Les régions ont besoin de la confiance de l’Etat pour expérimenter
Les régions ont besoin de la confiance de l’Etat pour expérimenter
Par Patrick Roger
Ces collectivités ont soif de nouvelles responsabilités. Mais elles ne pourront élargir leur champ d’action que si le gouvernement cesse de les considérer avec méfiance.
Les régions souhaiteraient plus de latitude dans le domaine des transports ou encore de la formation professionnelle. / Jules Le Barazer
L’An II des grandes régions. Depuis début 2016, elles sont entrées dans une autre dimension. Non seulement territoriale, pour celles qui ont vu leurs frontières s’élargir, mais aussi institutionnelle et politique. Les régions, aux compétences renforcées, notamment dans le domaine de l’action économique, deviennent de véritables entités politiques, interlocutrices et partenaires privilégiés de l’Etat, et aussi de l’Europe, en particulier dans la gestion des fonds européens.
Pourtant, entre l’Etat et les régions, les relations semblent encore empreintes de méfiance et de soupçon réciproques. Les régions redoutent que l’Etat ne se défausse sur elles d’un certain nombre de missions sans leur donner les moyens correspondants. L’Etat voit d’un mauvais œil ces collectivités conquérir un pouvoir croissant, et l’administration peine à se départir d’une culture jacobine. Là où ils devraient établir des relations de confiance et de partenariat, ils continuent à « se renifler le derrière ». Et ce, quel que soit l’équilibre des pouvoirs politiques entre l’exécutif national et les exécutifs territoriaux.
« Encourager les initiatives »
Le « pacte de confiance » qu’Emmanuel Macron a dit vouloir engager avec les collectivités territoriales lors de la conférence nationale des territoires, le 17 juillet, est-il de nature à faire évoluer cet état d’esprit ? Dans son discours, le président de la République disait vouloir « redonner aux territoires les moyens d’agir dans une responsabilité partagée », « accompagner, encourager les initiatives ». Pour ce faire, il envisageait une simplification du droit à l’expérimentation, en levant notamment le « verrou » de l’actuelle obligation d’une généralisation de ces expérimentations au bout de deux ans. Or, par définition, l’expérimentation ne peut pas systématiquement conduire à la généralisation. Si ça marche, il doit être possible de généraliser ; si ça ne marche pas, il n’est pas impossible de faire marche arrière.
Pour le chef de l’Etat, « la différenciation de l’action publique dans les territoires doit être désormais acceptée ». Il s’est même dit prêt, si nécessaire, à proposer une révision de la Constitution pour faciliter ces évolutions. Enfin, s’adressant directement aux régions, il a assuré que de nouvelles délégations de compétences ou des transferts de structures pouvaient être envisagés pour celles qui le souhaiteraient. Un discours qui ne peut que résonner agréablement aux oreilles des régions. Encore faut-il que l’Etat aille au bout de ses engagements. Les régions, à l’occasion du congrès qui se tient le 28 septembre à Orléans, entendent présenter au chef du gouvernement, Edouard Philippe, qui sera présent à l’ouverture, une plate-forme commune sur laquelle elles s’engagent. « Mon souhait, c’est qu’on puisse signer un accord sur un ensemble de domaines dans lesquels l’Etat est prêt à participer à cet effort d’expérimentation, explique Philippe Richert, le président de Régions de France. Je souhaite que l’on ait un cadre et que ce soit garanti par écrit. »
Des délégations de compétences ?
Au premier rang de ces domaines dans lesquels l’expérimentation est une ardente obligation, celui des transports ferroviaires, où l’ouverture à la concurrence à l’échelle européenne va devenir une réalité. Sans expérimentation préalable, le risque est grand que cela se fasse dans le chaos et entraîne de grosses difficultés, à la fois pour les agents et pour les usagers.
Les régions sont également demandeuses d’autres attributions, par exemple se voir confier des routes nationales ou mettre en place une taxe de transit pour les poids lourds dans certaines d’entre elles, au premier rang desquelles le Grand-Est, confronté à un important trafic de transport de marchandises. Cela vaut aussi pour l’apprentissage et la formation professionnelle, où il y a une impérieuse nécessité d’établir des passerelles entre les domaines gérés par l’éducation nationale, notamment les lycées professionnels, et les secteurs du ressort des régions.
L’autre voie susceptible d’être explorée est celle de la délégation. Pourquoi ne pas imaginer que les régions puissent exercer, au nom de l’Etat, un certain nombre de compétences, l’Etat restant à la fois financeur et maître d’ouvrage ? Cela pourrait permettre d’éviter la multiplication des intervenants et de simplifier les circuits de décision. « Si on doit faire des économies, parce que c’est quand même cela que le gouvernement nous demande, on ne peut pas le faire sur un périmètre stable, il faut que le périmètre évolue », insiste M. Richert.
Expérimentations, délégations, liens de confiance… Telle est en quelque sorte la feuille de route qui doit guider les relations Etat-régions dans les années à venir pour que ce couple fonctionne en vrai binôme et non en parallèle ou en concurrence. Cela suppose, de la part du gouvernement, de cesser de se comporter en donneur d’ordre et, de la part des régions, d’arrêter de crier avant d’avoir mal.
Réalisé en partenariat avec Régions de France.