Le département loue à ses habitants sept véhicules de service électriques, 24h/24. / Conseil départemental de l'Orne

Sur le parking du conseil départemental de l’Orne, à Alençon, on les repère tout de suite. Amarrés à leurs bornes, sept véhicules électriques — quatre Zoé, trois Kangoo — attendent leur prochain conducteur. Ce sera peut-être une fonctionnaire du département, qui se rendra à un rendez-vous professionnel à Flers ou à Argentan… Ou bien Yann Beg, qui habite tout près et qui louera pendant deux heures l’une de ces voitures pour faire ses courses au supermarché ou se rendre à un rendez-vous médical à Caen. Depuis qu’il a envoyé sa vieille Xantia « à la casse » et qu’il n’a « pas les moyens d’en racheter une », le directeur d’exploitation de 45 ans, en arrêt maladie longue durée, a trouvé dans ce service une solution à ses problèmes. « Dans l’Orne, c’est compliqué de s’appuyer uniquement sur les transports en commun. Là, c’est comme si j’avais ma propre voiture », dit-il.

A l’heure où de plus en plus de villes lancent des systèmes de véhicules électriques en libre-service, l’Orne a fait un pas de plus en mettant à disposition des habitants les voitures de son personnel. Des véhicules de service qui ne sont pas utilisés en dehors des heures de bureau, et qui, même en journée, sont garés 30 % du temps.

Lorsque le dispositif Autofree 61 a été lancé, à la fin d’avril, sous l’impulsion de l’ancien président de l’Orne Alain Lambert, les voitures étaient louables par les particuliers seulement après 17 h 30 et le week-end, à n’importe quelle heure. Depuis un mois, elles sont aussi libres en journée, à condition qu’un employé du département n’ait pas réservé le véhicule au préalable.

Rentabilisation des ressources

Encore rare en France, ce système illustre bien les bouleversements majeurs qui traversent le monde de la mobilité : le passage de la voiture que l’on possède à la voiture comme « service ». Et la rentabilisation, par le numérique et le partage, de ressources déjà existantes, dans une optique de développement durable.

« Les collectivités vont amorcer la tendance, mais demain, ce sont les entreprises qui voudront rentabiliser leur flotte électrique en la louant quelques heures à des particuliers qui habitent les environs », prédit Bruno Flinois, le président de Clem’, la start-up francilienne qui gère la plate-forme de partage de véhicules à Alençon. Clem’ travaille aussi avec des bailleurs sociaux qui souhaitent « mettre à disposition des véhicules électriques partagés pour leurs résidents, et qui pourront aussi être loués à d’autres gens du voisinage ».

A Alençon, ce sont sept véhicules parmi les deux cent soixante berlines ou utilitaires que possède l’administration qui sont « partagés » avec les habitants. « Nous allons en proposer de plus en plus à la location, à mesure que nous allons remplacer notre flotte thermique par des véhicules électriques — on prévoit d’en acheter quarante-quatre dans les mois qui viennent. Nous allons aussi partager nos véhicules sur d’autres sites du département, là où nous avons nos agences », assure Dominique Cortes, directeur général adjoint du département, qui envisage ce système comme un « nouveau service public ». Et une manière de rendre l’Orne plus attractive, notamment pour les jeunes, à l’heure où la population de ce territoire rural s’érode d’années en années.

Une politique de prix bas

Reste que pour l’instant, à Alençon, ce n’est pas le raz de marée. Le service enregistre cent quarante-huit réservations en un peu plus de cinq mois, effectuées par quarante-sept conducteurs. Mais cela n’inquiète pas Dominique Cortes : « La particularité du dispositif, c’est que cela ne nous coûte pas grand-chose — environ 7 000 euros par an pour la plate-forme de partage. Les voitures électriques, on les avait déjà, car en tant que collectivité, nous devons acheter au minimum 20 % de véhicules à faibles émissions. Le prix des locations nous permet de payer l’énergie de leur charge. »

Pour convertir les Ornais, la collectivité mise avant tout sur le bouche à oreille, et sur une politique tarifaire de prix bas : un euro par heure, cinq euros pour huit heures. Les plus avertis des habitants, comme Denis Meyer, jeune retraité, s’y retrouvent. « Pour aller passer une journée en Mayenne, cela m’a coûté moins cher d’utiliser ce service plutôt que de prendre ma Ford Fiesta diesel », a calculé l’ancien conducteur de métro, qui voulait aussi « tester la conduite électrique ». Il n’a qu’un regret : le manque de bornes de recharge dans le département.