Christopher Froome, un asthmatique inséparable de sa Ventoline en course
Christopher Froome, un asthmatique inséparable de sa Ventoline en course
Par Clément Guillou
Le Britannique n’a révélé souffrir d’asthme d’effort qu’en 2014, lorsqu’il a été vu inhalant de la Ventoline peu avant d’attaquer. Froome a aussi bénéficié d’autorisations d’usage pour des corticoïdes.
Christopher Froome, ici sur le Tour de France 2016, avait révélé souffrir d’asthme d’effort en juin 2014. / LIONEL BONAVENTURE / AFP
Peut-on remporter quatre Tours de France cyclistes en étant asthmatique ? La réponse tient en deux mots : Christopher Froome. Le Britannique a subi lors du Tour d’Espagne un contrôle dont le résultat se révèle anormal, car faisant apparaître un taux trop élevé de salbutamol, substance bronchodilatatrice utilisée dans la lutte contre l’asthme.
Comme beaucoup d’autres sportifs, Froome dit souffrir d’asthme durant l’effort. C’est une maladie courante chez les cyclistes, qui respirent des volumes d’air importants dans un environnement agressif pour leurs bronches, notamment à cause des pollens et des pots d’échappement. Les bronches ont alors tendance à s’obstruer pendant l’effort et les produits comme le salbutamol sont là pour les dégager.
Les deux vainqueurs du Tour de France issus du Team Sky, Froome et Bradley Wiggins, disent souffrir des bronches et d’allergies respiratoires. En 2014, une étude de l’université du Kent évaluait à un tiers la proportion de coureurs de l’équipe britannique souffrant d’asthme d’effort.
« Mon asthme est bien connu et je connais exactement les règles. J’utilise un aérosol pour limiter les symptômes (toujours dans les limites permises) et je sais bien sûr que je serai contrôlé chaque jour que je porte le maillot de leader », a expliqué Christopher Froome dans un communiqué transmis mercredi 13 décembre par l’équipe Sky.
« Mon asthme s’est accentué durant la Vuelta, donc j’ai suivi les recommandations du médecin de l’équipe pour augmenter mes doses de salbutamol. Comme toujours, j’ai pris les plus grandes précautions pour faire en sorte que je ne dépassais pas la dose permise. »
« Je prends mon aérosol tous les jours »
Le contrôle anormal du meilleur coureur de la décennie vient rappeler la tendance de Sky à jouer avec les limites des règlements antidopage, en contradiction avec ses engagements de transparence et de respect absolu de l’éthique pris à son arrivée dans les pelotons, en 2010.
Ce n’est qu’en juin 2014 que l’asthme de Christopher Froome a été révélé, après qu’il a été vu lors du Critérium du Dauphiné porter à sa bouche un aérosol de Ventoline, quelques minutes avant de porter une attaque dévastatrice pour ses adversaires. Froome s’était alors étonné des questions sur le sujet et Sky avait précisé que son coureur en souffrait depuis l’adolescence.
Cette affection respiratoire n’était pourtant pas mentionnée dans l’autobiographie autorisée du champion, publiée un an plus tôt, qui citait la bilharziose, une maladie tropicale, comme étant à l’origine de ses quintes de toux à l’arrivée des courses. Jusqu’à cette étape du Critérium du Dauphiné, Christopher Froome, devenu un grand nom du cyclisme mondial depuis fin 2011, n’avait jamais été filmé en train de prendre de la Ventoline.
« Je prends mon aérosol tous les jours », disait quelques jours plus tard le quadruple vainqueur du Tour au journaliste irlandais et ancien coureur Paul Kimmage. « La Ventoline, ce n’est que pendant l’effort. Le Fluticasone [un corticoïde léger], c’est quotidien, plus préventif, et j’en prends deux bouffées. (…) Si je n’ai pas mon aérosol avant un très gros effort, il est probable que je n’arriverai pas à respirer correctement. Ce n’est pas une aide à la performance (…). Cela m’aide à revenir à la normale et je ne vois absolument pas cela comme un avantage indu. »
Un corticoïde contre une infection respiratoire
Ce même mois de juin, Le Journal du dimanche avait révélé l’obtention par Christopher Froome d’une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) pour prendre par voie orale de la prednisolone, un puissant corticoïde permettant de lutter contre une infection respiratoire. Sky avait obtenu à l’UCI la validation de cette AUT que le médecin personnel du coureur à Monaco, le docteur Stéphane Bermon, n’avait pas jugée nécessaire. Sous corticoïde, le Britannique avait remporté le Tour de Romandie.
L’an passé, les pirates des Fancy Bears ont révélé une autre AUT de Chris Froome, datant de 2013, toujours pour de la prednisolone. Depuis, le leader de la Sky s’est prononcé contre la pratique des AUT et dit avoir refusé d’en demander une pour surmonter une bronchite lors de la troisième semaine du Tour de France 2015.
Autre victime du piratage des Fancy Bears, Bradley Wiggins avait lui opté pour un corticoïde encore plus puissant, la triamcinolone, accompagné d’une AUT avant chacun de ses objectifs les plus importants de l’année : les Tours de France 2011 et 2012 – il avait remporté ce dernier – et le Tour d’Italie 2013. Le Kenalog, ou Kenacort, dont la triamcinolone est le principe actif, lui avait été administré par voie intramusculaire, la plus efficace. C’était selon lui pour lutter contre des allergies au pollen dont il n’avait jamais fait part auparavant, alors qu’il avait dépassé la trentaine.
« Le règlement vous permet de le faire »
Le mois dernier, l’Agence antidopage britannique (UKAD) a par ailleurs annoncé la clôture d’une enquête concernant la mystérieuse livraison d’un produit pharmaceutique à Bradley Wiggins en 2011, au dernier jour du Critérium du Dauphiné. Les différentes auditions n’avaient pas permis d’identifier le contenu de ce paquet. La version officielle de l’équipe Sky, selon laquelle il contenait un décongestionnant nasal autorisé (Fluimicil) avait été jugée peu concluante et les reçus des achats médicaux de l’équipe, comme de la fédération britannique, n’avaient pas été conservés.
Le patron de la Sky, Dave Brailsford, avait tenté de convaincre le quotidien Daily Mail de ne pas révéler l’affaire et avancé des explications rapidement démenties. Cette cascade de révélations a terni l’image de l’équipe qui avait réconcilié les Britanniques avec le Tour de France.
Dans un documentaire diffusé le mois dernier par la BBC, l’ancien entraîneur de la Sky et de la fédération britannique a justifié le fait de jouer avec les règlements antidopage pour obtenir de meilleures performances, cette stratégie faisant partie des marginal gains (« améliorations marginales ») vantés depuis la création de l’équipe. « Est-ce que ces améliorations peuvent passer par l’obtention d’une AUT ? Oui, parce que le règlement nous permet de le faire, a dit l’Australien Shane Sutton. Votre boulot, c’est d’avoir l’avantage sur votre concurrent et, au final, de les achever ; mais il ne s’agit absolument pas de franchir la ligne rouge, et c’est quelque chose que nous n’avons jamais fait. »
Jusqu’au contrôle anormal de Christopher Froome, sur le dernier Tour d’Espagne.