« Batman » version manga, ça donne quoi ?
« Batman » version manga, ça donne quoi ?
Par Pauline Croquet
L’éditeur de comics américain DC a confié l’un de ses héros les plus connus à une dessinatrice de manga pour une série plutôt curieuse. Une opération séduction qui n’est pas unique.
Avouons-le tout net : l’annonce, il y a quelques mois, de la sortie d’un manga mettant en scène les aventures de Batman et de la Justice league nous a laissés quelque peu sceptiques. Son timing de publication, coïncidant avec la sortie en salles du film de Zack Snyder ce mercredi 16 novembre, laissait croire à une énième opération commerciale de l’éditeur américain DC pour faire percer ses héros à l’étranger. Début novembre, Dargaud et sa filiale manga Kana ont d’ailleurs réalisé un doublé à Gotham city en incrustant le même jour l’homme chauve-souris dans les rayons de BD japonaise – avec la sortie en France du premier tome de Batman & the Justice league – mais aussi dans ceux de la BD franco-belge avec la publication de l’excellent Batman, The Prince Dark Charming par Enrico Marini.
TM&©DC COMICS. ALL RIGHTS RESERVED
Ce n’est pas la première fois que les géants du comics américains tentent de séduire un public étranger, particulièrement au Japon. Dans les années 1980, des personnages d’origine nippone s’étaient immiscés dans le panthéon des superhéros US, à l’image de Katana, une experte du combat à mains nues apparue dans l’univers Batman, avant d’obtenir sa propre série. Marvel, le principal concurrent de DC, tente, lui, de conquérir le marché japonais depuis longtemps en collaborant avec de grands studios comme la Toei : ainsi en 1978, Spiderman a eu droit à sa série TV japonaise, et un relooking dans les codes de l’époque. Plus récemment, les X-men comme les Avengers ont fait l’objet de dessins animés japonais.
L’exercice est délicat, surtout quand il s’agit de grand héros comme Bruce Wayne. Dans les années 2000, Batman avait déjà été l’objet d’un manga sous la plume de Kia Asamiya, mais sa sortie avait été accueillie dans une relative indifférence. Qu’est ce qui peut bien pousser alors un éditeur à retenter une aventure qui s’avère souvent infructueuse ? Le simple fait qu’il n’a simplement rien à perdre.
Batman n’écorne pas son image en effet quand, à la marge, un manga de ses aventures ne trouve pas assez de lecteurs. Autre raison : les éditeurs de manga japonais sont un peu plus enclins à accueillir des superhéros américains dans les pages de leurs magazines. En témoigne le récent succès de My hero Academia, un manga pour adolescents qui emprunte énormément aux équipes de vengeurs.
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Batman & The Justice League respecte les codes du manga de héros dans sa progression et son intrigue. L’adaptation a été confiée à Shiori Teshirogi, une autrice habituée aux commandes importantes puisqu’elle a écrit et dessiné la série Saint Seiya : Lost canvas chronicles, une suite des Chevaliers du Zodiaque. A l’instar de son précédent travail sur cette série, ici la dessinatrice ne se contente pas de copier-coller un comics pour le transposer dans les codes du mangas.
Si elle respecte les références à l’univers de Batman et de la Ligue de justice, Shiori Teshirogi introduit des personnages inspirés de la culture japonaise ainsi qu’une intrigue assez classique des mangas d’aventure shonen, rythmée pour faire tourner les pages. Ainsi, l’histoire démarre quand Rui un jeune japonais débarque à Gotham à la recherche de ses parents disparus. Il va être d’entrée de jeu confronté à la violence de cette ville du crime et se retrouver au cœur d’une conspiration menée par Lex Luthor et le Joker.
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En revanche, le dessin des personnages a de quoi parfois laisser pantois. Croqué à la japonaise, le Joker se révèle décevant. Certains personnages de la Ligue de justice, que l’on ne fait qu’apercevoir dans ce premier tome, ont l’air un peu disproportionnés ; la petite tête de Superman ne semble pas avoir suivi la croissance de ses muscles ultra-bodybuildés.
Dans la masse des publications de mangas farfelus en France, ce premier tome de Batman n’est franchement pas ridicule. Le premier tome étant paru en France avant le Japon, nul ne sait combien de volumes comptera au final cette série. Seule certitude, elle risque de s’attirer, comme Batman finalement, quelques ennemis notamment chez les puristes du comics.
Batman & the Justice League, tome 1, par Shiori Teshirogi, traduction Rodolphe Gicquel, éditions Kana et DC, 192 pages, 7,95 euros.