Les ONG critiquent vivement le « plan d’action » gouvernemental pour le CETA
Les ONG critiquent vivement le « plan d’action » gouvernemental pour le CETA
Par Rémi Barroux
Les propositions gouvernementales ne permettraient pas de limiter les risques sanitaires et environnementaux du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada.
Sans surprise, la présentation par le gouvernement du plan d’action relatif à l’accord économique et commercial avec le Canada, le CETA, mercredi 25 octobre, a été particulièrement bien accueillie par les députés la République en marche (LREM). Ceux-là même qui avaient soumis au gouvernement une série de vingt-huit propositions pour encadrer le traité. Il n’a, en revanche, pas du tout convaincu ceux qui rejettent ce traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, entré en vigueur provisoirement le 21 septembre, à savoir la plupart des ONG de défense de l’environnement et engagées sur le front climatique.
Satisfecit donc pour les parlementaires de la majorité gouvernementale qui ont largement été entendus, estiment-ils. « On fait nôtre ce plan d’action en disant “chiche” au gouvernement. Nous voulons un tableau de bord pour suivre les avancées des débats et des initiatives, notamment en direction du Canada et de la Commission européenne, jusqu’à la ratification du traité », explique ainsi Jacques Maire, député des Hauts-de-Seine. Selon lui, des garanties ont été apportées par le plan d’action gouvernemental sur la transparence des négociations encore à venir. « Personne ne souhaite remettre en question le niveau d’exigence et de protection sanitaire au nom d’un bénéfice commercial avec le Canada », assure-t-il.
Si des craintes existaient, reconnaissent les députés LREM qui ont écrit au gouvernement, le plan d’action garantit un cadre « pour interdire toute sanction d’un Etat pour règle climatique contraignante ». Pour Jacques Maire, « les ONG partent du principe que s’il existe un risque, celui-ci va nécessairement se réaliser, et elles ne peuvent envisager que l’on peut contrôler ce risque ».
Pour Mathieu Orphelin, ancien écologiste et député LREM du Maine-et-Loire, qui faisait partie des signataires de la lettre au gouvernement, « si toutes les mesures prévues dans le plan étaient intégralement mises en œuvre, cela devrait permettre d’assurer que ses effets négatifs soient le plus réduit possible », affirme prudemment ce proche de Nicolas Hulot, tout en relevant le caractère « timide » du texte, notamment sur les OGM.
« Plan d’inaction »
A l’inverse, les ONG ne manquent pas de mots pour critiquer le plan gouvernemental qu’elles qualifient de « plan d’inaction ». S’appuyant sur le rapport des experts de la commission présidée par l’universitaire et spécialiste de l’économie de l’environnement et des ressources naturelles, Katheline Schubert qui avait évalué les conséquences sur la santé et l’environnement du CETA, ces organisations regrettent que « la France renonce à demander des modifications de l’accord pour mettre en œuvre l’ensemble des recommandations des experts ».
« Les mesures françaises ou européennes de lutte contre le changement climatique pourront toujours être contestées par le Canada ou ses industriels, faute d’introduction d’un véritable “veto climatique” », dénoncent, dans un communiqué commun, l’organisation Foodwatch, l’Institut Veblen pour les réformes économiques et la Fédération pour la nature et l’homme (FNH), l’ONG que présidait Nicolas Hulot jusqu’à son entrée dans le gouvernement. Ces organisations doutent que la France puisse obtenir une révision ambitieuse de la directive qualité des carburants « alors qu’elles ont justement achoppé face à l’opposition des industriels et de certains partenaires commerciaux tels que le Canada ». Elles soulignent aussi que rien n’est proposé pour interdire « les nouveaux OGM et les OGM cachés ».
« Sans renégociation du traité, aucune forme de veto ne sera introduite dans le CETA. La déclaration commune UE-Canada – nouvelle promesse pour le futur – du plan gouvernemental ne pèsera rien face à la réalité du droit dur existant et confirmé par le traité : les mesures françaises, européennes ou même canadiennes de lutte contre le dérèglement climatique pourront toujours être contestées par les entreprises privées si elles contreviennent à leurs espérances de profit. Le plan gouvernemental n’inverse pas la logique du CETA : les intérêts à court terme des acteurs économiques, préservés par un droit dur et sanctionnable, priment sur les engagements climatiques qui ne sont pas mentionnés dans le texte du CETA », analyse Maxime Combes d’ATTAC, auteur de « Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition » (Seuil, 2015).
Un doute sur le « veto climatique »
Le doute existe aussi du côté des organisations professionnelles. L’« interprofession bétail & viandes » (Interbev) souhaite ainsi que le parlement français rejette le CETA afin de pouvoir renégocier le traité. « En proposant de réaliser des études d’impact a posteriori (…), le gouvernement se prépare à assister et mesurer la chute de la filière alors qu’il devrait tout mettre en œuvre pour l’éviter », dénonce Interbev.
« Ce plan d’action est d’abord un plan de renoncement à endiguer les dangers avérés du CETA, que ce soit sur le climat, la santé, l’agriculture. Les comités de suivi ne changeront rien. Les initiatives européennes renvoyées à la commission sont choquantes car les législations envisagées ont été sabotées par la France, en particulier sur les carburants issus des sables bitumineux. La France aurait pu saisir, comme la Belgique, la Cour européenne de justice sur le principe de précaution et les tribunaux d’arbitrage », proteste encore le député Europe Ecologie au Parlement européen, Yannick Jadot.
Quant aux affirmations gouvernementales sur l’existence d’un « veto climatique » et l’impossibilité qu’auraient des investisseurs privés d’attaquer des Etats et leurs réglementations environnementales, il n’y croit pas non plus : « les multinationales installées au Canada pourront attaquer nos éventuelles décisions sur l’interdiction du glyphosate, la taxation des carburants très polluants ou l’étiquetage des produits bœuf issus d’élevages déplorables ». « Ce sera à l’assemblée nationale de prendre ses responsabilités pour rejeter un mauvais accord », conclut Yannick Jadot.
Le ministre Nicolas Hulot, tenu à la solidarité gouvernementale, n’insinue pas autre chose, quand il estime que si les discussions avec le Canada et la Commission européenne n’aboutissent pas, « chacun devra en tirer les leçons ».