L’Italie déterminée à faire extrader l’ancien activiste d’extrême gauche Cesare Battisti
L’Italie déterminée à faire extrader l’ancien activiste d’extrême gauche Cesare Battisti
Par Jérôme Gautheret (Rome, correspondant)
En fuite depuis son évasion de la prison de Frosinone, en 1981, Battisti a été arrêté mercredi par la police brésilienne, alors qu’il s’apprêtait à franchir la frontière bolivienne.
Cesare Battisti lors de sa sortie de prison à Brasilia, le 8 juin 2011. / REUTERS/RICARDO MORAES
« L’Italie est déterminée à tout faire pour que [Cesare] Battisti purge sa peine dans notre pays, pour rendre en partie à notre communauté ce qui lui a été enlevé, ainsi que ce qui a été infligé aux victimes du terrorisme. » S’exprimant jeudi 5 octobre, en marge d’une rencontre organisée par le quotidien économique Il Sole 24 Ore, le ministre de la justice italien, Andrea Orlando (PD, centre gauche), a réaffirmé la détermination de son pays à faire extrader l’ancien militant des Patriotes armés pour le communisme (PAC), arrêté mercredi 4 octobre par la police brésilienne, alors qu’il s’apprêtait à franchir la frontière bolivienne.
En fuite depuis son évasion de la prison de Frosinone (Latium), en 1981, Cesare Battisti a été condamné à la perpétuité par contumace, en 1993, pour son implication dans quatre homicides commis à la fin des années 1970, dans le contexte des années de plomb. Les forces de l’ordre brésiliennes le soupçonnent d’avoir cherché à échapper à la justice, qui étudie actuellement de nouvelles demandes d’extradition italiennes. L’ancien militant d’extrême gauche serait pour l’heure détenu pour « tentative d’évasion de devises » – il a été interpellé en possession de plusieurs milliers d’euros et de dollars.
Risques d’extradition
Arrivé au Brésil depuis la France en 2004, dans des conditions très controversées, alors que ses avocats avaient épuisé tous les recours contre son transfert en Italie, Cesare Battisti a obtenu en 2010 un statut de réfugié, par décret spécial du président Lula, qui aurait pu le mettre définitivement à l’abri. Cela n’a pas empêché les autorités italiennes de continuer inlassablement, ces dernières années, à réclamer l’extradition.
Ces efforts ont redoublé après la chute de l’héritière politique de Lula, Dilma Roussef, à l’été 2016, et son remplacement par Michel Temer (PMDB), qui a été plusieurs fois sensibilisé à la question par Matteo Renzi, puis son successeur, Paolo Gentiloni. Selon le quotidien italien La Stampa, des contacts informels entre les deux pays se seraient même tenus le 18 septembre, à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Un faisceau de rumeurs qui auraient convaincu les avocats de Cesare Battisti de déposer une demande d’habeas corpus auprès de la Cour suprême brésilienne, avant que l’ex-terroriste ne cherche à quitter le pays.
« Nous voulons la justice »
La nouvelle de l’arrestation de Cesare Battisti, dans la soirée du 4 octobre, a aussitôt provoqué une avalanche de réactions en Italie, toutes allant dans le sens d’une demande d’extradition immédiate. « Battisti s’enfuyait en Bolivie, ils l’ont pris. Maintenant que les autorités brésiliennes le rendent à l’Italie, tout de suite. Nous voulons la justice », a ainsi écrit sur Twitter Matteo Renzi, dans la nuit de mercredi à jeudi. De l’autre bord du spectre politique, la dirigeante de Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni (postfasciste) pouvait bien stigmatiser par avance « les déclarations de solidarité des “radical chics” qui l’ont toujours défendu et appuyé », celles-ci se sont fait attendre en vain, tant l’opinion publique apparaît quasi unanime sur le sujet.
Du côté des familles de victimes, Alberto Torregiani, resté paralysé depuis ses quinze ans après une agression commise en 1979 par les PAC – pour laquelle Cesare Battisti a été condamné, et dans laquelle son père est mort –, assure que l’attente a assez duré. « S’ils ne nous le donnent pas maintenant, j’irai le chercher », avertissait-il jeudi matin, depuis Milan. Pour l’heure, Cesare Battisti s’est borné à déclarer qu’il ne « craignait pas l’extradition », s’abritant derrière la protection du décret de 2010.