lvovsky flirte avec la folie
Par Thomas Sotinel
La réalisatrice opte pour l’onirisme dans ce duo mère-fille contaminé par la maladie.
Cette critique ne sera pas bien longue. Pour préserver le charme fragile et fascinant qu’invoque Noémie Lvovsky, il faudrait en tenir un ingrédient caché. Celui-là même qui fait d’un récit tragiquement banal un enchantement plein de périls et d’illuminations. La tâche est pratiquement impossible puisque la bande-annonce du film de la réalisatrice de Camille redouble le dévoile.
D’expérience, pourtant, je peux vous dire que l’irruption de cet élément a tout à gagner de la surprise, que son arrivée, si elle reste inopinée, vous rendra – et à juste titre – d’une grande bienveillance à l’égard de Demain et tous les autres jours. Ce que l’on peut dire pour l’instant : Mathilde (Luce Rodriguez) vit avec sa mère (Noémie Lvovsky), qui titube au bord de la folie. Pas une banale dépression, non. Le genre de mal qui vous fait prendre le train en pleine nuit alors que votre enfant attend votre retour. Qui vous fait croire aux méchantes intentions des autres et à l’affection d’étrangers.
La mère de Mathilde n’est pas un roc, c’est un fétu qui menace sans cesse de sombrer, auquel l’enfant s’accroche pourtant afin de survivre au perpétuel naufrage qu’est leur vie commune. Un fétu envoûtant qui sait, de temps à autre, se conformer assez aux attentes du monde pour que sa fille en soit fière (très belle séquence de rencontre entre psychologue – la toujours imprévisible India Hair –, mère et enfant), qui garde en réserve toujours un grain de raison, histoire de ne pas désespérer sa descendance.
Reste que la logique de la maladie est inéluctable. Tout le monde le sait, la patiente, sa fille et le public. Pour conjurer la malédiction, Mathilde sort à son tour de la rationalité, emportant le film avec elle. Ce qui aurait pu être une étude de cas psychiatrique verse dans le conte de fées.
Séquences oniriques
Cet aspect est accentué – sans doute trop – par des séquences oniriques, qui trouveront leur justification tout à la fin de Demain et tous les autres jours. Ces digressions ont leur inconvénient mais elles ont aussi leur raison d’être. Le tournage a été interrompu à deux reprises, et le second arrêt, qui a entraîné le départ définitif de la jeune Luce Rodriguez a failli provoquer la mort du projet. Il fallait donc bien un peu de magie pour conjurer le mauvais sort.
Reste, au cœur du film, le voyage extraordinaire de Mathilde (un prénom à la Roald Dahl, qu’elle n’a pas volé), qui tente de se sauver toute seule, comme une grande, avec pour seul allié son père lointain qu’incarne Mathieu Amalric. Les quelques scènes qui réunissent les parents esquissent un autre film, tout aussi passionnant, qui raconterait l’amour entre un homme raisonnable et une femme qui ne peut plus coexister avec le monde.
Demain et tous les autres jours ll Bande-annonce officielle
Durée : 01:51
Film français de et avec Noémie Lvovsky. Avec Luce Rodriguez, Mathieu Amalric (1 h 35). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Demain-et-tous-les-autres-jours.html