Booba confortable mais sans surprise sur son « Trône »
Booba confortable mais sans surprise sur son « Trône »
Par Stéphanie Binet
Le rappeur français, exilé à Miami, publie son neuvième album en digital après un piratage sur Internet dans la nuit de lundi à mardi.
Le rappeur Booba a sorti le 1er décembre son neuvième album, « Trône », en format digital. / DR
Il avait tout prévu. Depuis des semaines, Booba peaufinait la sortie de son nouvel album Trône, censé assurer son satut d’empereur du rap français. En homme d’affaires avisé, il faisait doucement monter la pression en commercialisant ses produits dérivés : le whisky D.U.C et le parfum KoEptYs. Côté musique, Booba est devenu depuis un an l’incontestatble meilleur directeur artistique de son genre, en produisant sur son label 92i les rappeurs belges Damso et Shay, puis le MC masqué, Siboy, véritable phénomène de scène. Auparavant, il avait déjà dynamisé les carrières de Kaaris et de Kalash. La semaine dernière, Booba se lançait un nouveau défi. Le rappeur originaire de Boulogne-Billancourt annonçait un concert dans la U Arena de Nanterre, soit 40 000 places, mises en vente le 29 novembre. 13 000 billets se sont arrachés en 24 heures pour show prévu le 13 octobre 2018.
Fuite
Le neuvième album de Booba devait couronner ce long travail de fond en établissant un nouveau record d’écoutes en ligne, le jour de sa sortie numérique, le 1er décembre (sortie physique le 15). Mais voilà, onze des quinze morceaux de l’album ont finalement fuité sur Internet quatre jours plus tôt, via l’application WhatsApp. Le rappeur dont le slogan de la marque de vêtements Ünkut est « In Us we Trust » (en nous, nous avons confiance) aurait été trahi par un de ses collaborateurs. Booba ne battra probablement pas le record de Nekfeu établi à la même époque en 2016, celui de l’album le plus streamé en une journée. Ce dernier avait créé la surprise en sortant son disque, Cyborg, le soir de son concert à l’AccorHotels Arena de Paris.
Des surprises, il y en a finalement peu. Comme le précédent, Trône débute par une menace à peine voilée à ses rivaux. Finies les bagarres dans le hall de son immeuble à Miami. Il les affronte via les réseaux sociaux. Le maître du clash décoche à un de ses concurrents dans l’introductif Centurion : « Sale Fils De P…, tu ne respectes rien, on n’avait dit pas les parents/Quand viendra l’AR-15 (arme de guerre), faudra pas parler allemand ».
Appuyé entre autres à la production musicale par Dany Synthé et Twinsmatic, Booba reprend les recettes qui ont fait le succès de son précédent Nero Nemesis, un subtil équilibre entre des ballades autotunées comme le redoutable Friday et des références appuyées à l’Afrique de l’Ouest. Il avait emprunté le refrain d’Inianafi Debena au joueur de kora malien Sidiki Diabaté pour Validée, il invite cette fois-ci le musicien à composer Ça va aller, en duo avec le prodige de la trap à la française, Niska.
Booba feat. Benash - Validée (Clip Officiel)
Durée : 07:05
Le Duc de Boulogne comme il aime se faire appeler partage aussi l’affiche avec Damso. Un protégé qui pourrait à l’avenir lui faire de l’ombre, et lui voler la vedette sur ses fameuses métaphores gores pour lesquelles l’écrivain Thomas A. Ravier avait inventé le néologisme « métagore ». Dans un article de la Nouvelle Revue Française publié en 2003, l’auteur expliquait ainsi que l’écriture de Booba était chargée de ces images, « de rapprochements qui n’ont pas lieu d’être… apparition, vénéneuse, rétinienne, brusque, brutale, impossible à se retirer de la tête. » 15 ans plus tard, le métagoriste en chef écrit dans Ridin’: « Tu veux voir c’qu’c’est Africa, t’as juste à me sucer la queue ». Gore toujours.
Biacth et petite fille
Sur ce même morceau, il prétend d’ailleurs qu’il se moque bien d’être appelé « misogyne ou sexiste » même si quelques minutes plus tôt, il affirmait dans le très réussi A la Folie, « que malgré tout, je les respecte toutes, tu le sais si tu as croisé ma route. » En revanche dans ces raps, toutes des « biatch, des connasses » des michetonneuses qui « croient au Père Noël, aux sacs Chanel, aux Zanotti » (A la Folie). Sauf bien sûr sa mère et sa fillette, Luna, à qui il dédie une joli piano voix Petite Fille, un Morgane de Toi version hip-hop. Mais gare aux prétendants. Dans Terrain, l’ancien tôlard prévient : « Canon scié sur les genoux, j’attends Luna et son fiancé. J’suis peut-être un vieux con, mais oublie pas que j’ai mangé pâtes et thon au bâtiment C. » Efficace surtout grâce aux morceaux qui font appel à la kora mandingue (A la Folie, Ça Va Aller et DKR remixé), court avec à peine 45 minutes et sans efforts.
Booba - DKR (Clip officiel)
Durée : 05:23
1cd Capitol, Trône
www.facebook.com/booba