Harcèlement sexuel : Parler, une association pour « transformer l’émotion en changement de société »
Harcèlement sexuel : Parler, une association pour « transformer l’émotion en changement de société »
Par Raphaëlle Rérolle
La militante EELV Sandrine Rousseau a fondé une association pour aider les femmes victimes de harcèlement ou d’agression sexuelles à parler.
Parler : ce simple verbe est à la fois le titre du livre publié par Sandrine Rousseau en septembre (Flammarion) et le nom de l’association dont elle a déposé les statuts, en juillet. Dans les deux cas, il s’agit de rompre le silence qui entoure souvent les violences sexuelles infligées aux femmes. En mai 2016, alors qu’elle était porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), cette enseignante-chercheuse en économie à l’université Lille-I a fait partie du groupe de huit élues et collaboratrices d’EELV qui ont publiquement accusé le député Denis Baupin de harcèlement sexuel (toutes les plaintes portées à son encontre ont été classées sans suite par le parquet de Paris).
Son livre retrace cette affaire en insistant sur l’importance, pour les femmes, de surmonter leur douleur afin d’oser s’exprimer sur les agressions dont elles ont été les victimes. Surtout, Sandrine Rousseau veut encourager les personnes agressées à porter plainte. En cours de constitution, l’association affiche le même objectif. Sandrine Rousseau a quitté son poste de secrétaire nationale adjointe du parti pour se consacrer à cette structure qui voudrait contribuer, dit-elle, à « transformer l’émotion et la dénonciation en changement de société ».
L’idée est de constituer des réseaux de bénévoles capables d’entourer les victimes. D’abord, dans des groupes de paroles conviviaux, où des femmes pourront parler à d’autres femmes, « comme à des copines » qui les comprendraient, explique Sandrine Rousseau. Des souvenirs traumatiques qui n’ont parfois jamais été formulés seraient enfin verbalisés. Ensuite, les membres de l’association aideront celles qui le souhaitent à franchir le seuil d’un commissariat, puis d’un tribunal. « Il y a tant de petites choses qui empêchent les victimes d’aller porter plainte, observe l’auteure de Parler. Ne serait-ce que le fait de donner à haute voix le motif de votre présence, devant la personne qui vous reçoit à l’accueil d’un commissariat. »
De plus en plus de témoignages d’hommes
Encourager une femme à écrire ce qu’elle a vécu, l’accompagner pour s’assurer qu’elle n’oubliera pas des éléments importants et, enfin, contrer le fatalisme de certains policiers qui rechignent à recevoir les plaintes : « La plupart du temps, les femmes sont très seules face aux policiers, aux avocats, aux juges d’instruction, aux experts psychologiques, note la présidente de l’association. Elles ont l’impression d’avoir affaire à une énorme machine face à laquelle la moindre erreur sera exploitée par l’agresseur. »
Pour que cette association fonctionne, Sandrine Rousseau fait appel au financement participatif. « Il nous faut 10 000 euros par an et par ville pour organiser des dîners, louer des locaux convenables au coup par coup et salarier une personne qui coordonne l’ensemble, à l’échelle nationale », explique-t-elle. En attendant, les témoignages continuent d’affluer. Venant de femmes, mais aussi d’hommes, de plus en plus. Y a-t-il une évolution dans les messages qu’elle reçoit ? « Oui, répond Sandrine Rousseau. De plus en plus de victimes me disent qu’elles ont décidé d’aller porter plainte. »