Face aux cars « Macron », la SNCF étoffe son offre de trains à petits prix
Face aux cars « Macron », la SNCF étoffe son offre de trains à petits prix
LE MONDE ECONOMIE
La compagnie mise sur les trains Intercités dits « 100 % éco ». A partir du 16 décembre, l’entreprise lancera une liaison entre Paris et Lyon.
Train Intercités sur la ligne Paris-Lyon, en 2017. / Jean-Jacques d'Angelo
La SNCF est bien déterminée à occuper tous les créneaux du transport terrestre à bas tarif. La dernière initiative commerciale de la compagnie ferroviaire nationale en témoigne. A partir du 16 décembre, la SNCF lancera entre Paris et Lyon des trains Intercités dits « 100 % éco », c’est-à-dire où l’ensemble des places sont à petit prix, en l’occurrence entre 15 euros et 45 euros l’aller.
Cet échelon – quelque part entre les TGV Ouigo et les cars Ouibus – n’est pas une nouveauté à la SNCF. Les Intercités 100 % éco existent depuis 2010 sur la liaison Paris-Toulouse et ont été étendus à Paris-Nantes, Paris-Bordeaux et Paris-Strasbourg. Sauf qu’en ajoutant cette offre sur la liaison Paris-Lyon la compagnie ferroviaire franchit une étape symbolique. Les 500 kilomètres qui séparent la capitale de la France de celle des Gaules constituent un axe majeur du transport terrestre dans notre pays et l’une des destinations les plus fréquentées du réseau SNCF.
Cette nouvelle offre n’est peut-être pas qu’une affaire de symboles. Ces fameux 500 kilomètres sont, en effet, la deuxième liaison longue distance la plus fréquentée en autocars libéralisés (dits « cars Macron ») après Paris-Lille. La liaison Lyon-Paris en FlixBus, Isilines ou Ouibus (filiale de la SNCF) déplace en moyenne 76 000 voyageurs par trimestre, un potentiel de 600 000 trajets par an dans les deux sens. Le vrai objectif de l’opération consisterait donc à regagner des parts de marché sur l’autocar. Car ce mode de transport a fait reculer le train – réputé de plus en plus cher – depuis 2015.
« Plus rapide que l’autocar »
Les équipes commerciales de la SNCF n’avancent d’ailleurs pas masquées. « Le temps de parcours, établi à 4 h 30, est plus rapide que l’autocar », précise le communiqué de presse. « Un aller-retour de ce train, c’est l’équivalent de treize cars mis bout à bout, ajoute Caroline Chabrol, directrice du marketing d’Intercités. L’offre s’appelle 100 % éco pour 100 % économique mais cela pourrait être aussi bien pour 100 % écologique. »
A y regarder de près, l’initiative n’a pas de quoi angoisser les « macronautes ». L’offensive est pour le moins modeste. Ce train abordable, qui part non pas de Paris-Gare-de-Lyon mais de Bercy, effectue un aller-retour le samedi, un aller-retour le dimanche (avec arrêt à Beaune, Chalon et Mâcon) et rien le reste de la semaine. En face, l’offre est tout de même plus conséquente : samedi 16 décembre, date du lancement, plus de trente autocars équipés de Wi-Fi (contrairement au train à bas prix) partiront de Paris destination Lyon.
Risque de cannibalisation
Même limitée, l’opération est révélatrice d’une stratégie consistant, en se battant sur les tarifs, à ne pas laisser émerger la moindre concurrence pouvant menacer les positions du groupe ferroviaire. Cette méthode est théorisée dans le « projet stratégique 2025 » qui a été expliqué à 600 cadres de l’entreprise à Rotterdam (Pays-Bas) en septembre. « Le choix de tel ou tel mode de transport répond à des motivations multiples dont la dimension prix est un des facteurs déterminants, dit le document. Aussi, si nous voulons avoir la part de marché la plus élevée dans le secteur des mobilités, SNCF doit être présent sur l’ensemble du spectre. »
D’où la multiplication des offres à prix serrés : Ouigo (TGV), Ouibus (autocar), 100 % éco (train classique)… Thalys, filiale de la SNCF, a ajouté dans son catalogue l’offre Izy, qui permet de prendre un Paris-Bruxelles à tout petit prix sans passer par la ligne à grande vitesse. Et ça marche. Les Ouigo font le plein, Izy a largement contribué aux bons résultats commerciaux de Thalys au premier semestre et les Intercités économiques affichent un taux d’occupation de 80 % quand le reste de l’offre n’est rempli qu’à 60 %.
Reste un souci : le risque de cannibalisation des entreprises SNCF par ce tapis de bombes low cost. Du côté des cars FlixBus, on attaque frontalement les choix du groupe public. « Ceci démontre l’incohérence totale de cette stratégie, tempête Yvan Lefranc-Morin, directeur général de FlixBus. La SNCF ne se cache même plus pour admettre que toutes ses offres de mobilité se font concurrence. » Quant aux responsables de Ouibus, qui verront partir les Intercités 100 % éco de leur maison mère depuis la gare de Paris-Bercy à quelques mètres de leurs autocars, ils n’ont pas souhaité commenter le lancement.