Jérôme Valcke, l’ex-numéro 2 de la FIFA, et Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG. / STF / AFP

C’est avec surprise que Nasser Al-Khelaïfi a appris, jeudi 12 octobre, depuis Doha (Qatar), l’ouverture par le parquet suisse d’une procédure pénale à son encontre. Soupçonné de « corruption privée active », le président qatari du Paris-Saint-Germain aurait - en sa qualité de directeur du groupe BeIN Media - prétendument offert des « avantages indus en lien avec l’octroi de droits média dans certains pays en ce qui concerne les Coupes du monde de 2026 et 2030 » au Français Jérôme Valcke, 57 ans, ex-secrétaire général de la Fédération internationale de football (FIFA).

L’ex-numéro 2 de l’instance mondiale, qui faisait déjà l’objet d’une procédure pénale ouverte par le parquet suisse en 2016 pour « gestion déloyale et d’autres délits », est lui aussi visé par une enquête du ministère public de la Confédération helvétique (MPC). L’ex-bras droit de l’ancien patron de la FIFA, Sepp Blatter, est également « soupçonné d’avoir accepté des avantages indus en lien avec l’octroi de droits média dans certains pays de la part d’un homme d’affaires dans le domaine des droits sportifs en ce qui concerne les Coupes du monde de football de la FIFA de 2018 [en Russie], 2022 [au Qatar], 2026 et 2030 ».

Alors que la police italienne a annoncé avoir perquisitionné une villa à Porto Cervo, en Sardaigne, qui serait selon elle le « moyen de corruption » utilisé par Nasser Al-Khelaïfi envers Jérôme Valcke, les autorités se polarisent sur ledit accord qui sécurise l’octroi à BeIN Media des droits média des Mondiaux 2026 et 2030, dont l’organisation n’a pas été encore attribuée.

Un accord qui concerne vingt-quatre pays

Selon les proches du dossier, le « deal » a été scellé « en 2013-2014 ». Il concerne vingt-quatre pays du Moyen-Orient, dont le Qatar et l’Arabie saoudite, et d’Afrique du Nord. L’accord en question n’a jamais été officiellement annoncé par la FIFA.

En janvier 2011, la Fédération internationale avait dévoilé un accord avec Nasser Al-Khelaïfi, homme de confiance de l’actuel émir du Qatar, Tamim Al-Thani, et alors directeur général de la chaîne Al-Jazira Sports, qui concernait l’octroi des droits des Mondiaux 2018 et 2022 pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Ce pacte avait été scellé un mois après le vote controversé du 2 décembre 2010, qui attribuait l’organisation des deux prochains tournois planétaires – respectivement à la Russie et au Qatar.

« Il n’y a jamais eu aucun avantage donné par Nasser-Al-Khelaïfi, que je souhaite dédouaner, pour l’octroi de quelconques droits télévisés, affirmait Jérôme Valcke au Monde, jeudi 12 octobre. Ce n’était pas dans mon pouvoir de décider, ce n’est d’ailleurs pas moi qui ai négocié. Et tout accord signé a été validé par le comité exécutif, la commission des finances, les organes de la FIFA. » Selon l’ex-numéro 2 de la FIFA, pourtant en pointe lors de ces pourparlers en tant qu’ex-patron du marketing (2003-2006), cet accord aurait été « directement négocié » par Niclas Ericson, alors directeur de la division TV de l’organisation. Ce dernier, qui a quitté la FIFA à la fin de 2016, n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Selon plusieurs sources, l’accord a été validé par un paraphe de Marco Villiger - alors directeur juridique de la FIFA et promu, en 2016, secrétaire général adjoint par le nouveau président Gianni Infantino - et de Markus Kattner, alors directeur des finances. A l’instar de plusieurs accords (avec notamment la chaîne brésilienne TV Globo, le groupe suisse Mountrigi Management pour l’Amérique centrale et du Sud), le deal entre la FIFA et BeIN Media a été conclu sans appel d’offres.

Dans l’entourage de Nasser Al-Khelaïfi, on assure « qu’il n’y a rien d’anormal concernant cet accord » tout en pointant « le montant très largement en hausse » du contrat par rapport à la valeur de celui signé, en 2011, par Al-Jazira Sports et la FIFA pour les droits des Mondiaux 2018 et 2022. « On est bien au-dessus d’une hausse de 20 %, assure une source proche du dossier. Le contrat a été signé par tous les services de la FIFA et validé par le comité exécutif. »

L’enquête préliminaire du comité d’éthique

Le clan Al-Khelaïfi s’est étonné de l’annonce de l’ouverture d’une enquête préliminaire par le comité d’éthique de la FIFA. Coprésidé depuis mai par la Colombienne Maria Claudia Rojas et le Grec Vassilios Skouris, le tribunal interne de la Fédération engagera-t-il une procédure formelle contre le président du PSG ? Ira-t-il jusqu’à suspendre Nasser Al-Khelaïfi ? A Zurich, au siège de la FIFA, on se veut très prudent tout en laissant entendre que ladite enquête préliminaire ne préjuge rien de la suite donnée par la chambre d’instruction dudit comité.

Sous la coprésidence du Suisse Cornel Borbely et de l’Allemand Hans-Joachim Eckert (2014-2017), le comité d’éthique, s’était distingué, ces dernières années, en suspendant Sepp Blatter et le dirigeant de l’UEFA Michel Platini, pour la fameuse affaire du paiement des deux millions de francs suisses (1,8 million d’euros) fait à l’ex-numéro 10 des Bleus. Le tribunal interne avait également banni Jérôme Valcke, qui a été entendu, mercredi 11 octobre, par le Tribunal arbitral du sport de Lausanne pour faire annuler sa suspension de dix ans.

A Doha, Nasser Al-Khelaïfi organise actuellement sa défense avec son avocat, Me Francis Szpiner, et ses proches collaborateurs. « On a toute la chronologie des contrats. A Zurich, ils l’ont aussi. Il suffira de comparer le montant des contrats », indique-t-on dans l’entourage du patron du PSG et de Qatar Sports Investments, le fonds qui possède le club depuis 2011. En marge de l’enquête préliminaire ouverte par le comité d’éthique de la FIFA, Nasser Al-Khelaïfi a prévu de s’expliquer rapidement devant le parquet suisse.