Ligue des champions : pourquoi le PSG a une chance sur trois de rencontrer Chelsea
Ligue des champions : pourquoi le PSG a une chance sur trois de rencontrer Chelsea
Par Julien Guyon (Docteur en mathématiques appliquées, professeur associé aux départements de mathématiques de l’Université de Columbia et de NYU)
Le PSG, qui connaîtra lundi son adversaire en huitième de finale de la Ligue des champions, a 29,4 % de chances de tomber sur le club anglais, calcule le mathématicien Julien Guyon.
Le tirage au sort des huitièmes de finale de la Ligue des champions aura lieu lundi 11 décembre, et cette année certaines probabilités de tirage sont assez extrêmes. Par exemple, Paris a 29,4 % de chances de tomber sur Chelsea, alors que les autres adversaires possibles du PSG (Bâle, Juventus Turin, Séville, Donetsk, Porto et Real Madrid) sont beaucoup moins probables (entre 10 et 13 % chacun). La probabilité d’un match Barcelone-Chelsea atteint même 41,3 % ! Les oppositions les moins probables sont PSG-Porto et Bayern Munich-Besiktas (10,5 % chacune). Le tableau suivant donne les probabilités de tirage pour les 16 équipes qualifiées, arrondies à 0,1 % près.
Le fait que le PSG ait autant de chances de rencontrer Chelsea est dû au fait que Chelsea ne peut rencontrer que 3 équipes : Barcelone, Paris et Besiktas. Comment se fait-il que Chelsea ait si peu d’adversaires possibles ? C’est la conséquence des contraintes que l’UEFA impose lors du tirage. Les vainqueurs de groupes doivent être appariés avec des deuxièmes de groupe. De plus, deux équipes d’un même pays ou deux équipes qui faisaient partie d’un même groupe lors de la phase de poules ne peuvent pas être tirées l’une contre l’autre.
Cinq représentants pour l’Angleterre
Cette année, exceptionnellement, l’Angleterre a 5 représentants en Ligue des champions : les 4 équipes ayant terminé aux 4 premières places du championnat anglais l’an dernier, ainsi que Manchester United qui s’est qualifié en gagnant la Ligue Europa. Quatre d’entre eux ont fini premiers de leur groupe ; seul Chelsea a terminé deuxième, derrière l’AS Roma. Par conséquent Chelsea n’est autorisé à rencontrer que les 3 vainqueurs de groupes qui ne sont ni anglais ni l’AS Roma : Barcelone, Paris et Besiktas.
On pourrait penser que Chelsea a 1 chance sur 3 de tomber sur chacune de ces équipes. Ce serait le cas si Chelsea recevait un traitement spécial au début du tirage au sort : parmi 3 boules (Barca, PSG, Besiktas) une serait tirée au sort pour désigner l’adversaire de Chelsea. Mais ce n’est pas ainsi que le tirage est effectué.
On pourrait aussi penser que, pour calculer la probabilité que deux équipes A et B se rencontrent, il suffirait de lister tous les résultats admissibles du tirage, c’est-à-dire les résultats qui satisfont toutes les contraintes (il y en a 4 238), puis de calculer la proportion de tirages admissibles pour lesquels A rencontre B. Par exemple, parmi les 4 238 résultats possibles du tirage, il y a exactement 1 854 résultats pour lesquels Chelsea rencontre Barcelone (soit 43,7 %), contre seulement 1 192 résultats pour lesquels Chelsea rencontre Paris ou Besiktas (28,1 %). Il y a plus de tirages admissibles contenant un match Barcelone-Chelsea car Barcelone ne peut rencontrer que 5 équipes (la Juventus, Séville et le Real Madrid sont interdits) alors que le PSG et Besiktas peuvent en rencontrer 7.
Neymar lors du match face au Celtic Glasgow. | FRANCK FIFE / AFP
Il est tentant de conclure de ces calculs que le PSG a 28,1 % de chances de rencontrer Chelsea. Ce serait le cas si le tirage au sort consistait à tirer au hasard une boule parmi 4 238, chaque boule représentant un tirage admissible complet. Mais ceci n’est pas faisable en pratique. Le tirage au sort suit d’autres règles, et la probabilité d’un affrontement PSG-Chelsea n’est en fait pas égale à 28,1 %.
Pour calculer cette probabilité, il faut prendre en compte la manière dont l’UEFA procède pour imposer les contraintes lors du tirage. Huit boules, correspondant aux 8 deuxièmes de groupes, sont placées dans une urne. A chaque fois qu’une boule est tirée au sort hors de l’urne, un ordinateur fournit la liste des adversaires possibles pour cette équipe. Cela peut être plus compliqué qu’il n’y parait. Imaginez par exemple que les 3 premiers affrontements tirés au sort soient Barcelone-Porto, Tottenham-Bale et Besiktas-Real Madrid, et que Séville soit la quatrième boule tirée au sort de l’urne.
Même si Séville semble a priori pouvoir jouer contre Paris, Paris ne serait pas listé comme un adversaire possible pour Séville. En effet, apparier Paris et Séville mènerait à une impasse : Chelsea ne pourrait alors rencontrer qu’un club anglais ou l’AS Rome, ce qui est interdit. Une fois que la liste des adversaires autorisés est fournie, un de ces adversaires est tiré au sort.
4 millions de tirages simulés
Pour calculer les vraies probabilités j’ai simulé 4 millions de tirages en suivant la procédure officielle. Il est aussi possible de calculer les probabilités exactes par ordinateur. Les deux méthodes donnent les mêmes résultats, à l’erreur d’échantillonnage près. La procédure de tirage a un impact sur les probabilités : PSG-Chelsea et Besiktas-Chelsea sont plus probables qu’ils ne devraient l’être (29,4 % contre 28,1 %), alors que Barcelone-Chelsea est moins probable qu’il ne devrait l’être (41,3 % contre 43,7 %). Par « devrait l’être » j’entends : si les 4 238 tirages admissibles étaient équiprobables.
Pour illustrer l’impact de la procédure sur les probabilités, j’ai également calculé ce que seraient les probabilités si, au lieu de vider le pot des deuxièmes de groupes, l’UEFA vidait le pot des vainqueurs de groupes (1 million de simulations). Les probabilités seraient en effet légèrement différentes. Par exemple la probabilité de PSG-Chelsea grimperait à 29,9 %.
Enfin, j’ai calculé ce qu’auraient été les probabilités si Chelsea avait remporté son groupe devant l’AS Rome (1 million de simulations). Les probabilités auraient été complètement différentes, non seulement pour Chelsea, mais aussi pour toutes les autres équipes. Il est étonnant de constater à quel point le résultat d’un seul match de poules influe sur le reste de la compétition.
En conclusion, notons tout de même que le fait que le PSG ait 29,4 % de chances de rencontrer Chelsea signifie aussi qu’il a plus de chances (70,6 %) de ne pas tomber sur lui !
Julien Guyon est mathématicien et amateur de football. Analyste quantitatif, il est également professeur associé au département de mathématiques de Columbia University et au Courant Institute of Mathematical Sciences de New York University. La nouvelle méthode de tirage au sort qu’il a proposée pour la Coupe du monde s’applique également aux huitièmes de finale de la Ligue des champions. Elle est décrite ici. D’autres tableaux de probabilités sont disponibles sur le compte Twitter de l’auteur :@julienguyon1977.