A Bali, « le volcan Agung est suivi de très près car il est capable de très grosses explosions »
A Bali, « le volcan Agung est suivi de très près car il est capable de très grosses explosions »
Propos recueillis par Eléa Pommiers
Les autorités indonésiennes ont placé le volcan en niveau d’alerte maximale en raison d’un « risque imminent d’éruption ».
Volcan Agung : les premières coulées de lave à Bali
Durée : 01:18
Les autorités indonésiennes craignent une importante éruption du volcan Agung, sur l’île de Bali, l’une des plus touristiques du pays. Plus de 40 000 personnes ont déjà été évacuées, et près de 100 000 habitants pourraient devoir s’éloigner dans les prochains jours. Le volcan, dont la dernière éruption remonte à 1963, gronde depuis le mois de septembre et a commencé à relâcher des cendres et de la fumée il y a une semaine. Lundi 27 novembre, les autorités ont placé le volcan en niveau d’alerte maximale en raison d’un « risque imminent d’éruption », et ont décidé de fermer l’aéroport international de l’île.
Pour Bani Philipson, membre du laboratoire « Magmas et volcans » de l’Observatoire physique du globe de Clermont-Ferrand, qui a travaillé sur l’Indonésie entre 2010 et 2016, le magma, qui se transformera en lave s’il est expulsé du volcan Agung, est « désormais proche de la surface », mais il reste difficile de savoir si des éruptions plus fortes que les rejets de gaz et de cendres sont à prévoir.
Les autorités indonésiennes ont assuré jusqu’à récemment que le volcan n’était pas en éruption, qu’en est-il ?
On a dépassé le stade des signaux d’alerte : le volcan Agung est entré en éruption. L’éruption d’un volcan débute quand il commence à libérer des produits, notamment des gaz, des cendres, parfois de la lave. Au départ, le magma, contenu sous terre, remonte progressivement à l’intérieur du volcan. Les gaz contenus dans ce magma cherchent à se libérer et se concentrent dans la partie haute de la colonne magmatique. En s’accumulant, ils créent une pression qui, quand elle ne peut plus être supportée par la roche, la fait exploser. C’est ce qu’il s’est passé au mont Agung, et aujourd’hui, ce sont les gaz du magma qui s’échappent, mêlés à de la cendre. C’est cette cendre qui teinte les panaches (ou colonnes de fumée) : plus il y en a dans les conduits magmatiques, plus le panache est foncé.
Différentes teintes de gris sont observables dans les panaches de fumée, en fonction de la quantité de cendres qu’ils contiennent. / FIRDIA LISNAWATI / AP
C’est aussi la cendre qui, mêlée à la pluie, crée les coulées de boue que l’on observe le long du mont Agung. Les Indonésiens les appellent les « lahars ».
Depuis deux mois, on observait déjà des panaches plus clairs au-dessus du volcan. Quelle est la différence avec les colonnes de cendre rejetées par le mont Agung lundi ?
Il pouvait alors s’agir de ce que l’on appelle une éruption « phréatique », c’est-à-dire une éruption qui ne rejette pas de magma, ou de gaz libérés par le magma lui-même, mais seulement de la vapeur d’eau : lorsque le magma remonte à l’intérieur du volcan, il génère de la chaleur qui va transformer l’eau contenue dans le conduit en vapeur. C’est cette vapeur d’eau qui peut ensuite générer de la pression et une explosion pour s’évacuer.
Aujourd’hui, il me semble que l’éruption est magmatique : c’est le gaz retenu dans le réservoir magmatique qui est libéré.
Le 25 novembre, un léger panache s’échappait déjà du mont Agung, et les autorités avaient monté le niveau d’alerte à niveau maximal, avant de l’abaisser. / Firdia Lisnawati / AP
Pourquoi les autorités ont-elles décidé d’évacuer 100 000 personnes dès le mois de septembre ?
Il existait déjà des signaux d’entrée en éruption depuis septembre. On dispose de plusieurs indications qui nous permettent d’anticiper ces événements. La sismicité, tout d’abord : de plus en plus de séismes sont enregistrés sous le volcan, avec une intensité de plus en plus importante. Ce phénomène est très clairement observé dans le cas d’Agung. On peut également mesurer un gonflement du volcan, même si je ne sais pas si c’est actuellement le cas à Bali, car le magma, en remontant vers la surface, fait « enfler » les flancs du volcan.
A Bali, le volcan Agung est suivi de très près car il est capable de faire de très grosses explosions. Il en a fait dans le passé, comme en 1963. Cette éruption, qui a duré un an, avait un indice d’explosivité volcanique de 5 [sur une échelle de 8], ce qui signifie qu’un kilomètre cube de matériaux a été éjecté du volcan. A l’époque, la pression à l’intérieur du volcan était telle que les colonnes de fumée atteignaient vingt-cinq kilomètres de haut, voire trente [aujourd’hui, elles atteignent trois kilomètres de haut].
Comment peut évoluer la situation maintenant que l’éruption magmatique a commencé ?
Ce que l’on peut dire, à ce stade, c’est que le magma est proche de la surface. C’est ce qui explique le rougeoiement observé au niveau du cratère, à la nuit tombée.
Le mont Agung à la nuit tombée, lundi 27 novembre. / Firdia Lisnawati / AP
Ensuite, tout va dépendre du volume de magma qui est en jeu, et je ne sais pas quelles sont les données dont disposent les autorités indonésiennes. S’il y a, à l’intérieur du mont Agung, un faible niveau de magma, le volcan va libérer l’excès de gaz qui s’est accumulé dans le conduit et l’éruption va s’arrêter là. En revanche, si le volume de magma est important, la pression va continuer à s’accumuler et il y aura d’autres explosions, qui pourront peut-être laisser s’échapper de la lave.