Une école d’art, et après ?
Une école d’art, et après ?
Par Isabelle Dautresme
Pour les écoles d’arts plastiques, l’insertion professionnelle est un souci constant. Trois ans après leur sortie, plus de huit diplômés sur dix ont un emploi rémunéré, mais moins de 10 % vivent exclusivement de leur art.
STÉPHANE TRAPIER
Quand on se lance dans des études artistiques, on sait que cela ne va pas être facile et qu’il nous faudra probablement accepter des travaux moins intéressants, mais il faut y croire et être déterminé. » Pierre Seiter, diplômé en 2017 des Beaux-Arts de Paris, est l’un de ces jeunes aspirants artistes qui ont choisi la voie difficile d’études supérieures consacrées à leur passion. Lui veut « y croire », contre vents et marées : en attendant de pouvoir vivre de son travail, le jeune homme réalise des portraits pour la presse et répond à des commandes commerciales.
Un cas qui est loin d’être isolé, d’après la dernière enquête du ministère de la culture, publiée en décembre 2015. Trois ans après leur sortie, plus de huit diplômés sur dix des écoles d’arts plastiques ont un emploi rémunéré, dont sept dans le champ de leur diplôme. Ils sont cependant à peine 5 % à 10 % à parvenir à vivre exclusivement de leur art. À l’instar de Pierre Seiter, un peu plus de la moitié (57 %) mènent, parallèlement à leur travail personnel, des activités dans le champ artistique : enseignement, participation à des résidences d’artistes, médiation culturelle, régie d’exposition, assistant collectionneur… Les autres occupent des fonctions créatives dans divers domaines (publicité, cinéma, communication, multimédia, édition, etc.) tout en tentant – ou pas – de poursuivre leur travail personnel. Les revenus de ces artistes en souffrance s’établissent en moyenne à 12 000 euros par an pour les plasticiens et à 20 000 euros pour ceux qui ont choisi la filière design ou communication.
Une plate-forme professionnelle
Pour Estelle Pagès, directrice des études à la Haute école des arts du Rhin (HEAR), à Mulhouse et Strasbourg, cette diversité des parcours n’a rien d’étonnant : « Une école d’art ne prétend pas former absolument des artistes mais, beaucoup plus largement, de préparer aux métiers de la création. »
L’insertion professionnelle de leurs diplômés, c’est un souci constant pour les écoles des beaux-arts qui organisent des conférences et invitent des professionnels du champ artistique à venir parler de leurs parcours, à présenter leurs métiers et ce qui les a amenés à faire ces choix. « L’objectif est de permettre aux étudiants d’avoir une meilleure connaissance de toute la filière artistique », précise Emmanuel Tibloux, directeur de l’Ecole supérieure des beaux-arts de Lyon. Des conférences qui ne sont pas toujours bien comprises par les étudiants. « Ils les trouvent souvent déconnectées de leur quotidien. Ce n’est qu’une fois confrontés à la réalité de l’après-école qu’ils se préoccupent de ces questions », soupire Estelle Pagès.
Pour mieux répondre aux attentes des diplômés, les écoles d’art du Grand-Est travaillent à une plate-forme professionnelle à destination des artistes. Avec un premier niveau d’information générale sur les statuts et un deuxième niveau plus personnalisé, « où le jeune aura la possibilité d’être mis en contact avec des juristes, des avocats qui l’accompagneront dans les méandres administratifs », précise la directrice des études.
Le réseau comme point fort
La professionnalisation des futurs artistes passe également, au quotidien, à travers des enseignements assurés majoritairement par des professionnels : artistes, théoriciens, designers… « L’école fonctionne comme un incubateur de projets. Le niveau d’exigence est celui du monde professionnel avec l’avantage qu’ici, les étudiants peuvent faire des erreurs. Ils sont protégés de la dureté du marché », assure Emmanuel Tibloux. Les stages, obligatoires dans la quasi-totalité des écoles, participent également à cette professionnalisation. « Pour les étudiants, c’est l’occasion de voir concrètement comment cela se passe dans la vie professionnelle », souligne Frédérique Joly, directrice des études de l’ENSA Limoges.
Les écoles facilitent en outre la reconnaissance des étudiants. Elles servent de vitrine à leurs travaux notamment lors de salons ou à travers des catalogues. Tout au long de leur cursus, les étudiants sont en effet encouragés à répondre à des appels à projets et à exposer seuls ou le plus souvent à plusieurs. « Nous les accompagnons dans ces démarches notamment pour construire les dossiers. On leur apprend aussi à parler de leur travail », explique Jean-Pierre Simon, directeur de la Villa Arson.
C’est comme cela que Sébastien Carré, créateur de bijoux d’art, diplômé en 2014 de la HEAR, s’est fait connaître. « Quelques mois avant mon diplôme, j’ai présenté dix concours, j’ai eu neuf réponses positives et j’ai décroché un prix », témoigne le jeune homme. Quant à Miryam Haddad, artiste peintre, diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2017, elle a été proposée par l’école pour la représenter au prix Artagon, une rencontre internationale des étudiants en écoles d’arts. « Cela m’a donné l’occasion de me faire connaître », témoigne-t-elle.
« On cherche à donner de la visibilité à nos diplômés. C’est elle qui va leur permettre d’obtenir des programmes de résidence, d’être repérés par d’autres lieux ou par des galeries, et de s’inscrire sur la scène artistique », explique Emmanuel Tibloux. Mais le principal point fort des écoles reste le réseau : « C’est par le bouche-à-oreille que j’ai pu exposer et vendre quelques pièces », admet Pierre Seiter.
Salon des formations artistiques du « Monde », samedi 2 et dimanche 3 décembre 2017
Plus de 100 écoles de mode, de design, de cinéma, de graphisme, de jeux vidéo, d’architecture seront présentes lors du Salon des formations artistiques (le START) du groupe « Le Monde », organisé le premier week-end de décembre à Paris, aux Docks - Cité de la mode et du design.
Des défilés de mode et des ateliers permettront de se faire une idée des différents cursus. Sont également prévues des conférences thématiques, animées par des journalistes de Télérama.
Le salon est précédé de la parution, dans Le Monde daté du 30 novembre et sur Lemonde.fr/ecoles-d-art, d’un supplément consacré aux formations artistiques.
Entrée gratuite, préinscription (recommandée) et informations sur http://www.le-start.com/