Procès Merah : Abdelkader et le vade-mecum du parfait djihadiste
Procès Merah : Abdelkader et le vade-mecum du parfait djihadiste
Par Henri Seckel
Des « leçons de djihadisme » ont été retrouvées dans l’iPod de l’accusé. Ces fichiers audio ont été longuement énumérés lors de l’audience du mardi 24 octobre.
Les heures sont longues sur les chantiers. Alors Abdelkader Merah, qui était encore peintre en bâtiment dans les mois précédant les attentats commis par son frère Mohamed en mars 2012, à Toulouse et à Montauban, prend son iPod avec lui et passe ses journées le pinceau à la main et les écouteurs dans les oreilles.
Parmi les fichiers audio qu’il écoute en travaillant (la biographie de Mahomet, par exemple), dix-sept ont alerté les enquêteurs. Il s’agit de recommandations, formulées en arabe littéraire par un membre d’Al-Qaida et disponibles sur YouTube, sur le comportement à adopter pour être un bon moudjahid. Une vingtaine d’heures de « leçons de djihadisme », détaillant comment se fondre dans la masse et s’organiser pour berner les services de renseignement avant de passer à l’acte.
Les conseils de ce « vade-mecum du parfait djihadiste » ont été longuement énumérés, mardi 24 octobre, par le président de la Cour d’assises spéciale de Paris, où Abdelkader Merah est jugé pour complicité dans les sept assassinats de son frère et association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste : « Pas de barbe sur les photos des cartes d’identité », « pas de montre à la main droite », « s’adapter au mode de vie autochtone », « varier les moyens de transport », « s’arrêter de marcher de manière brutale » ou « jeter de manière ostentatoire un papier par terre et voir qui va le ramasser » afin de déjouer une filature, « lire des livres sur la sécurité », « ne pas utiliser de téléphone portable », « appeler d’un cybercafé », « brûler un disque dur pour s’en débarrasser », etc.
« Je voulais savoir ce qu’était Al-Qaida, explique Abdelkader Merah. On en a beaucoup parlé, mais il y a eu beaucoup de mensonges dans les médias. Avec ces audios, je suis vraiment entré au cœur d’Al-Qaida.
– Est-ce qu’écouter ça ne traduit pas plus qu’un simple intérêt intellectuel ?, interroge le président. “Fascination”, ça vous semble excessif ?
– Je suis musulman. Al-Qaida a un projet d’Etat islamique, je voulais savoir leur méthodologie, leur idéologie, leurs arguments.
– Pourquoi ? Pour les combattre ?
– Pour savoir. »
Et afin de les partager avec son frère Mohamed pour influer sur son passage à l’acte, ce qui caractériserait l’association de malfaiteurs ? « Je ne pouvais pas partager les sujets qui traitent de l’islam avec lui, on n’avait pas d’échanges religieux, répond Abdelkader Merah. Le chef djihadiste privilégie l’action de groupe plus que l’action isolée. Il s’agit de recommandations pour restaurer un Etat islamique. L’action de mon petit frère n’a rien à voir avec les recommandations de l’auteur de l’audio. »
« Changer d’accoutrement »
Les avocats des parties civiles sont persuadés du contraire. L’un d’eux affirme : « Certains fichiers préconisent de changer d’accoutrement et de coiffure, ou de se préparer aux interrogatoires que les voyages susciteront. Or, Mohamed Merah a changé son apparence et a été débriefé par les services de renseignement français [à son retour du Pakistan]. »
« Ces fichiers sont totalement à décharge », tonne Me Dupond-Moretti, l’avocat d’Abdelkader Merah, soulignant que l’accusé a gardé les fichiers au lieu d’en effacer toute trace, et qu’on n’en a pas retrouvé un seul sur l’ordinateur de son frère. « Dans n’importe quel polar, poursuit-il, vous avez des conseils pour faire un braquage. Là, certaines choses permettent de dire qu’il y a une similitude, mais il y a des tas d’éléments de divergence. »
Il s’agissait du dernier interrogatoire d’Abelkader Merah. Les plaidoiries doivent débuter jeudi 26 octobre. Verdict le 2 novembre.