Wingsuit : les Soul Flyers vivent d’adrénaline, de vidéo et d’eau fraîche
Wingsuit : les Soul Flyers vivent d’adrénaline, de vidéo et d’eau fraîche
Par Catherine Pacary
Les Soul Flyers Vince Reffet et Fred Fugen ont réussi l’exploit de sauter d’une montagne en wingsuit avant d’entrer dans un avion en plein vol.
« Quarante millions de vues ! Si on touchait 1 euro par vue, on serait millionnaires ! » Vince Reffet, un des deux Soul Flyers, s’en amuse. Leur dernière vidéo, A Door in the Sky, met en scène les deux wingsuiteurs, prenant leur envol du sommet de la Jungfrau, en Suisse, pour s’introduire, quelques centaines de mètres plus bas, par la porte d’un petit avion. L’exploit fait un carton depuis sa publication sur YouTube mardi 29 novembre à 17 heures : 40 millions de vues le lendemain à 9 heures, 54,2 millions sur Facebook à 19 heures.
Les deux athlètes ne sont pas des novices. Fred Fugen, 38 ans, quadruple champion du monde de saut libre (de 2003 à 2006), vainqueur des mondiaux de 2005 et 2009 ; et Vince(nt) Reffet, 33 ans, triple champion du monde (2004, 2006, 2008), deux fois médaillé aux Mondiaux (2005, 2009). Ils ne tirent toutefois pas leur renommée de leur palmarès sportif. « On n’a rien gagné dessus, on n’a jamais été reçu à l’Elysée », plaisante Vince Reffet. Leur célébrité vient de leurs vols filmés, qui envahissent périodiquement la Toile. Après avoir sauté de la plus haute tour du monde en avril 2014, la Burj Dubaï, surfé entre les canyons des Dolomites, en Italie, ou avoir volé en Jetman à côté de la patrouille de France en 2016 – pour ne parler que des plus récentes.
2 wingsuit flyers BASE jump into a plane in mid-air. | A Door In The Sky
Durée : 02:23
« On gagne de quoi vivre »
Toujours plus haut, toujours plus fort ? Les deux athlètes détiennent un autre record, moins spectaculaire. Ils sont les deux seuls sportifs en France, dans leur spécialité, à vivre de leurs vidéos. Honnêtement, sans plus. « On gagne de quoi vivre et de quoi mettre un peu d’argent de côté. » Fred Fugen ne sera pas plus précis. Affalé dans un sofa moelleux, face aux Arts et Métiers, à Paris, en ce frisquet matin d’avant Avent, le plus jeune des deux hommes volants se console « c’est un métier que l’on fait par passion, sous-entendu pas pour l’argent. S’il y avait un plus gros enjeu financier, peut-être que ça nous boufferait la vie. » Vince allume le sapin de Noël lumineux qui orne son sweat shirt – sans quitter sa casquette Red Bull.
Le deal est simple. Le sponsor, en l’occurrence ici Red Bull (même s’ils sont aussi soutenus par Jetman, Tag Haueur et Julbo), finance tout, du projet aux images, des voyages aux entraînements… En échange de quoi la marque autrichienne est propriétaire des images. De leur côté, les Soul Flyers sont libres de soumettre le projet qui leur plaît, de le réaliser à leur rythme et de voir le résultat promu aux quatre coins de la planète, le tout étant acté par un contrat annuel.
Le secret, clé de la longévité
Première étape, flairer le bon sujet. L’inspiration d’A Door in the Sky vient de Patrick de Gayardon, pionnier du wingsuit qui, dès 1997, sauta d’un avion avant d’y entrer à nouveau. Pour renouveler le genre, les deux hommes décident de sauter d’une montagne (base jump). Chez Red Bull, Olivier Guiraud accroche tout de suite.
Sept mois seront ensuite nécessaires pour passer du rêve à la réalité. En juin, les deux amis partent en quête de la montagne de lancement idéale, tous frais payés. Yves Rossy, alias « Jetman », leur vante les attraits de la Jungfrau et ses 4 158 mètres. Adjugé.
Personne ne doit à ce moment-là être informé. Le secret, c’est une des clés de leur réussite et de leur longévité. La concurrence s’est intensifiée depuis leurs débuts, il y a vingt et un an pour Fred, dix-sept ans pour Vince. « La difficulté est de trouver de nouvelles idées, sans se les faire piquer », résume Fred Fugen. L’entraînement se fera donc discrètement, en Espagne, durant l’été, sans que les participants eux-mêmes en connaissent la finalité. Durant cette phase, « on fait tout tout seul », précise Fred Fugen, de l’obtention des autorisations administratives à la location du matériel et l’emploi du personnel, soit 11 personnes, dont deux pilotes d’hélicoptère, un pilote d’avion, deux cameramen.
Six ans de collaboration, et la retraite à 65 ans
En six ans de collaboration, la confiance est installée entre Red Bull et les Soul Flyers. Il y a juste une limite – financière – à ne pas dépasser. Or, cette fois, ils vont l’exploser. Arrivés en Suisse pour la phase finale, les deux parachutistes ne parviennent pas à passer par cette porte de 1,50 mètre de côté. « Avec l’adrénaline, on ne sent pas la douleur », note Vince. Un break s’impose, tous deux sont épuisés mentalement. Mais échouer, cela signifie reporter de sept mois, sans décompresser vraiment.
Après trois semaines de relâche et un ultime report pour cause de météo défavorable, les deux athlètes réussissent le saut parfait. L’explosion de joie filmée dans la carlingue, ce sont sept mois de tension qui s’évacuent.
Avant de repartir. En pleine promo, ils ont déjà deux autres projets en tête. Jeune marié, Vince n’imagine pas faire autre chose. « Etre payé pour faire ce qu’on aime, c’est le rêve ! On a de la chance, même si cette chance on a su la provoquer. » Quant à arrêter ? « On prendra notre retraite à 65 ans, assure Fred, comme tout le monde ! »